Diamant : le roi du diamant, Benny Steinmetz, quitte son trône Par Ian Hamel Le Point
Soupçonné de corruption en Guinée, le diamantaire franco-israélien Beny Steinmetz a vendu à son frère Daniel ses parts dans Steinmetz Diamond Group.
La semaine dernière, Le Canard enchaîné titre "Pots-de-vin et micros cachés autour d'une mine africaine". Un très long article révèle qu'un homme d'affaires français, Frédéric Cilins, emprisonné aux États-Unis depuis avril 2013, va plaider coupable. Il reconnaîtrait avoir tenté d'acheter pour cinq millions de dollars le silence de Mamadie Touré, la veuve de l'ancien président guinéen Lansana Conté. Moyennant de très copieux pots-de-vin, ce dernier aurait accordé, peu avant sa mort en 2008, au groupe minier Beny Steinmetz Group Resources (BSGR) la concession de Simandou, le plus vaste gisement de fer non exploité du monde !
BSGR, qui obtenait la concession des blocs 1 et 2 pour 165 millions de dollars, revendait 18 mois plus tard 51 % de ses parts au groupe brésilien Vale pour 2,5 milliards de dollars ! "En Afrique, on change parfois le fer en or", ironise Le Canard enchaîné. Les aveux de Frédéric Cilins paraissent si embarrassants que Beny Steinmetz, le roi du diamant, installé à Genève, vient de céder les parts qu'il détenait dans Steinmetz Diamond Group à son frère Daniel. "Dans ces événements guinéens, le nom de Steinmetz a été très injustement égratigné. Cela pouvait porter préjudice à la conduite des affaires diamantaires", explique l'avocat Marc Bonnant, au quotidien suisse Le Temps. Marc Bonnant est lui-même administrateur de la Fondation Balta, au Liechtenstein, qui chapeaute les multiples sociétés de Beny Steinmetz.
Une fortune estimée à 8,5 milliards de dollars
Né en 1957 en Israël d'un père tailleur de diamants, Beny Steinmetz s'établit à Anvers, en Belgique, en 1977. Il prospecte en Namibie, en Angola, au Botswana, en Sierra Leone puis dans les anciennes colonies françaises et belges, avec un atout vis-à-vis de ses concurrents, il parle couramment français. À partir des années 2000, tout en multipliant les concessions diamantaires dans l'ouest de l'Afrique, Beny Steinmetz s'intéresse au cuivre, au cobalt, au minerai de fer, au pétrole, au gaz.
Selon Bloomberg, il serait à la tête d'une fortune estimée à 8,5 milliards de dollars, ce qui en ferait l'homme le plus fortuné d'Israël. Toutefois, le roi du diamant est discrètement installé à Genève avec sa femme et ses quatre enfants. Des bords du lac Léman, il régnait jusqu'à cette semaine sur un nombre incalculable de sociétés disséminées dans les îles Vierges britanniques, Guernesey, le Luxembourg, les Pays-Bas, Chypre. Il y a quelques mois, l'avocat Marc Bonnant expliquait que Beny Steinmez Group Resources (BSGR) "appartient à des sociétés qui elles-mêmes appartiennent ultimement à la Fondation Balta à Vaduz, au Liechtenstein".
"Faux nez du pouvoir politique"
Cette nébuleuse serait dirigée depuis Genève, via Onyx Financial Advisors, dont les locaux ont été perquisitionnés l'année dernière à la demande de la justice guinéenne. Le président Alpha Condé, qui tente de remettre à plat le système des concessions minières dans son pays, mène une lutte à mort contre Beny Steinmetz. Il a été entendu par les magistrats américains qui ont arrêté l'homme d'affaires français Frédéric Cilins et qui l'ont convaincu de passer aux aveux.
En Suisse, l'avocat Marc Bonnant s'oppose à toute collaboration avec le pouvoir judiciaire guinéen, "qui n'est que le faux nez du pouvoir politique", assure-t-il dans la presse locale. Avant d'ajouter : "Le président Alpha Condé tente d'arracher à BSGR ses droits d'exploitation pour les revendre à une autre société minière. Vendre et revendre le même bien plusieurs fois, c'est une pratique courante dans certains États africains."
De notre correspondant à Genève, Ian Hamel