Retour sur l'exécution de deux journalistes français à Kidal
"Ghislaine Dupont, 57 ans, était une journaliste passionnée par son métier et par le continent africain qu?elle couvrait depuis son entrée à RFI en 1986", indique un communiqué de la radio qui se dit "sous le choc". "Claude Verlon, 55 ans, technicien de reportage à RFI depuis 1982, était un homme de terrain chevronné, habitué des terrains difficiles dans le monde entier" (RFI)
Le samedi 2 novembre 2013, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, reporters pour Radio France International, ont été enlevés par des ravisseurs à Kidal (nord du Mali).
Selon RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont été enlevés par des hommes armés à 13H00 (heure locale et GMT ; 14H00 heure de Paris) devant le domicile d'Ambéry Ag Rhissa, un représentant du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA, rébellion touareg) qu'ils venaient interviewer. (AFP)
"Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont été enlevés devant le domicile d'Ambéry Ag Rissa, un éminent représentant du MNLA de Kidal. Ambéry Ag Rissa a entendu un bruit suspect dans la rue, des coups de crosse portés contre le véhicule de nos reporters. Il a alors entrouvert sa porte et a vu les ravisseurs embarquer nos deux journalistes dans un véhicule 4x4 beige. Les ravisseurs l'ont menacé de leurs armes et l'ont sommé de rentrer chez lui. C'est la dernière fois que nos journalistes ont été vus." (RFI). Selon son témoignage cité par RFI, M. Ag Rhissa a vu les ravisseurs, qui étaient "enturbannés et parlaient Tamachek", la langue des Touareg (AFP).
Selon le porte-parole de l'état major de l'armée française, le colonel Gilles Jaron, "Les corps sans vie des deux journalistes ont été retrouvés par la patrouille au sol vers 14h55 locales (15h55 heure de PAris). Nos forces n'ont eu aucun contact visuel ou physique avec un véhicule en fuite. Les corps ont été retrouvés à une douzaine de km à l'est de Kidal par la patrouille au sol à proximité d'un véhicule à l'arrêt".(AFP). Toujours selon ce porte-parole, l'armée française, avait immédiatement envoyé une patrouille et deux hélicoptères pour tenter de repérer leur véhicule mais sans succès.
Vers 17h30, l'agence Reuters a affirmé que les corps des deux journalistes "ont été retrouvés criblés de balles à l'extérieur de la ville", selon le préfet de Tinzawaten, Paul-Marie Sidibé. Une information confirmée par une source de sécurité malienne et un haut responsable du MNLA (mouvement séparatiste touareg). Cette source malienne a précisé que les journalistes auraient été tués à une dizaine de kilomètres de la ville.
Vers 17h30, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a confirmé le décès des deux journalistes.
AFP 17:40 - 02/11/13Mali: Les deux journalistes français enlevés retrouvés morts (Quai d'Orsay)
Les deux journalistes français de RFI enlevés au Mali ont été retrouvés morts, a annoncé samedi le ministère français des Affaires étrangères. "Claude Verlon et Ghislaine Dupont, journalistes à RFI ont été retrouvés morts au Mali", a déclaré le ministère dans un communiqué. "Ils avaient été enlevés à Kidal par un groupe armé" et "les services de l'Etat français, en lien avec les autorités maliennes, mettent tout en oeuvre pour que la lumière soit faite le plus rapidement possible sur les circonstances de leur décès", a ajouté le Quai d'Orsay dans son communiqué.
Les deux journalistes se trouvaient en reportage à Kidal pour une opération spéciale de RFI au Mali prévue jeudi prochain. C'était leur deuxième mission dans cette ville, fief touareg en partie contrôlé par les rebelles. Ils s'étaient déjà rendus à Kidal en juillet pour couvrir le premier tour de l'élection présidentielle.
La PDG de France Média Monde, groupe auquel appartient RFI, Marie-Christine Saragosse, a déclaré à l'AFP: "On a eu Ghislaine ce matin, cela se passait bien."
"On savait qu'elle rencontrait un leader du MNLA, Ambéry Ag Rissa. En sortant, il a entendu des coups de crosse portés sur le véhicule de nos reporters. Il a vu les ravisseurs emporter nos journalistes dans un 4X4 beige. Ils ont forcé le chauffeur (de la voiture RFI) à se mettre à terre. Il a entendu les deux journalistes résister et protester. C'est la dernière personne qui témoigne les avoir vu vivants", a-t-elle raconté.
Le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA), un groupe de notables touareg de Kidal, a condamné "avec la dernière énergie l'assassinat de deux journalistes de RFI perpétré ce samedi à Kidal", dans un communiqué. Le MNLA a dit, pour sa part, "mettre tout en œuvre pour identifier les coupables" et a condamné ces crimes "avec toute la rigueur" possible.
Kidal est une ville au nord-est du Mali, à 1500 kilomètres de Bamako, d'environ 10.000 habitants. Elle est le berceau de la communauté touareg et de sa rébellion du MNLA. Des accrochages s'y étaient produits entre rebelles et soldats maliens fin septembre. A Kidal d'importants moyens militaires ont été déployés, y sont stationnés 200 militaires français et 200 soldats onusiens pour maintenir la paix. Il y a aussi une base militaire malienne. Le reporter de la BBC, Marc Doyle, se dit extrêmement surpris que deux journalistes aient pu être enlevés en plein jour dans la Ville de Kidal. Cet enlèvement survient deux jours après que quatre otages français aient été libérés. Certains ont évoqué le versement d'une rançon par l'Etat français de l'ordre de 20 à 25 millions d'euros pour la libération des quatre otages.
Le Monde n'est pas loin d'en penser la même chose : "Une prise d'otages en pleine ville, en plein jour, suivie d'une exécution à une dizaine de kilomètres, dans des circonstances encore confuses, voilà qui n'enlève rien à la démonstration : frapper dans Kidal, en enlevant les deux envoyés spéciaux de Radio France internationale (RFI), Ghislaine Dupont et Claude Verlon, constitue, de la part des ravisseurs, un coup d'éclat dévastateur, au moment où le Mali s'interroge sur sa stabilisation en cours."
Des questions subsistent sur ce qui apparaît être une exécution programmée des deux journalistes, si cette éxécution était confirmée : - Dans quelle condition ont-ils été exécutés ? On parle de corps criblés de balles (Reuters), certaines rumeurs font état de mauvais traitement, qu'en est-il exactement ? Y aura-t-il une autopsie pour connaître les causes et la manière dont ils sont morts ? - s'agissait-il pour les rebelles de porter un coup à l'action française au Mali en assassinant délibérément deux journalistes français ? Représailles contre les pertes subis dans leurs rangs ? - Comment dans une ville quadrillée comme Kidal par les militaires, les deux journalistes français ont pu échapper à la surveillande des forces de l'ordre ? Le porte-parole de l'armée française affirme que les forces armées françaises (hélicoptères et patrouille au sol) n'ont pu localiser ni le véhicule, ni les ravisseurs. Cette version est-elle avérée ou bien y a-t-il eu des combats au sol entre l'armée française et les ravisseurs ? - L'armée française prendra-t-elle le prétexte de cette exécution (à confirmer) pour occuper tout le nord du Mali dont le sous-sol regorgerait de richesses minières ? - S'agit-il d'une représaille d'un groupe armée qui s'estime lésé suite à la libération des quatre otages français ? Y a-t-il eu des négociations entre le gouvernement français et ces groupes armées qui n'auraient pas été respectés ? (RFI Ex-otages français d'Arlit: questions sur l'implication d’Iyad Ag Ghaly) - Le groupe armé qui a exécuté les journalistes de RFI les considérait-il comme des honorables correspondants, comme ce fut le cas pour un autre journaliste de RFI (Jean Hélène) assassiné en Côte d'Ivoire ? - Ou bien enquêtaient-ils sur un dossier particulièrement sensible ? - Enfin Irib met en cause l'engagement français auprès des groupes armées Takfiri en Syrie mais quel rapport avec le Mali ? (Quand la France paie le prix de son soutien au takfirisme!! (vidéo))