Bercy vole au secours des entreprises françaises implantées en Afrique Par Louise Dimitrakis Mondafrique
Alors que l’Assemblée nationale planche sur une proposition de loi destinée à renforcer « le devoir de vigilance » des grandes entreprises sur leurs filiales localisées dans les pays en développement, Bercy prépare la contre attaque.
Dans une note interne, on apprend comment les services du ministère de l’économie et des finances préparent un exposé béton destiné à enterrer la proposition de loi relative au devoir de "vigilance" des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre.
Responsabiliser les sociétés-mères
Ce texte, présenté en novembre 2013 par les députés Dominique Potier (PS), Philippe Noguès (PS) et Danielle Auroi (EELV) pourrait être voté courant juin. Il a pour but de renforcer la responsabilité des sociétés-mères et des entreprises donneuses d’ordre en cas de dommages environnementaux et de violations des droits commis par leurs filiales et sous-traitants. Dans le cas des multinationales, ces derniers se trouvent bien souvent localisés dans les pays en développement, notamment en Afrique.
Bercy contre-attaque
Du côté de Bercy on prépare l’offensive. Régulièrement accusés de se plier aux injonctions pro business de l’Association française des entreprises privées (Afep) qui s’oppose à cette proposition, c’est à grands renforts d’arguments juridiques censés faire autorité que les agents du ministère comptent élever un barrage. L’idée étant d’arriver devant le cabinet du ministre et de présenter l’affaire comme d’ores et déjà pliée, le projet de loi étant supposément irrecevable d’un point de vue juridique.
Pour les députés et les Ongs favorables à la loi, la bataille juridique couvre avant tout un débat politique qui a pris de l’ampleur suite à plusieurs scandales mettant en cause de grandes entreprises. En décembre 2013, à l’issue d’un procès civil entamé en 2008, la justice néerlandaise a condamné la filiale Shell Nigéria à dédommager l'une des victimes ayant porté plainte pour deux fuites de pétrole survenues en 2006 et 2007 près du village d'Ikot Ada Udo, proche du Delta du Niger. En revanche, les plaintes portées contre la maison-mère accusée d'avoir pollué plusieurs autres villages dans le delta ont été rejetées.
Scénario similaire en République démocratique du Congo. Dans un rapport de novembre 2013, l’Ong CCFD-Terre Solidaire dénonce l’utilisation abusive du personnel journalier par les sous-traitants du groupe pétrolier français Pérenco sur le site de Muanda à l’ouest du pays. Le rapport note que ce procédé a notamment permis à l’entreprise de ne pas respecter les grilles salariales qu’elle s’applique à elle-même sans être inquiétée, et de ne pas être tenue pour responsable pour les accidents de travail.
Des situations que la récente proposition de loi permettrait d’éviter à l’avenir selon les députés Potier, Noguès et Auroi. Le texte met en tout cas les positions d’Arnaud Montebourg, nouveau locataire de Bercy et ancien chantre de la « démondialisation » à l’épreuve. Au ministère, les adeptes du « made in France » se font rares…