Un article daté de mars 2013 toujours d'actualité :
Profondeurs stratégiques algériennes et convoitises occidentales!! par Ali el-Hadj Tahar
IRIB- Aujourd’hui, «le Salafisme» bénéficie de la mansuétude occidentale et la «question touareg»,..
... du capital sympathie lié à l’exotisme des hommes bleus. Voire, le terrorisme est devenu ouvertement un outil de politique étrangère pour de nombreux pays, comme l’a clairement montré la crise libyenne et comme le montrent surtout les crises syrienne et malienne : la Turquie, les Emirats, le Qatar, l’Arabie Saoudite, la Jordanie, l’Angleterre, les Etats-Unis, la France et l’Allemagne disent officiellement fournir des armes aux groupes armés d’une «armée syrienne libre» que tout le monde sait composée, essentiellement, de mercenaires étrangers, dont certains affiliés à Al-Qaïda et Al-Nosra. La préméditation existe dans la crise malienne, sa transformation en Sahelistan l’est moins bien que de nombreuses déclarations d’officiels incitent à le penser, tout comme la création future d’une base de lancement de drones au Niger. Espérons que ce qui s’y passe n’est qu’un scénario américano-franco-qatari pour contraindre Bamako à leur donner des concessions dans les nouveaux gisements de pétrole et que les bases pour leurs soldats ne servent pas à la propagation du terrorisme, mais qui dit action dit réaction. Espérons que ce scénario ne soit pas apocalyptique et qu’il ne s’agit que d’une course aux puits de pétrole maliens par terroristes interposés et que les contrats permettraient de les assagir. Et que les doubles menaces (division ethnique et islamiste par MNLA et djihadistes interposés) exercées sur les pays de la région ne soient que passagers. En tout cas, c’est ce que laisserait penser l’absence de réaction des terroristes d’Aqmi, du Mujao et d’Ansar Dine face à l’avancée des troupes françaises engagées au Mali, ce qui soulève toujours des interrogations. La «menace contre la civilisation occidentale», le risque de terrorisme en Occident à cause de la proximité malienne sont un mensonge honteux brandi pour fustiger des mercenaires créés de toutes pièces avec l’ami qatari, et qui sont en fait une «légion étrangère» au service des intérêts stratégiques et économiques de l’Occident. Il est indéniable maintenant que l’intervention armée était inscrite dans un agenda, pour utiliser le terme de M. Medelci. Il est à espérer que les velléités occidentales de sécurisation de leur profondeur stratégique ainsi que de protection et d’extension de leurs intérêts dans la région ne visent pas à créer une régression féconde ou un «chaos constructeur», comme en Irak, en Afghanistan, en Somalie et au Nigeria. Le «chaos constructeur» est un concept de politique étrangère américaine qui préconise la création du désordre dans une région riche et instable pour y imposer un ordre nouveau. «Pour les théoriciens du chaos constructeur, c’est après la violence et le chaos que les Américains peuvent créer des États à souveraineté négative afin d’exploiter leur sol et sous-sol sans grande résistance,» écrit Mahatma Julien Tazi K. Tiena-be de l’université de Kinshasa dans son diplôme d’études supérieures en relations internationales 2009 intitulé «La politique étrangère des Etats-Unis d’Amérique vis-à-vis de la République démocratique du Congo : de 1990 à 2006». Il ajoute : «L’objectif américain dans le Moyen-Orient était donc simple : le contrôle des zones appelées “l’arc de crise”. Cette région est riche en hydrocarbures. Elle porte sur l’arc rejoignant le golfe de Guinée à la mer Caspienne, en passant par le golfe Persique. Pour y arriver, l’impératif américain est d’imposer une redéfinition des frontières, des Etats et des régimes politiques. Il s’agit bien d’un remodelage du Grand Moyen-Orient (…) L’idée est simple : substituer aux Etats hérités de l’effondrement de l’Empire ottoman des entités plus petites à caractère mono-ethniques, et neutraliser ces mini-Etats en les dressant en permanence les uns contre les autres. En d’autres termes, il s’agit de revenir sur les accords conclus secrètement, en 1916, par les empires français et britannique, dit Accords Sykes-Picot et de consacrer la domination désormais totale des Anglo-Saxons sur la région». Sur la question malienne, Pékin et Moscou ont observé un grand silence qui donne l’impression que cette partie de l’Afrique n’existe plus pour eux. Cela fait-il partie du deal entre Russes et Américains sur la Syrie ? Chacun son territoire ? Russes et Américains traversent encore une grave crise sur la question syrienne qui vise directement les intérêts russes. Les Russes ont déjà tout perdu en Afrique… Les «printemps arabes» sont venus jeter dans les bras de l’Amériques les régimes que l’ex-bloc soviétique a pourtant sauvés de maintes recolonisation ces trente dernières années et qui semblent ignorer qu’ils se sont jetés dans la gueule du loup. Le Mali était sur la bonne voie démocratique car le président ATT a donné l’exemple de bonne gouvernance, malgré les pressions du FMI qui ont mis son pays à plat, davantage appauvri et fragilisé économiquement, socialement avant qu’une invasion terroriste suivie d’un putsch téléguidé ne viennent créer une situation de non-droit autorisant l’intervention. Les Occidentaux sont venus souiller l’image de ce pays qui n’a jamais connu les extrémismes et qui était en train de donner l’exemple de l’alternance au pouvoir. Le coup d’Etat contre le président malien ATT est lié à l’intervention française et entre dans le même plan des putschs des «printemps arabes» contre des présidents élus (Kadhafi, Ben Ali, Moubarak, Al-Assad) et qui engendrent les mêmes chaos, et le même développement de la violence terroriste, les mêmes divisions tribales et ethniques ou religieuses ainsi que d’autres conditions du développement de la misère et de la violence. Le but, au Mali, en Syrie ou ailleurs n’est pas obligatoirement de créer un «califat» dit «islamiste» mais un Etat faible et fragile, instable et violent, que l’on jettera par la suite sous prétexte de terrorisme. Washington ne prend-elle pas ses distances avec la Libye ? Beaucoup de médias occidentaux malintentionnés ou mal informés mettent en exergue la «marginalisation» des Touareg maliens qui, pourtant, vivent dans les mêmes conditions que les autres communautés au Mali, en Algérie, au Niger, en Libye ou au Burkina Faso, avec des différences liées à la santé économique de chacun de ces pays. Ils pourraient le faire pour l’Algérie où leur situation économique et sociale est catastrophique. Si l’Etat ne fait rien pour eux dans un plan d’extrême urgence, les manipulateurs pourront trouver quelques cibles faciles pour en faire des mercenaires. D’ailleurs, toutes les populations du Sud algérien ont dénoncé la politique de l’emploi qui ne privilégie pas les autochtones, ouvrant ainsi le champ à tous les scénarios possibles. Ce qui est incroyable, c’est que des médias algériens continuent à parler de l’Azawad comme si cela existait, non conscients des dangers sur la communauté touareg tout entière que le MNLA veut débaucher non seulement à l’échelle locale mais à l’échelle régionale (lire 3e et 4e parties). La décision de fermer les frontières est-elle une solution face au péril terroriste et aux menaces qu’une intervention risque d’induire ? Quid des atteintes aux droits humains chez nos voisins ? Une attitude de conciliation et/ou de neutralité face au conflit malien serait inefficace sans une nouvelle stratégie de politique étrangère dans tout le Sahel, pour contrecarrer celle des pays occidentaux et des pays du Golfe qui tirent les ficelles. L’urgence n’est pas strictement militaire ou sécuritaire mais également politique, économique et culturelle, en commençant à renforcer la profondeur stratégique du pays (aide, solidarité, coopération et échange économique, partenariat…). Se bunkériser sans agir sur le mal et ses causes, là où elles se trouvent, équivaut à une attitude de l’autruche. Un minuscule Qatar active pour déstabiliser notre pays et les pays voisins à des milliers de kilomètres de ses frontières ; et l’Algérie se replie dans sa coquille, sans se défendre ! L’attitude défensive adoptée par Alger n’a pas éloigné les risques et a donné l’impression de faiblesse d’un Etat qui ne va pas au-devant des menaces qui le visent. En laissant se rapprocher ces menaces, on paie aujourd’hui le prix fort de devoir fermer les frontières, en espérant que n’advienne pire que l’attentat d’In Amenas. M. Medelci a dit que la crise malienne obéissait à un agenda : il signifiait donc qu’il s’agissait d’un acte de guerre. A un acte de guerre, l’Algérie a répondu par les salamalecs et la stratégie de l’autruche. Il faut oser traiter le terrorisme comme un acte de guerre dirigé par des pays, et non pas de groupes ! L’Algérie a traité le terrorisme des années 1990 comme un acte de guerre venant de l’étranger et pas seulement comme un fléau local, et c’est ce qui lui a permis de s’en débarrasser, contrairement à l’Irak et la Syrie qui traitent aujourd’hui le terrorisme in situ, au lieu de le frapper à la racine.
L’Algérie, au cœur du problème malien
L’Algérie a une frontière instable de 1 400 km avec le Mali et de 1 000 km avec une Libye encore très instable avec comme trublions Aqmi, Ansar Eddine, Mujao et MNLA. Elle a de centaines de kilomètres fragiles avec le Sahara occidental et la Mauritanie. Ce qui est beaucoup à sécuriser même s’il n’y avait pas ce diable qatari qui attise le feu islamiste et séparatiste. L’Algérie a les mêmes ingrédients islamistes et ethniques que le Mali. Si certains manipulateurs ont exploité ces poches pour recruter des mercenaires pour attaquer le Mali, ils pourraient le faire pour viser l’Algérie, plus directement, selon un même scenario que celui concocté contre notre voisin. L’influence algérienne, dans les années 1960-1970, s’étendait dans toute l’Afrique, dans le monde arabe et musulman et sa voix était entendue dans le monde entier grâce à l’organisation des Non-Alignés. Après la mort de Boumediène, l’Algérie semble abandonner le champ africain et sa profondeur stratégique pour se tourner vers une hypothétique nation arabe aux Etats désolidarisés les uns des autres. Cette nation arabe est plus fragile que jamais aujourd’hui et les Maghrébins se retrouvent seuls face à leurs problèmes et à des complots déstabilisateurs venant parfois de cette même nation arabe. Désormais entourée de pays fortement instables, l’Algérie fait face à des risques majeurs avec un Mali brusquement devenu une poudrière sinon une bombe à retardement pour lui-même et ses voisins, dont notre pays qui, il faut la rappeler, a lutté tout seul contre le terrorisme islamiste soutenu par les pays occidentaux, Etats-Unis et France en tête, ainsi que par les pays du Golfe. Si les conditions objectives (crise économique et plus d’une décennie de terrorisme) ont fait perdre à l’Algérie son rôle de leader arabe et musulman, il n’y avait pas de raison de perdre le rôle de leader africain et, plus grave, de laisser le Qatar parader dans les parages. Mais la nature ayant horreur du vide, les nains nous prennent notre place dans notre voisinage immédiat et voilà des terroristes non seulement implantés au Sahel mais sur le point de faire exploser une plateforme gazière à In Amenas. Tout en négociant avec Ansar Eddine et le MNLA, l’Algérie n’a pas su leur tendre à eux et à leurs maîtres une main d’acier dans un gant de velours. Elle a tendu l’autre joue, donnant l’impression de faiblesse : l’Algérie est donc le mauvais camp, à ne pas suivre ni écouter. Rien à offrir que des leçons de nationalisme à des mercenaires sans foi ni loi, ni patrie. C’est cette faiblesse politique que les maîtres de l’agenda ont exploitée. Il ne suffit pas d’avoir une armée puissante si la politique détruit cet atout et les autres… Au Mali, ce n’est pas l’armée qui a failli, c’est l’argent qui a fait défaut à Bamako, à cause du FMI qui l’a sucé, pour préparer le terrain aux mercenaires. Le but caché de cette intervention comme dans toutes les autres interventions depuis 2011 est de faire barrage à la tentative d’émancipation économique, énergétique, technologique, politique et militaire des Arabes et des Africains. Avant l’attentat contre In Amenas, l’auteur français indépendant, David S. J. Borrelli, écrivait de manière lucide et surtout prémonitoire : «La scission, la partition et la déstabilisation du Mali ainsi que l’islamisation du conflit, ont été planifiées et organisées par des puissances étrangères (notamment française et les Qataris), tout comme l’éviction d’ATT et la division du peuple malien, tout cela dans le but de pouvoir faire entrer les forces de l’OTAN (sous mandat de l’ONU) sur le sol malien afin de cibler directement le Sud libyen et les forces loyalistes du guide de la Jamahiriya (Maâmmar Kadhafi) via le Niger voisin et de faire indirectement pression sur l’Algérie (qui sera sûrement ciblée à son tour très prochainement, probablement tout d’abord par ces mêmes islamistes qui balkanisent le Nord-Mali).»(1) Mais bien avant cela, en mars 2004, le général Charles Wald, commandant en chef adjoint des forces américaines en Europe (Eucom), disait que des membres d’Al-Qaïda tentaient de s’établir «dans la partie nord de l’Afrique, au Sahel et au Maghreb. Ils cherchent un sanctuaire comme en Afghanistan, lorsque les talibans étaient au pouvoir. Ils ont besoin d’un endroit stable pour s’équiper, s’organiser et recruter de nouveaux membres(2)».
A. E. T.
1. http://www.mathaba.net/news/?x=632417
2. Le Monde diplomatique, février 2005.
Source: Le Soir d'Algerie