Pourquoi nous devrions tous être alarmés que les troupes israéliennes forment les forces de police étatsuniennes (Foreign Policy in Focus)

Pourquoi nous devrions tous être alarmés que les troupes israéliennes forment les forces de police étatsuniennes.
Article originel : Why We Should All Be Alarmed That Israeli Troops Are Training US Police Forces
Par Domenica Ghanem
Foreign Policy in Focus

Police israël (c) Photo Hazem Bade / AFP / Getty Images

Les forces israéliennes qui répriment les manifestants palestiniens non armés forment également les forces de police étatsuniennes qui brutalisent la communauté noire.

Razan al-Najjar est la dernière victime de l'attaque israélienne contre les Palestiniens à faire scandale. L'infirmière de 21 ans a été abattue par un tireur d'élite. Sa seule arme ? Une liasse de bande médicale. Elle traitait les manifestants qui se sont ralliés pour leur droit de retourner dans les foyers dont ils ont été expulsés en tant que réfugiés.

Malheureusement, la mort d'un autre civil non armé n'est même pas une nouvelle pour les Palestiniens.

Le 14 mai, jour où les États-Unis ont déplacé leur ambassade à Jérusalem pour appuyer symboliquement la reconnaissance de la ville comme capitale d'Israël, a également été le jour le plus sanglant de cette récente vague de manifestations. En une seule journée, au moins 50 Palestiniens ont été tués et 2 400 autres blessés par l'armée israélienne. (D'autres statistiques donnent des chiffres encore plus élevés.)

Ce n'est pas une anomalie. Au cours de cette dernière vague de manifestations, les forces israéliennes ont tué des dizaines de manifestants non armés et en ont blessé des milliers d'autres. Et ils ne s'excusent pas.

La violence a en outre des implications troublantes pour les États-Unis - et pas seulement pour leur politique étrangère, mais aussi pour leur propre pays. C'est parce que les forces de police étatsuniennes s'entraînent beaucoup avec l'armée israélienne. En fait, des centaines de services de police fédéraux, d'État, locaux et même de campus à travers le pays se sont formés dans une certaine mesure avec les forces israéliennes qui abattent maintenant des manifestants palestiniens en masse.

Parmi les plus notables, mentionnons la police de Chicago, responsable de la fusillade et du meurtre de Laquan McDonald, âgé de 17 ans. La police de Baltimore aussi, responsable du meurtre de Freddie Gray, 25 ans. Et le département de la police de St-Louis, qui a été déployé à Ferguson lorsque des protestations ont éclaté après que la police ait tué Michael Brown, 18 ans, incitant les Palestiniens de la moitié du monde à commencer à tweeter des conseils pour minimiser les blessures lorsque la police déploie des gaz lacrymogènes.

Les services de police étatsuniens sont envoyés en Israël, ou parfois les forces israéliennes viennent aux États-Unis, sous prétexte de formation antiterroriste.

Apparemment, cette formation inclut l'apprentissage des avantages de l'"eau de mouffette" - un liquide développé par Israël qui est utilisé pour briser les manifestations anti-occupation comme celles qui ont lieu en ce moment. Après les protestations à Ferguson, le département de Saint-Louis a commencé à stocker le matériel.

Et ce tristement célèbre programme de surveillance musulmane de la police de New York ? Le chef de la Division du renseignement de la police de New York responsable de cette affaire a eu l'idée d'un programme similaire utilisé pour espionner les Palestiniens.

Cela soulève la question de savoir qui la police étatsunienne les considère comme terroristes.

L'ancien chef du Shin Bet (le service de sécurité intérieure d'Israël) Avi Dichter - qui a préconisé le largage de bombes lourdes sur les immeubles d'habitation occupés par des civils à Gaza - croit qu'il existe "un lien intime entre la lutte contre les criminels et la lutte contre les terroristes". Il appelle ces menaces des " criminels terroristes ".

Mais il ne s'agit pas d'un transfert unilatéral de tactique. Dichter aime confondre la guerre contre le terrorisme et la guerre contre la drogue en les mettant dans la même catégorie. Et lorsque les forces israéliennes visitent les États-Unis, elles reçoivent également une formation de nos forces de police sur les tactiques de guerre contre la drogue qui ont ciblé les communautés noires.

Et tout aussi bien documentés que les meurtres des Noirs étatsuniennes par la police étatsunienne sont les meurtres militaires israéliens, la torture et la surveillance des adultes et des enfants palestiniens.

Prenez Mohammed Tamimi, 15 ans. Il a été abattu lors d'une manifestation et a dû se faire enlever une partie de son crâne. Il a ensuite été emmené par les forces israéliennes au milieu de la nuit, et battu pour avouer qu'ils ne lui ont pas tiré dans le visage, malgré que les dossiers médicaux et les témoignages oculaires prouvant le contraire.

Bien sûr, cette histoire a une fin à laquelle les Noirs étatsuniens peuvent également s'identifier - ceux qui portent l'uniforme seront rarement tenus responsables par le gouvernement.

Bien que ces liens puissent être nouveaux pour certains, les militants qui luttent à la fois contre l'occupation de la Palestine et pour la vie des Noirs ne sont pas étrangers à la façon dont leurs luttes sont liées.

En 2015, des artistes et militants noirs et palestiniens ont publié une vidéo et une déclaration de solidarité entre Noirs et Palestiniens face à la violence sanctionnée par l'État. Et la plate-forme du Mouvement pour la vie des Noirs comprend des demandes pour que les États-Unis se dessaisissent de l'occupation de la Palestine.

Le mouvement prend racine dans de nombreuses villes. À Atlanta, le groupe #ATLisReady a publié une liste de revendications à la suite des meurtres d'Alton Sterling et de Philando Castille - le premier appel à la cessation de l'implication du département de police d'Atlanta dans les programmes de formation israéliens. Et Jewish Voices for Peace a lancé "Deadly Exchange", une campagne pour mettre fin au partage des pires pratiques policières.

Et maintenant, ces mouvements commencent à engranger des victoires. Durham, Caroline du Nord est récemment devenue la première ville à interdire la formation de la police étatsunienne par l'armée israélienne.

Le succès de l'interdiction de formation de Durham, menée par Demilitarize de Durham2Palestine, est encore plus extraordinaire si l'on considère les efforts des puissants lobbies pro-israéliens et policiers pour sévir contre les organisations militantes dirigées par les Noirs et les Palestiniens.

Alors que les forces conjointes de l'armée israélienne et de la police étatsunienne sont un affront terrifiant et souvent mortel, une force conjointe noire et palestinienne pour le bien émerge comme étant elle-même assez puissante. Et comme le nombre de morts augmente ici et à Gaza, elle est plus nécessaire que jamais.

Traduction SLT