Sommet France-Afrique: l'illusion de puissance à l'épreuve de nouvelles réalités africaines Roger Armand BILOA Pour le Sphinx Hebdo
Du 06 au 07 décembre 2013,s’est tenu au Palais de l’ Elysée à Paris, sur convocation du Président français François Hollande un Sommet pour dit-il « trouver des solutions aux crises et conflits armés dont l’Afrique est le théâtre, et mettre sur pied des mécanismes pour en prévenir que d’autres n’y surviennent plus tard ».Ce Sommet auquel des dizaines de Chefs d’Etat et de Gouvernement africains avaient pris part, était précédé le 05 décembre d’un « FORUM ECONOMIQUE ET D’AFFAIRES FRANCO-AFRICAIN ».
Plus d’une semaine après cette rencontre en terre française, Le SPHINX HEBDO, désormais votre journal de référence d’analyse et de décryptage de l’actualité internationale, grâce à ses réseaux, est en mesure de vous révéler les mécanismes et les motivations qui ont prévalu et présidé à la convocation de ce Sommet. Une rencontre qui ressemble et rappelle les autres Conférences coloniales convoquées dans le temps par la France dès qu’elle est confrontée à des difficultés économiques, financières, sociales et même militaires
.A l’exemple de la Conférence Coloniale de 1917 convoquée par le Ministre des colonies Maginot une année avant la fin de la Ière guerre mondiale(1914-1918).A l’ouverture de cette dernière MAGINOT avait déclaré « j’ai jugé urgent qu’il convient de procéder sans retard à l’inventaire des richesses naturelles directement exploitables dans nos possessions d’Outre-mer ;dans un délai très court ;afin de faire face à l’alimentation chaque jour plus difficile de la population française ».
Ou encore la Conférence de 1934 convoquée par le Ministre des colonies Louis Rollin sous le thème « La Grande Crise (1929-1930) et la Conférence économique de la France Métropolitaine et d’Outre-mer : décembre 1934-avril 1935 ».L’objectif visé par la France étant de chercher les débouchés pour écouler le surplus de sa production industrielle.
Ou enfin (l’énumération de ces Conférences coloniales n’est pas exhaustive, loin de là) la fameuse Conférence Africaine Française de Brazzaville (30janvier-06 février 1944). Tout un programme. Une rencontre internationale au cours de laquelle le Général de Gaulle et son Ministre de colonies René Pleven ont mis en place les stratégies de mise en tutelle de l’Afrique et dont les mécanismes continuent d’étouffer jusqu’à ces jours tout effort de développement et d’émergence du continent noir .Comme le précise le grand spécialiste de l’Histoire coloniale française le Pr Laurent Gbagbo « la Conférence de Brazzaville constitue une étape majeure sur le long chemin de la mise en dépendance de l’Afrique. En 1944, la France a derrière elle, quatre années d’une guerre particulièrement meurtrière. Depuis 1940, une partie de son territoire est occupé. La 3ème République s’est effondrée. La France est militairement vaincue, politiquement soumise et économiquement anéantie. Sur l’échiquier international elle fait figure d’une grande malade, rongée par le doute et le désespoir »C’est dans un contexte et environnement similaires qu’il faut situer et placer le Sommet de l’Elysée sur la Paix et la Sécurité en Afrique du 06 au 07 décembre 2013.A cette donnée déterminante, il faut ajouter que le Président Hollande au plus bas dans les sondages ,battant les records d’impopularité, et face à une situation qui semble désormais lui échapper, ne sachant plus où mettre la tête est en panne d’initiatives. Aussi légalise t-il l’homosexualité (une abominable et infâme pratique) pour pénaliser la prostitution. Quelle géniale découverte ! Ce Sommet constitue donc pour ce « Socialiste Chef de guerre » une tribune inespérée devant un aréopage qui lui fait croire que la France reste une grande Puissance.
Face à la crise économique, financière, sociale et surtout éthique, c’est donc instinctivement, comme au temps de la coloniale qu’une France essoufflée et presqu’à genoux, se tourne vers l’Afrique pour convoquer « UN SOMMET POUR LA PAIX ET LA SECURITE EN AFRIQUE ».Une Conférence au cours de laquelle tout a été évoqué et traité sauf la paix et la sécurité. Et pour cause .Le problème de l’Afrique c’est la France qui pense en détenir des droits historiques, perpétuels et imprescriptibles à l’exclusion de toutes les autres Puissances ; elle estime que l’Afrique est son champ de manœuvres naturelles et sa profondeur stratégique. Le Forum économique et d’Affaires franco-africain du 05 décembre 2013 doit être perçu et analysé comme la partie que les officines et réseaux français ont bien voulu montrer à la face des Africains et au reste du monde aux fins de magnifier une France qui, en plusieurs siècles a été l’acteur majeur du déclin de l’Afrique .
En réalité, ce Forum économique et d’affaires constitue l’une des principales rubriques du Rapport Védrine commandé par l’Elysée et présenté le 04 décembre 2013 au Président François Hollande et qui s’intitule « : RAPPORT VEDRINE : STRATEGIES DE RECONQUETE ET DE RETOUR DE LA FRANCE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE ; APPROCHE METHODOLOGIQUE ET MODE OPERATOIRE ». Ce rapport a été publié par « La Lettre du Continent » (une autre officine de barbouzes françaises installée à Paris, et soutenue par les réseaux maçonniques et/ou rosicruciens qui ont des adeptes tapis dans les instances décisionnelles des Administrations en Afrique).
Après le Rapport de deux Parlementaires français(les Sénateurs Jeanny Lorgeoux et Jean Marie Bockel « spécialistes de l’Afrique ») à la demande du Premier Ministre Ayrault et du Ministre des Affaires des Etrangères Laurent Fabius et présenté le 30 octobre 2013 ; Rapport dont la conclusion est : « L’AVENIR DE LA France EST EN AFRIQUE », en voilà un autre toujours sur l’Afrique et qui sort à quelques jours d’intervalle. Les Africains se doivent de prendre conscience de l’urgence de la situation et des scénarii en cours pour une Recolonisation plus formelle et brutale du continent par la France.
Force est de constater qu’à l’épreuve de l’interminable crise devenue multidimensionnelle(identitaire , économique, financière ,sociale et éthique),les milieux impérialistes et politiques français sont devenus plus frileux, agressifs, hargneux, brutaux et très arrogants(observez le gestuel et les postures de M Laurent Fabius qui, comme son prédécesseur Alain Juppé rappellent ceux d’individu traqué malgré des airs de suffisance qu’il affiche),à telle enseigne que les Africains doivent s’attendre dans des prochains mois et années à des assauts répétés de leurs Etats sous forme des rébellions, de manifestations de soutien aux homosexuels au nom des droits de l’Homme et de la Démocratie à l’instar de ce que l’on observe en ce moment en Ukraine.
« Les coups d’Etat démocratiques »seraient ainsi à l’étude en France contre certains pays africains dont les Dirigeants sont qualifiés de Dictateurs .Après la Côte d’Ivoire c’est le tour du Cameroun ; des plans sont à un stade avancé. Alors, que les Africains et notamment les Camerounais ne se trompent pas de cible. Qu’ils arrêtent de diaboliser leurs Dirigeants qui sont comme des animaux dans la cage des Français. Ils se battent. C’est dans ce cadre qu’il faut interpréter l’attribution de la construction du 2ème pont sur le Wouri à des entreprises françaises dont on sait qu’elles ne disposent pas de moyens aussi bien technologiques que financiers conséquents.
La France a peur. Peur de se retrouver dans la situation de la Grèce, du Portugal ou même de l’Espagne. Elle y est déjà, si ce n’était pas l’Afrique dite francophone grâce aux ressources en devises déposées au Trésor français par ces Etats, la France aurait plongé bien avant les Etats cités plus haut. Aussi, la France à travers des leviers anachroniques et désuets (Francophonie, zone franc, RFI, TV5 MONDE, France 24 …) continue-t-elle d’entretenir l’illusion d’une puissance qu’elle n’a pas (ou plus) auprès des Africains. Le matraquage médiatique quotidiennement abattu par les caisses de résonance que sont : RFI, TV5, France 24 a produit un effet inverse. La majorité des Africains ne veulent plus des Français chez eux en Afrique. La destruction de la Côte d’Ivoire par la France au nom de la Démocratie alors que c’était pour le groupe Bolloré ou pour l’Association des Chocolatiers français pour le cacao ivoirien …a ouvert les yeux aux Africains. D’ou le retour en perspective de la diplomatie du gros bâton (Big stick diplomacy).
La France est usée, en panne d’initiatives (hormis peut-être la trouvaille sur l’homosexualité qu’elle a récemment légalisée).Elle est rongée par un irréversible déclin, et ne compte que sur de vieilles recettes pour maintenir sa présence en Afrique .Un espace culturellement et démographiquement en pleine éclosion, avec une jeunesse avisée que du pillage des ressources et richesses africaines, découlent la prospérité et le rayonnement de la France. Au delà de la simple rhétorique elle ne pèse plus grand-chose sur la scène internationale.
SOMMET DE l’ELYSEE DES 06-07- 2013 : UNE CONFERENCE DE VALIDATION DU RAPPORT VEDRINE :
Comme son nom l’indique, le Rapport Védrine tire son nom de son coordinateur Hubert Védrine ancien Ministre français des Affaires Etrangères sous François Mitterand.La thématique de ce Rapport c’est « STRATEGIES DE RECONQUETE DE L’AFRIQUE PAR LA France ». Ce Rapport constitue le continuum de celui des deux Sénateurs français cités plus haut.
Le Rapport Védrine a été présenté le 04/12/2013 au Président François Hollande et détenu en exclusivité par LA LETTRE DU CONTINENT et classé confidentiel. C’est un document de 126 pages composé de 03 chapitres. Pour son élaboration, la Mission Védrine a rencontré les Institutions et les Administrations ci-après :
Les Ministres des finances de la zone FRANC à Dakar et à Paris.
L’Ambassadeur de Côte d’Ivoire à Paris : Charles Gomis.
Les Banques africaines de développement : BAD, Banque Ouest –africaine ; Banques Centrales africaines : BEAC ; BCEAO ;
L’Union Européenne, FMI ; Banque Mondiale.
Les multinationales françaises : LAFARGE ; ALSTOM ; TOTAL ; AIR France ; MEDEF ;
Conseil français des Investisseurs en Afrique ;
Agence Française de Développement(AFD) ; PROPARCO ; Caisse des Dépôts et Consignations(CDC) ; Banque d’Investissement ; TV5 MONDE.
Cette Mission a également travaillé en synergie avec les Institutions étatiques et ministérielles françaises ci-après :
La Présidence de la République et les Ministères ci-après :
Economie et Finances. Redressement Productif ; Commerce Extérieur ; Affaires Etrangères ; Défense ; Intérieur ; Affaires sociales et Santé ; Culture et Communication ; Ambassade de France à Londres (Grande Bretagne).
Le Rapport Védrine est une démarche machiavélique et infantilisante à l’égard des Africains dont le but est d’étouffer toute velléité d’émancipation du Continent Noir. Il débute par cette phrase fort révélatrice « parce qu’elle affiche une situation économique flatteuse quand elle se dégrade ou montre des signes de ralentissement dans de nombreux pays avancés et émergents. L’Afrique est présentée comme la nouvelle frontière ; le dernier Eldorado qui aiguise une véritable course aux marchés engagée par des pays de plus en plus nombreux « le monde entier regarde aujourd’hui vers l’Afrique subsaharienne».Aussi, la Mission Védrine a-t-elle décidé de mettre un accent particulier sur la relation économique entre la France et les pays au sud du Sahara ; car précise-t-elle, la Survie de la France en tant que grande Puissance dépend désormais de cette région. « IL EST VITAL ET URGENT DE REAGIR ET IL N’EST PAS TROP TARD » (page1).L’Etat français entend par conséquent mettre au cœur de sa politique économique envers l’Afrique, tous ses réseaux d’influence (militaires, linguistiques et culturels notamment la Francophonie, spirituels : entendez des solidarités maçonniques et rosicruciennes ; bancaires et financières) pour que l’Afrique ne lui échappe pas.
Le Rapport Védrine s’organise autour de 03 chapitres :
Le Chapitre 1 : La France et l’Afrique se trouvent à un tournant de leur relation économique.
- L’Afrique subsaharienne : enjeu majeur pour la France qui dispose de nombreux atouts.
- La France : Puissance maritime et militaire joue un rôle important en Afrique où elle a tissé plus de 8 Accords de défense (Cameroun, Comores, Sénégal, Côte d’Ivoire, Gabon, Togo, Djibouti, RCA).
- La France par la zone FRANC exerce une influence énorme sur tous les processus décisionnels en Afrique subsaharienne.
Le Chapitre 2 : Dix Propositions pour un agenda économique de la France pour l’Afrique (pp 61-94).
Parmi ces dix propositions figurent prioritairement « l’élargissement de la zone franc CFA aux autres pays africains par tous les moyens au bénéfice de la France (p.77).
Le Chapitre 3 : Sept Propositions pour remobiliser la France aux dépends d’une Afrique subsaharienne en marche (pp 96-117) .Le Rapport précise « Aujourd’hui, il faut aller plus loin et plus vite. La relation économique avec l’Afrique nécessite une véritable remobilisation afin que la France retrouve sa place dans la compétition qui se joue en Afrique .Pour ce faire, la France doit assumer pleinement ses intérêts en Afrique » (p 96).La Mission Védrine prescrit aux Autorités françaises « de réinvestir tous les leviers d’influence en Afrique Noire » p 97.
Le Chapitre 3 se termine par « Avec des potentialités économiques impressionnantes, la France entend relancer sa présence économique en Afrique ».Tel était le véritable objectif du Sommet de l’Elysée du 05-07 à Paris. La Paix et la Sécurité en Afrique pour un pillage serein et en toute quiétude des richesses africaines telles que contenu dans le nouveau bréviaire du néo-impérialisme français.
Voilà à quelle sauce l’Afrique et les Africains, adossés sur leurs richesses et croupissant dans la pauvreté et la misère risquent d’être dévorés par les vautours et autres charognards français sous de formules creuses du genre « Coopération ou Partenariat gagnant-gagnant ou Sommet pour la paix et le bonheur des Africains ».
Le cas spécifique du Cameroun mérite qu’on s’y appesantisse. Vache à lait de la France, le Cameroun se trouve au cœur du néo-impérialisme français élaboré contenu dans le Rapport Védrine et divers réseaux et officines parisiens. Pays le plus peuplé de la zone CEMAC, avec l’économie la plus diversifiée de toute l’Afrique Centrale (p. 24 du Rapport Védrine), le Cameroun est l’objet d’un plan de déstabilisation concocté par les Services Spéciaux français.
La France en effet reproche aux Autorités camerounaises d’avoir permis et favorisé l’entrée dans son « Espace historique et vital des acteurs économiques nouveaux ».Comme la Malaisie qui, aux côtés des Américains sont présents dans la construction de l’oléoduc Tchad-Cameroun,le Vietnam qui, avec la société VIETTEL, a obtenu fin 2012 la 3ème licence de téléphonie mobile qui sera chargée d’exploiter la technologie 3G ,la Turquie qui a ouvert des écoles privées au Cameroun et qui, dans le secteur manufacturier propose des produits très compétitifs et appréciés.
Dans le domaine aérien, Turkish Airlines a ouvert des vols quotidiens dans certaines capitales régionales du pays. Cette diversification des partenaires économiques par Yaoundé est perçue par Paris comme un crime de lèse impérialisme et domination français. La Mission Védrine montre dans les faits pourquoi Sarkozy a tout fait pour arrêter et fait déporter le Président Laurent Gbagbo à la Haye. En homme politique avisé, le Pr Gbagbo ouvert les yeux aux jeunes africains qui ont compris que la présence des Français et leurs barbouzes sur le continent noir sont nuisibles au développement de l’Afrique. Et M Hollande en nouveau Chef de guerres coloniales en Afrique et dans le monde(Syrie) suit les traces de son illustre prédécesseur.
« Un roi déteste toujours un sujet qui l’a vu nu »dit-on en Afrique. Par orgueil et refus de revisiter son passé et son histoire le souverain l’élimine. Le passage du Président Laurent Gbagbo au pouvoir en Côte d’Ivoire a fait révéler à la jeunesse africaine, le visage hideux de la France sur le continent noir .Cf. son monumental ouvrage sur d« Réflexions sur la Conférence de Brazzaville ».L’on savait que la peur du lendemain, le chômage, la misère et la pauvreté rendent les peuples anxieux et déprimés. Toutefois, le cas de la France, avec un ego surdimensionné, avec des Missions et des Rapports sur l’Afrique (commandés tous les mois), poussent les Africains à être désormais sur le qui-vive.
La France doit faire le deuil et organiser les obsèques de son passé colonial qu’elle continue de projeter sur ses relations avec l’Afrique. Elle continue d’exécuter « la danse des poulets égorgés » ou « le dying horse » dont le Sommet de l’Elysée en constitue la séquence la plus récente.
Le Rapport Védrine rappelle ces propos de Victor Hugo dans « DISCOURS SUR L’AFRIQUE » du 18/05/1879 où il dit « refaire une Afrique nouvelle ; rendre vieille Afrique maniable à la civilisation ; tel est le problème ! Emparez-vous de cette terre. Prenez-là .A qui ? A personne. Prenez –là pour le commerce et l’industrie. Versez votre trop plein dans cette Afrique ; du même coup, résolvez vos problèmes de chômage, et de misère. Changez vos prolétaires en propriétaires ». Tout comme la déclaration du colonialiste de Jules Ferry de sinistre et triste mémoire faite le 28/07/1885 « il faut ouvertement dire que la Race supérieure Blanche a le droit sur la Race inférieure Noire ».
En ordre de bataille, la jeunesse africaine dit non à cette vieille France.
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Le Cameroun au centre d’une manœuvre de Déstabilisation par de réseaux des et barbouzes françaises.
Le poids réel de la France sur la scène internationale en 2013.
Roger Armand BILOA
Diplômé en Sciences Politiques
Pour le Sphinx Hebdo