Haïti : Un Carnaval en mode trivial pour masquer les contradictions d’un pouvoir au service de la corruption.
Par Erno Renoncourt
LGS
Célébrer l’indigence et bafouer l’intelligence
On eut un pays en fête pour célébrer une croissance économique certaine justifiant la reconduction au pouvoir de l’équipe « Tet Kale » après un an d’une longue bataille électorale sur fond de fraudes et d’irrégularités.
Ainsi Pendant toute la saison allant de la fête des Rois au mercredi des cendres, de nombreux médias haïtiens ont diffusé sans intermittence et sans retenue des bruits d’une indigence en fête.
Ce sont de échos sourds et frustes d’une sous humanité qui débride de vulgarité et d’obscénité en lieu et place d’intelligence et de noblesse. Ce sont de échos tonitruants d’un modèle d’existence qui dissimule très mal une absence de goût, de culture, de civilité et de décence malgré l’apparente exubérance de luxe dans laquelle vautrent les promoteurs de cette indigence. Ce qui devait, à intelligence partagée, leur ouvrir la voie aux vraies valeurs. Bien au contraire.
On eut dit que la raison a catalogué les tenants et sympathisants de cette forme d’expression urbaine dans ce rayon de l’humanité où germent et foisonnent en abondance, dans la caraïbe, les fumiers, où les fleurs, de l’indigence. Comme toute chose humaine participe d’une étrange dualité, c’est sans doute le versant opposé des fleurs de givre de l’arctique.
Dans les deux cas certaines conditions climatiques et environnementales permettent l’éclosion de ces deux espèces rares que tout oppose au premier contact. Car l’une attire, l’autre repousse. Si les fleurs de givre de l’arctique étonnent par leur beauté et leur fragilité, les fleurs de l’indigence de la caraïbe révoltent par leur pestilence et leur résilience. Pourtant dans leur dualité apparente, ces deux espèces causent du tort à leur écosystème. En effet, il parait que les fleurs de givre libèrent du méthanal qui altèrent la couche d’ozone et contribuent probablement au réchauffement climatique ; tandis que les fleurs d’indigence irradient une énergie négative qui pollue la vie et obscurcit tout.
Deux versants d’une même cause : indigence fumeuse et accointances douteuses
C’est sans doute l’expérience amère que vivent ceux et celles qui subissent aujourd’hui les foudres obscènes du roi des indigents. N’ont-ils pas rendu possible l’éclosion de cette fleur d’indigence ? N’ont-ils pas dansé et fait la révolution pour un nouveau contrat social au son de cette même vulgarité qui les inonde et les foudroie ? Et oui, tous ceux et celles qui sont souillé par les insultes de l’ex président Martelly avaient dansé à une époque récente les mêmes échos vulgaires qu’ils dénoncent aujourd’hui. C’était en 2004 le temps de la révolution contre La seconde présidence d’Aristide.
184 fanions, comme autant de factions représentant la diversité macoutique haïtienne dans ses ramifications et ses accointances douteuses furent mobilisés. Étudiants, intellectuels du cercle de l’Ambassade de France, religieux, Directeurs d’opinion, hommes d’affaires et leaders politiques avaient tous répondu à l’appel : GNB : « Grenn Nan Bounda An Ale » !
C’est vrai que la vulgarité actuelle est dénoncée...encore tout fébrilement par certains écrivains. Mais comment croire à la dénonciation intellectuelle de l’obscénité quand ces intellectuels avaient eux aussi fredonné en 2004 les Mêmes échos vulgaires pour boycotter les festivités du bicentenaire ? En cette saison, Martelly était le roi de l’animation du mouvement politique. Il cristallisait l’insolence de la rébellion contre Aristide. Preuve encore s’il en était besoin que les ennemis du peuple haïtien servent le même intérêt. Même si conjoncturellement des nuances les séparent.
Et grâce à ce beau monde peuplé d’imposteurs, à bon port Haïti est arrivée. Car désormais, il flotte sur Haïti une indigence pesante chargée d’une énergie négative qui court-circuite toutes les forces de progrès du pays.
Le bon sens s’accorde à reconnaître qu’un pays est en déconfiture imminente quand, parmi Les puissants, ni dans les ordres religieux, ni dans le monde des arts et de la culture, ni dans le secteur des affaires, ni dans le pouvoir judiciaire, aucune voix dissidente ne s’insurge contre la vulgarité triomphante. Et pas que ! Car cette vulgarité n’est que la fleur de la promesse indigente qui nous vaut d’avoir un inculpé comme Président alors qu’ailleurs pour bien moins les juges assument leur instruction sans faire obstruction à la justice. Fait monstrueusement indigent que tous les médias passent sous silence.
La Morale de tout ceci est qu’on ne respire et ne flirte pas impunément avec la fleur de l’indigence. La vulgarité qu’on laisse retentir nous revient toujours au plus profond de la gorge...Aujourd’hui, si elle prend la forme d’un fumier de banane aux arômes fétides qui ébruite des froissements obscènes ; demain elle prendra sa vraie nature : le fascisme pur et dur. D’ailleurs le contexte mondial s’y prête aisément.
Au vrai, ce sont les accointances douteuses de la petite bourgeoisie intellectuelle haïtienne, constituée pour une bonne part d’intellectuels précaires, de journalistes affamés, de patrons de presse prêts à toutes les compromissions et de politiciens flirtant avec toutes les nuances merdiques du macoutisme qui nous valent aujourd’hui le triomphe de cette vulgarité.
Indigence d’hier et d’aujourd’hui au service de la même cause
Le triomphe de l’indigence politique en Haïti n’est qu’un piratage du pouvoir, une confiscation du suffrage populaire par le secteur mafieux des affaires (y en a-t-il un autre ?) au profit de l’escroquerie et de la criminalité. Et la vulgarité n’est que le bruit divertissant de ce piratage pour abrutir les masses. Et les médias, en la relayant ne font que jouer leur rôle, comme les intellectuels ont joué leur rôle en 2004. D’ailleurs en regardant les noms des ministrables qui circulent, on retrouve de vielles connaissances de l’indigence médiatique et poétique haïtienne.
Ainsi, il y va du devoir de ceux qui sont résolument opposés à cette indigence de revivifier les héros des luttes populaires et paysannes d’ici et d’ailleurs afin d’offrir aux masses des modèles capables de fortifier leur dignité et de structurer leur révolte.
C’est la mort de l’idéologie au profit du marketing célébrant la réussite individuelle qui nous vaut aujourd’hui cette détresse qui vulgarise la sous humanité comme valeur. Il est temps de commencer par organiser sérieusement la résistance à l’indigence loin des sommets des accointances douteuses faites d’ambivalence (Laloz) et de duplicité en puisant dans les légendes des révoltes populaires.
Les peuples ont besoin de héros pour galvaniser leur énergie et doper leur indignation. Non, ce n’est pas le Peuple Haïtien qui est indigent. C’est le leadership religieux, culturel, politique, social et économique qui s’accommode trop facilement de la bêtise. Qui pour survivre, qui pour échapper à la précarité, qui pour exalter le goût des mesquineries d’ailleurs, qui pour s’enrichir, qui pour s’avilir et s’encanailler. Qu’importe la forme de cette indigence, il est certain qu’elle dissimule très mal une profonde détresse humaine qui annonce le temps des révoltes.
De toute évidence, quand l’incivilité et la vulgarité deviennent source d’inspiration et de jouissance pour les artistes et les muses, c’est qu’il est temps de hâter la venue d’autres modèles en faisant mûrir les raisons de la colère pour défendre la dignité contre toutes les indigences.
Erno Renoncourt