Sud-Soudan. Encore une "stabilisation" US de plus et l'Afrique va s'effondrer Par Peter Van Buren Firedoglake Traduction SLT
En 2011, les États-Unis ont favorisé la création d'une nouvelle nation, le Soudan du Sud. Bien qu'à l'époque Obama a invoqué les mots de Martin Luther King lorsqu'il parlait du Ghana ( «Je connaissais toutes les luttes, et toute la douleur, et tout l'agonie que ces gens avaient vécu à ce moment" ) dans sa reconnaissance officielle du pays, beaucoup furent intrigués par les motifs états-uniens sous-jacents qui consistaient à l'isoler du reste du Soudan dans le cadre de la guerre contre le terrorisme, et à la sécurisation des réserves de pétrole dans le sud pour les États-Unis. Le Département d'Etat se précipita pour ouvrir une ambassade au Soudan du Sud, et de l'argent US fut versé pour payer le nouveau gouvernement. Comme ses homologues d'Irak et d'Afghanistan lorsque les Etats-Unis étaient encore en charge de ces pays, le nouveau président du Soudan du Sud a été porté à la Maison Blanche pour réaliser des séances de photos, toutes allègrement déversées dans les médias du monde entier via la Voix de l'Amérique (VOA). Les deux dirigeants auraient discuté de "l'importance de maintenir la transparence et de la primauté du droit."
En 2012, alors secrétaire d'Etat, Hillary Clinton a visité cette nouvelle nation en vue de constituer des images vidéos pour sa campagne 2016, et Obama a salué publiquement un accord négocié entre le Soudan et le Soudan du Sud sur la construction d'oléoducs qui selon la Maison Blanche «aideraient à endiguer la violence en cours dans la région."
Cependant, comme en Irak, en Afghanistan et tant d'autres lieux qui sont tombés en déliquescence tout en étant "démocratisé et stabilisé" par les États-Unis (on pensera aussi à la Libye, elle-même faisant partie du continent africain), la ruée vers des proclamations médiagéniques sans aborder les fondamentaux sous-jacents a conduit seulement à la catastrophe. A peine quelques années plus tard, le Sud-Soudan est au bord de la guerre civile et de l'effondrement de sa société, les États-Unis sont en train d'évacuer une autre ambassade et de plus de nouveaux «rebelles» ont tiré sur des avions militaires US qui pénètraient dans leur pays, en violation de la législation sur la souveraineté nationale. Ceux qui croient que les efforts états-uniens au Sud-Soudan ne s'appuients pas sur des forces spéciales sur le terrain ni sur le déploiement de drones croient encore au Père noël.
Obama, qui semble apparemment peu disposé à se rappeler comment il s'effaça lorsque le gouvernement récemment élu en Egypte s'est effondré, a continué son double-jeu hypocrite en déclarant en ce qui concerne le Sud-Soudan, " Tout effort visant à s'emparer du pouvoir grâce à l'utilisation de la force militaire se traduira par la fin du soutien de longue date des États-Unis et de la communauté internationale".
La militarisation de l'Afrique
Si les efforts des États-Unis au Sud-Soudan avaient été isolés, cela aurait été une unique tragédie. Cependant, la militarisation de l'Afrique par les États-Unis porte en elle la même action tragique pour les Africains et cela nécessite de dresser un récapitulatif des forces en présence. Nick Turse, toujours sur la bonne voie, a déclaré :
- Au cours des dernières années, les États-Unis ont formé et équipé les soldats de l'Ouganda, du Burundi et du Kenya, parmi d'autres nations (comme le Rwanda, ndlr). Ils ont également servi en tant que force d'appoint pour les États-Unis en Somalie, constituant une grande partie de la Mission de l'Union africaine (Amisom ) qui sert à protéger le gouvernement soutenu par les USA dans la capitale de ce pays, Mogadiscio.
- Depuis 2007, le Département d'Etat a donné environ 650 millions de dollars à l'appui de la logistique, de l'équipement et de la formation pour les troupes de l'AMISOM. Le Pentagone a donné un supplément de 100 millions de dollars depuis 2011.
- Les États-Unis continuent également de financer les armées africaines à travers son partenariat trans-saharien contre le terrorisme appuyé par le Pentagone, maintenant connue sous le nom "d'Opération Bouclier Juniper", avec un soutien accru à la Mauritanie et au Niger à la suite de l'effondrement du Mali. En 2012, le Département d'État et l'Agence US pour le développement international a versé environ 52 millions de dollars dans ces programmes (militaires) et le Pentagone a versé 46 millions supplémentaires.
- Dans les années Obama, l'US Africa Command a également construit un système logistique sophistiqué, officiellement connu sous le réseau Africom, mais familièrement dénommé "la nouvelle route des épices". Ses nœuds centraux sont à Manda Bay, Garissa et Mombasa au Kenya ; Kampala et Entebbe en Ouganda ; Bangui et Djema en République centrafricaine ; Nzara au Sud-Soudan ; Dire Dawa en Ethiopie, et la base africaine vitrine du Pentagone au Camp Lemonnier (à Djibouti).
- En outre, le Pentagone a mené une campagne régionale aérienne en utilisant des drones et des avions pilotés à partir des aéroports et des bases du continent africain, notamment du Camp Lemonnier à Djibouti, de l'aéroport de Arba Minch en Ethiopie, de Niamey au Niger et aussi des Seychelles dans l'océan Indien, tandis que des sociétés privées de surveillance aérienne ont réalisé des missions à partir de la base d'Entebbe en Ouganda. Récemment, le Département des Affaires étrangères a évoqué l'existence possible d'une base de drones à Lamu, au Kenya.
- Une autre localisation importante en Afrique est Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, qui abrite un détachement aérien des opérations spéciales conjointes qui, selon des documents militaires, soutient les "activités à haut risque" menées par les forces d'élite des Force d'opérations spéciales interarmées trans-sahariennes.
L'échec de la militarisation de l'Afrique
La Libye est en flammes, Benghazi est le seul point d'attention pour les Etats-Uniens alors que le chaos consomme un pays autrefois stable. L'Egypte a vu son cours laps de temps démocratique balayé par un coup d'Etat militaire. Les gouvernements de la Mauritanie et du Niger ont échoué aux forces armées. Le Tchad a connu un coup d'Etat, mais sans succès. Les combats se poursuivent au Mali et en République centrafricaine. En Octobre 2011, les Etats-Unis se sont installés, mais de manière masquée (installation de forces armées, ndlr), en République centrafricaine. En Décembre 2012, les États-Unis ont du évacuer leurs diplomates et leurs civils. L'année 2011 a également vu une invasion de la Somalie soutenue par les forces US du Kenya. Les troupes US participent à la chasse à l'homme en Ouganda et en République démocratique du Congo. Comme des fantômes en provenance du 18ème siècle, les pirates hantent les eaux au large de l'Afrique orientale. Les États-Unis admettent avoir 5000 soldats dans dix pays africains alors qu'autre fois il n'y en avait aucun.
Et quelles en sont les raisons ?
La règle de base pour tout investissement est fondée sur ce que vous gagnez en retour pour le risque encouru ? Elle s'applique à l'achat d'actions ainsi que l'investissement des ressources, du sang et du prestige d'une nation.
Dans le cas de l'Afrique, l'investissement des États-Unis a été un désastre. Le chaos a remplacé la stabilité dans de nombreux endroits, et les terroristes ont trouvé un foyer dans des pays qu'ils n'auraient jamais imaginé. Les États-Unis, en triste écho du colonialisme (européen) du 19ème siècle, ont militarisé une autre région du monde.
Chaque rebelle et terroriste que les États-Unis tuent les radicalise encore plus et renforce la propagande de ces mauvais types. Plus nous tuons, plus il semble y avoir à tuer. Les Etats-Unis ont besoin du moins de gens possible disant être victimes des USA. Les Chinois construisent des liens culturels et signent des contrats dans toute l'Afrique, et nous leur envoyons des barbelés. Pourquoi ?
Peter Van Buren a dénoncé le Département d'Etat et la mauvaise gestion des déchets lors de la reconstruction irakienne dans son premier livre, et écrit à propos de l'actualité sur son blog. Le prochain livre de Van Buren, "Ghosts of Tom Joad : A story of the 99 percent", sera disponible en avril 2014, chez Luminis Books.
Cet article a été publié sur Firedoglake
Traduction SLT.
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