La mystérieuse disparition de 2 349 tubes contenant du virus SRAS Le Monde
Comment 2 349 tubes contenant des fragments du virus du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) ont-ils pu disparaître d'un laboratoire de l'institut Pasteur ? Et le coronavirus SRAS, potentiellement perdu dans la nature, pourrait-il faire de nouvelles victimes, onze ans après la pandémie qui avait infecté 8 000 personnes et causé la mort de plus de 800 malades ?
La réponse à la seconde question est claire : d'après le comité d'experts réuni à la demande du ministère de la santé, le risque infectieux est « nul » car les éprouvettes égarées ne contenaient qu'une partie du virus. Incomplet, celui-ci est inoffensif, y compris en cas de contact, de transmission aérienne ou d'ingestion.
Passée la question de la dangerosité, celle de savoir comment l'institution a pu perdre plusieurs milliers de tubes de SRAS demeure. Plus de deux mois après l'inquiétante découverte – et quelques jours après en avoir fait l'annonce officielle par communiqué de presse –, l'institut Pasteur n'est toujours pas en mesure d'expliquer avec certitude ce qui a pu se produire.
« UNE SITUATION INACCEPTABLE ET INCROYABLE »
Fin janvier, des membres du personnel effectuent l'inventaire annuel quand ils remarquent une anomalie. Dans le congélateur d'un laboratoire P3 – un type de laboratoire très sécurisé où sont manipulés des virus pouvant entraîner des pathologies graves – à l'endroit où auraient du se trouver 2 349 petits tubes de quelques centimètres de hauteur, il n'y a rien. Les échantillons inscrits dans la base de données sont introuvables.
Deux mois plus tard, Christian Bréchot, le directeur général de l'institut Pasteur, reste sidéré : « C'est une situation inacceptable et incroyable! » Aussitôt après la constatation de l'absence des tubes, l'institut lance une enquête.
Pendant plusieurs semaines, le matériel, les personnes et les procédures sont passés en revue. « On a cherché ces boîtes [les échantillons étaient disposés dans 29 boîtes] partout. On a repris les listes de toutes les personnes qui avaient travaillé ici depuis un an et demi, y compris les stagiaires. On a analysé les profils pour vérifier qu'il n'y ait pas eu de conflit », détaille le directeur général.
Cependant, l'hypothèse d'un acte malveillant est « hautement improbable » d'après Christian Bréchot. D'abord parce que la réglementation en matière de micro-organismes et toxines hautement pathogènes (MOT) – famille à laquelle appartient le SRAS – est très contraignante.
« ON DOIT TOUT ENVISAGER »
Comme l'explique un chercheur qui souhaite garder l'anonymat, « quand on travaille sur les MOT, l'étiquetage des tubes est fait de telle manière qu'une personne étrangère au laboratoire, qui n'a pas accès à la base de données, ne peut pas savoir ce que les éprouvettes contiennent ».
Autre point qui discrédite la thèse d'une manipulation malveillante : on ne peut sortir d'un laboratoire classé P3 qu'en passant par un sas de désinfection. Le virus n'y aurait pas survécu. Et puis, plus simplement, il y a la question de l'accès. Sur les 2 500 personnes qui travaillent au sein de l'institut Pasteur, seules 150 travaillent sur les MOT et ont accès aux différents laboratoires P3. Pour y entrer, il faut passer par le service personnel....
Lire la suite