Boko Haram: Bons et méchants dans le spectacle Survie
Depuis le rapt, le 14 avril, de 223 lycéennes dans le Nord-Est du Nigeria par le groupe terroriste soit disant islamiste désigné sous le nom de Boko Haram les média et autres faiseurs d’opinion se sont jetés sur la barbarie africaine du moment avec une avidité qui s’est transformée en hystérie quand le leader supposé de la secte a évoqué la possibilité de réduire ces jeunes filles en esclavage. Mais qui se cache donc derrière Boko Haram ?
Mohamed Yusuf, théologien nigérian formé en Arabie saoudite, fonde en 2002 la "communauté des disciples pour la propagation de la guerre sainte et de l’Islam". Mouvement à l’origine purement religieux, rassemblé autour d’une mosquée et d’une école coranique, il se transforme en opposition politique prônant la lutte armée contre un pouvoir corrompu, et l’instauration d’une société islamique rigoriste. Le mouvement s’attaque aux postes de police, occupe des villages. Face à son extension, l’armée vient à la rescousse de la police et s’engage en 2009 dans une répression féroce qui fait un millier de morts, souvent victimes d’exécutions extrajudiciaires, comme Mohamed Yusuf lui-même.
On croit alors le mouvement éradiqué. Mais voilà que, fin 2010, un personnage au profil tout différent se présente comme le nouveau leader de Boko Haram dans une vidéo postée sur internet. Abubakar Shekau, né on ne sait où et quand, petit gangster issu du lumpenproletariat des bidonvilles de Maiduguri, fumeur de marijuana, semble l’homme le moins susceptible d’organiser et de conduire une guérilla durable et structurée. C’est pourtant sous la conduite de ce personnage que le mouvement change de dimension pour déployer en très peu de temps une puissance considérable. Terrorisant les États du Nord-Est, Boko Haram fait pas moins de cinq mille victimes lors de massacres, incendies, attentats, contre les églises chrétiennes, mais aussi contre des mosquées, des marchés, des villages, des écoles. Il parvient même à frapper la représentation de l’ONU au cœur même d’Abuja, la capitale. L’extrême cruauté du mouvement, qui va jusqu’à tuer des étudiants dans leur sommeil, fait penser au GIA algérien, surgi aussi mystérieusement après l’élimination du FIS, et dont l’objectif principal semble avoir été de discréditer ce dernier.
Comment en effet une guérilla qui sévit dans les régions les plus pauvres du Nigeria peut-elle entretenir, payer, doter d’un armement moderne ses quelque trente mille combattants, leur permettant de mettre en échec les forces armées nigérianes ? La diffusion via internet des grotesques mises en scène de Shekau accrédite l’hypothèse d’un mouvement manipulé pour justifier aux yeux de l’opinion internationale le traitement sécuritaire des graves problèmes sociaux du pays. Nos vedettes du show biz et de la politique se sont bien sûr précipitées, à la suite de la first lady américaine, devant tous les objectifs en brandissant le hashtag Bring back our girls. C’est surtout l’occasion rêvée pour l’Occident de prendre pied militairement au Nigeria, première puissance économique du continent africain, sous prétexte de venir à la rescousse d’un pouvoir stigmatisé pour son incapacité à venir à bout de cette rébellion. Hollande n’a-t- il pas proclamé devant les chefs d’État du Nigeria et d’un quarteron de pays voisins, réunis le 17 mai à Paris, que « Boko Haram est devenu une menace majeure pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest et maintenant pour l’Afrique centrale » et qu’il fallait une « réponse globale » ? Il est à craindre que l’afflux des conseillers militaires états-uniens, français, anglais et israéliens, loin de résoudre le problème, ne soit le début du pire pour les Nigérians, comme il l’a été pour les centaines de milliers de victimes des conflits suscités et entretenus au Moyen Orient et en Afrique. Combien de girls parmi elles ?