Rwanda, la France a livré des armes pendant le génocide Par Clement Fayol Mondafrique
Vingt ans après le génocide rwandais, le rôle de la France conserve des parts d’ombre. En plus des accusations liées à l'Opération Turquoise, associations et personnalités affirment que des accords de défense et de livraisons d’armes liaient Paris à Kigali, avant, pendant et après les massacres de masse. Hubert Védrine, secrétaire général de l’Elysée au moment des faits, reconnaît qu’il y a eu des livraisons d'armes, mais affirme qu'elles n’ont pas été utilisées par les génocidaires.
Vingt ans après le génocide qui a coûté la vie à plus de 800 000 tutsis et hutus modérés au Rwanda conserve ses parts d’ombres. En avril dernier, à l’occasion des commémorations, le président autocrate du Rwanda, Paul Kagamé, accuse une fois de plus la France d’avoir « participé » aux massacres.
Le dossier est épineux et déchaîne les passions. Rappelons les faits. Au début des années 1990, les négociations ont échoué entre le pouvoir hutu de Juvénal Habyarimana et la rébellion tutsi du Front patriotique rwandais de Paul Kagamé. À l’époque, la France est liée au pouvoir de Kigali par des accords de défense qui incluent notamment des livraisons d’armes. D’après l’ancien ministre des Affaires étrangères français – et proche de Paul Kagamé - Bernard Kouchner, les containers continuaient à être livrés jusqu’en août 1994, alors que les Nations Unies avaient mis en place un embargo sur les armes en mai 1994.
Ces soupçons s’ajoutent aux accusations de complicité de la France dans le cadre de l’opération Turquoise, cette opération française au moment du génocide qui avait pour mission officielle de « mettre fin aux massacres partout où cela sera possible, éventuellement en utilisant la force. »
Lever le secret défense
Le 16 avril dernier, Hubert Védrine, secrétaire général de l’Elysée de l’époque, est auditionné par la Commission de la défense de l’Assemblée nationale française. Il est interrogé sur les livraisons d’armes au régime rwandais dont plusieurs cadres ont été directement impliqués dans le génocide qui a suivi l’assassinat du président Habyarimana le 6 avril 1994. « Il est resté des relations d'armement et ce n'est pas la peine de découvrir sur un ton outragé qu'il y a eu des livraisons qui se sont poursuivies explique Védrine. C'est la suite de l'engagement d'avant, la France considérant que pour imposer une solution politique, il fallait bloquer l'offensive militaire (du FPR ndlr). Ça n'a jamais été nié, ça. »
L’ancien secrétaire de l’Elysée affirme que les livraisons concernaient « un certain type d'armement qui n'a jamais servi au génocide. » À l’inverse, le président de l’association Survie, Fabrice Tarrit, affirme dans une lettre aux parlementaires que « à l'exception peut-être des munitions pour hélicoptères, tous les types d'armes dont disposaient les Forces Armées Rwandaises (FAR) ont été utilisés pour commettre le génocide. »
Survie, membre de la commission d’enquête citoyenne sur l’implication de la France au Rwanda, demande aux élus français de créer une commission d’enquête parlementaire pour que celle-ci « exige la déclassification de tous les documents liés à ces livraisons et (…) tienne toutes ses auditions publiquement. »