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Racisme. Stéphanie Pouessel : "Beaucoup de Tunisiens reconnaissent l'existence d'un vrai problème de racisme" (JAI)

par JAI 15 Avril 2014, 12:32 Racisme Tunisie Maghreb Arabes Afrique Panarabisme Panislamisme

Racisme. Stéphanie Pouessel : "Beaucoup de Tunisiens reconnaissent l'existence d'un vrai problème de racisme" (JAI)
Stéphanie Pouessel : "Beaucoup de Tunisiens reconnaissent l'existence d'un vrai problème de racisme"

JAI

Docteur en anthropologie, Stéphanie Pouessel a dirigé l’étude "Noirs au Maghreb. Enjeux identitaires", publié aux éditions Karthala en 2012. Résidente en Tunisie où elle fait partie de l’équipe de l’Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain (IRMC), elle expose pour "Jeune Afrique" son analyse de la question.

Autochtones, descendants de peuplades présentes en Afrique du Nord depuis les temps protohistoriques, ou le plus souvent des caravanes d’esclaves acheminés vers les cités et les oasis pour y servir de soldats, de domestiques ou d’ouvriers agricoles, des centaines de milliers de Noirs peuplent aujourd’hui le Maghreb. Si la loi n’établit aucune distinction entre eux et leurs concitoyens blancs, ces derniers ont gardé certains réflexes hérités du passé esclavagiste parfois durement ressentis par les Maghrébins à la peau sombre. Interpeler un compatriote noir en lui lançant " woussif" ("serviteur") peut sembler aussi naturel au Tunisien blanc que choquant pour son interlocuteur noir. Longtemps nié et refoulé, le problème du racisme au Maghreb se pose avec une acuité croissante, particulièrement avec l’essor des flux migratoires d’Afrique subsaharienne vers le Nord. Entretien avec Stéphanie Pouessel de l’Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain (IRMC), auteur de Noirs au Maghreb. Enjeux identitaires*.

Jeune Afrique : Quelles conclusions avez-vous tiré sur la question des minorités au Maghreb à l’issue du travail de recherche que vous avez dirigé ?

Stéphanie Pouessel : J’ai remarqué que c’était à la base un sujet tabou, au même titre que la question berbère il y a encore 20 ans au Maroc. Il renvoie à la question des minorités en général qui n’est pas pensé dans les mêmes termes au Maghreb qu’en Europe. Même si des discriminations sont visibles, on ne peut y concevoir le corps national comme scindé entre une majorité et des minorités religieuses, ethniques et linguistiques, puisque celles-ci sont autochtones. Au Nord la question des minorités est perçue différemment, celles-ci étant exogènes, issues de l’immigration. Le débat sur les Noirs provoque beaucoup de réticences au Maghreb, et je le comprends : les Maghrébins ont l’impression que l’on cherche à leur imposer des catégories dites "du Nord", une approche qui divise le corps national dans des sociétés où le sujet de l’unité national est justement très sensible. D’autres stratifications existent, qui ont toujours été pensées en termes de parenté, de genre, de génération, de tribalisme. Mais établir des catégories sur des questions de langues, de couleur de peau et de culture est difficilement acceptable pour la plupart.

Est-ce que la promotion du panarabisme et du panislamisme au XXe siècle n’a pas favorisé une rupture avec une tradition plus tournée vers l’Afrique?

Ma vision n’est pas du tout celle d’un passé pré-national qui aurait été celui d’une diversité des langues, des cultures, des religions beaucoup plus vivante avant l’avènement d’un moment national qui se serait focalisé sur des identités arabes et musulmanes. Ces idéologies étaient alors en vogue, et l’on en a fait les référents fixes dont on avait besoin à l’époque, mais l’arabité et l’islam sont des catégories d’identification beaucoup plus anciennes que les indépendances. La diversité au Maghreb n’a jamais été étouffée par un nationalisme imposant. En fait, elle a juste été perçue de manière différente...





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