Un ancien du régime Kadhafi accuse des militaires français de l'avoir torturé
JAI
Dans un livre paru cet automne, Tahar Dehech, ancien responsable des comités révolutionnaires de Kaddafi, raconte comment il a été torturé par des militaires français au moment l'intervention en Libye. Mais il ne compte pas en rester là. Son avocat, Me Eric Moutet, a déposé jeudi une plainte à Paris pour obtenir l'ouverture d'une information judiciaire.
Les militaires français ont-ils participé à des actes de torture lors de l’intervention menée en Libye en 2011 ? C’est à cette question que pourrait avoir à répondre la justice française si elle décidait de donner suite à la plainte déposée par Tahar Dehech, jeudi 28 novembre. Cet ex-responsable politique libyen affirme en effet avoir été torturé par des Français en 2011 à Tripoli après la chute de l'ex-dictateur Mouammar Kaddafi. Me Éric Moutet, son avocat a annoncé avoir déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction de Paris pour obtenir l'ouverture d'une information judiciaire.
Tahar Dehech, ancien responsable des comités révolutionnaires, considérés comme les piliers de l'ancien régime de Mouammar Kaddafi, avait déjà porté ces accusations dans le livre Sarkozy-Kadhafi, histoire secrète d'une trahison paru à l’automne. Il y explique notamment avoir été torturé "à l'électricité et à la matraque électrique". "Ils me mettaient pieds nus dans une flaque d'eau et envoyaient le courant", confiait-il ajoutant : "Français et Qataris posaient les mêmes questions. Si ma réponse divergeait, c'était l'électricité".
Un groupe "Bernard Levi"
Selon la plainte, dont France Inter dévoile en partie le contenu, Tahar Dehech a été arrêté le 21 septembre 2011 par la katiba "Chahid Mohamed Madani". Emmené dans un hôtel reconverti en prison en bord de mer, il y aurait été détenu pendant quarante jours, et affirme avoir été torturé par des Lybiens et des Qataris. Il ajoute également que des Français auraient participé à ces séances à plusieurs reprises : deux hommes "entre 35 et 45 ans, habillés en civil" et une femme "toujours habillée en civil elle-aussi, les cheveux noirs, la peau blanche et mesurant environ 1,65m". Enfin, d'après ce que Tahar Dahech, assez bon francophone, a compris, ces Français auraient appartenu à un groupe baptisé "Bernard Levi".
Toujours selon le récit de l’ancien responsable des comités révolutionnaires, les interrogations portaient sur son travail, sur la famille Kadhafi mais également, selon la plainte, sur le "lieu de stockage des missiles, [les] caches d'armes chimiques, [les] étrangers le colonel Kadhafi avait remis de l'argent". "Nu et cagoulé, il était suspendu à un axe par les bras et les jambes, et balancé la tête en bas pendant qu'il était frappé à coup de bâtons et soumis à des décharges électriques derrière les oreilles, sous les aisselles et sur les testicules", explique la plainte.
L'ombre de Sarkozy
Libéré le 27 octobre, Tahar Dahech s’est enfui en Tunisie, dont il est originaire, où il a été interrogé par la justice trois mois plus tard sur demande des nouvelles autorités libyennes, pour atteinte à la sécurité extérieure de l'État tunisien. Il avait alors déjà dénoncé ses tortionnaires français, son témoignage figurant dans des procès-verbaux, que Me Eric Moutet a joint à la plainte, tout comme un certificat médical établi à Sousse et qui ferait état de "cicatrices de plaies cutanées multiples au niveau du dos et des faces antérieures des deux jambes" et d'une "hernie inguinale gauche ayant coïncidé avec l'agression".
La plainte déposée à Paris jeudi devrait faire l’objet de la saisie d’un juge d’instruction. Elle risque également de remettre sous les projecteurs une autre accusation portée par Tahar Dahech dans le livre. Il y assure que des preuves existent d'un financement politique de l'ancien président Nicolas Sarkozy par la Libye de Kaddafi. "Les preuves portent sur 57 millions d'euros versés en deux fois", détaille-t-il. Des juges français enquêtent actuellement sur les accusations de financement de la campagne présidentielle de 2007. L'ancien chef de l'État réfute quant à lui tout financement occulte par la Libye.
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