PRÊTS ET EMPRUNTS : LE FMI SOUFFLE LE CHAUD ET LE FROID AU CONGO-BRAZZAVILLE Benjamin BILOMBOT BITADYS
Le plus grand problème en matière de politique économique et financière auquel se heurte aujourd'hui le Congo-Brazzaville est celui de l'anticipation; c'est-à-dire de l'analyse raisonnée et raisonnable des conséquences que les décisions de Sassou Nguesso, Gilbert Ondongo, Isidore Mvouba, Jean-Jacques Bouya, Rodolph Adada, Pierre Oba, Rigobert Maboundou, Henri Djombo et les épigones du « chemin d’avenir » auront inéluctablement pour leur peuple dans les décennies à venir.
Si, « gouverner, c’est prévoir », avec Denis Sassou Nguesso, « gouverner, c’est être imprévisible ». Non seulement, le « chemin d’avenir » est pavé de bonnes intentions, de plus il inaugure parfois de bretelles sans issues : le réendettement du Congo-Brazzaville. Au point de faire sortir de ses gonds l’institution financière internationale , le Fmi, « la belle endormie » (la belle au bois dormant ?) qui s’est résolu de remonter les bretelles des dirigeants du Congo-Brazzaville peu soucieux de la bonne gestion des finances publiques.
Pays pauvre très endetté (PPTE)
En 2010, dans les conditions on ne peut plus troubles, le FMI a permis au Congo-Brazzaville de rejoindre le programme PPTE (Pays Pauvre Très Endetté) et de bénéficier d’un effacement de dette de près de 5 milliards de dollars. Pourtant le FMI et la Banque Mondiale avaient été informés de falsifications grotesques, de faux et de fraudes dans les procédures d’obtention de ce programme. D’après certains observateurs, Sassou NGuesso avait corrompu, à de très hauts niveaux, les experts et fonctionnaires internationaux qui avaient permis cette décision (Congo-liberty.com, 20 novembre 2013). Rien n’y fît. Le Congo-Brazzaville gère de 700 millions de dollars à un milliards de dollars par mois de revenus pétroliers. Grâce au programme PPTE, la dette du Congo-Brazzaville est aujourd’hui inférieure à 30 % du PIB. Ce programme permet à ce petit pays pétrolier de dégager de marges budgétaires substantielles indispensables au financement de ses infrastructures conformément aux engagements. Peine perdue. Pourquoi cette frénésie et le recours systématique à l’emprunt ? Comment expliquer cette boulimie financière ? Sassou Nguesso, Isidore Mvouba, Gilbert Ondongo, Rodolph Adada, Jean-Jacques Bouya, Florent Ntsiba, Pierre Oba, Henri Djombo, Rigobert Maboundou et les épigones du « chemin d’avenir » ont renoué avec le chemin de l’endettement. Chassez le naturel, il revient au galop. Pourquoi, le FMI, le gendarme financier, n’a-t-il pas tapé plus tôt sur les doigts du gouvernement du Congo-Brazzaville ?
Alerte
A quoi joue le FMI au Congo-Brazzaville ? Comment interpréter le jeu de balancier de l’institution financière internationale ? Il y a juste quelques mois, le Congo-Brazzaville a prêté 100 milliards de FCFA (environ 152 millions d'euros) à la Côte d'Ivoire. L'accord négocié secrètement à Oyo lors de la visite officielle du président ivoirien Alassane Ouattara en juillet 2013 a reçu le feu vert du FMI. Pourquoi, le même Fmi, n’a-t-il rien dit à ce moment là ? Auparavant, sans toujours que le FMI ne lève son petit doigt, le Congo-Brazzaville, pays pauvre très endetté (PPTE), avait accordé un prêt de 50 milliards de francs CFA à la BDEAC, 50 milliards de francs CFA à la Guinée, 50 milliards de francs CFA au Niger et 25 milliards de francs CFA à la RCA.
Sonnette d’alarme
Contre toute attente, le Fmi sort de son sommeil au Congo-Brazzaville. L’institution financière tire la sonnette d’alarme. La politique de réendettement suscite soudainement des inquiétudes. Pourquoi maintenant ? Le FMI appelle à une politique prudente en matière d'emprunt. Une mission du Fonds monétaire internationale (Fmi) sur la revue des évolutions macroé conomiques récentes et des perspectives à moyen terme du Congo-Brazzaville a invité le gouvernement congolais à suivre une politique prudente en matière d'emprunt afin d'éviter une accumulation rapide de la dette extérieure, question de préserver la viabilité à long terme de sa dette (Xinhua, Jeudi 21 novembre 2013). Le FMI a donc décidé de surveiller, comme « le lait sur le feu » , la stratégie de réendettement du Congo-Brazzaville. La politique de prêts et d’emprunts du Congo-Brazzaville passera désormais sous les fourches caudines de l’institution financière internationale. Vaut mieux tard que jamais ! La dette publique extérieure totale du Congo-Brazzaville, qui avait atteint 150 % du PIB provoquant une crise de l’endettement jusqu’à l’éligibilité au statut PPTE en 2010, est aujourd'hui inférieure à 30 % du PIB et le Congo-Brazzaville continue d'emprunter essentiellement à des conditions consessionnelles. Notamment auprès de la Chine, du Brésil et des pays arabes du Golf
Sino-dollars
La Chine qui souhaite garantir ses approvisionnements en matières premières et en énergie multiplie les interventions financières en Afrique(gisement des matières premières et déversoir des produits manufacturés, selon l’expression de Hilaire Babassana) en accordant des prêts à tout-va. Les économistes et les experts financiers du Congo-Brazzaville s’inquiètent des impacts macro-économiques d’ensemble de tels projets financiers qui auront à long terme des retombées en matière d’investissement, d’importation et d’exportation, en matière de taux de change pour les pays africains hors de la zone CFA et en matière budgétaire. Aussi, s’interrogent-ils sur le montage financier et les conditions de remboursement de ses prêts. Certains prêts du Congo-Brazzaville sont remboursables partiellement en titres miniers à l’instar du financement de la construction du barrage d’Imbouilou et de la route Pointe-Noire/Brazzaville. Ces prêts de la Chine, du Brésil et des pays Arabes du Golf au Congo-Brazzaville et d’autres pays Africains rappellent les comportements vicieux de la guerre froide lorsque les pays occidentaux et l’Union soviétique subventionnaient les dictateurs africains et leurs « éléphants blancs ». Les exemples sont légion au Congo-Brazzaville. La deuxième piste de l’aéroport de Maya-Maya de Brazzaville, œuvre de Jean-Jacques Bouya, le baron Haussmann du « chemin d’avenir », en est une parfaite illustration. L’enjeu aujourd’hui n’est pas de rallier le Congo-Brazzaville à une idéologie mais, d’exploiter son très riche sous-sol (pétrole, bois, minerais …), et l’opacité des contrats (qui se révéleront, à n’en point douter, un jour léonins), risquent, avec les 10 % de commissions, de favoriser une corruption déjà bien enracinée et impitoyable.
Les mises en garde bien que tardives du Fonds monétaire international (Fmi) et quoique insistantes et permanentes des économistes et experts financiers du Congo-Brazzaville sont entendues par Sassou Nguesso, Isidore Mvouba, Gilbert Ondongo, Pierre Oba, Jean-Jacques Bouya, Rodolph Adada, Florent Ntsiba, Rigobert Maboundou, Henri Djombo et les épigones du « chemin d’avenir » comme une manifestation de mauvaise humeur . Surtout, pour les pays occidentaux dont le monopole minier est battu en brèche. Et, pourtant, le danger de cette pluie de « sino-dollars », sans conditionnalités, bien que faisant le bonheur des dictateurs des tropiques, est loin d’être négligeable. D’où l’incompréhension du pas de deux du FMI au Congo-Brazzaville.
Benjamin BILOMBOT BITADYS