Où l’on reparle de Dulcie September, sur la scène du National Arts Festival de Grahamstown Par Jacqueline Dérens Renapas
Le Festival de Grahamstown est l’un des grands moments culturels pour l’Afrique du Sud et pour le continent africain. Pendant onze jours, du 3 au 13 juillet, plus de 2500 spectacles vont marquer le 40ème anniversaire de ce festival qui mêle théâtre, danse, arts plastiques, music, film, jazz et bien d’autres surprises.
Cette année, dans la partie dite Fringe du festival, le Festival Off comme on dirait en Avignon, on pourra voir Cold Case, la pièce écrite par Sylvia Vollenhoven and Basil Appollis, mise en scène par Basil Appollis et jouée par l’actrice Denise Newman, originaire des Cape Flats, la banlieue « coloured » de la ville du Cap. Cette dernière a accordé un entretien à la journaliste Cheryl Roberts dont les extraits traduits ci-dessous.
L’actrice Denise Newman ne veut pas que la mémoire de Dulcie September soit oubliée : elle veut que l’on se souvienne d’elle et que l’on revendique son souvenir avec fierté.
Pourquoi Dulcie September ?
Cette production Cold Case, c’est pour que nous n’oublions pas les chemins difficiles que nous avons traversés dans la lutte contre l’apartheid, que nous n’oublions les militants qui ont sacrifié leur vie à la justice. En mettant les projecteurs sur la vie de Dulcie September nous évoquons un combat incessant contre l’oppression et une vie qui nous a aidé sur le chemin de la liberté. Nous ne devons jamais oublier ces sacrifices personnels pour que la liberté devienne réalité ici en Afrique du Sud.
Comment vous est venue l’idée d’évoquer la vie extraordinaire de Dulcie September ?
J’ai toujours eu en tête que nous devrions raconter des histoires qui ont des liens avec nous et qui sont oubliés au fur et à mesure que l’Histoire avance. J’ai eu cette idée en janvier dernier et j’en ai parlé à Basil Appollis qui aussitôt réagit avec enthousiasme, il aimait cette idée et il m’a dit allons-y !
Comment la production a-t-elle commencé ?
Nous avons contacté les agences pour le financement des projets artistiques sans obtenir de réponse positive. Mais cela ne nous a pas découragés. Nous n’avions pas d’argent, mais la passion et l’enthousiasme pour écrire la pièce et mettre en scène la vie de Dulcie September. Nous avons commencé par faire des recherches, à parler à la famille et aux amis de Dulcie September, à fouiller les archives, lire les journaux et nous avons amassé un trésor de souvenirs. Sylvia Vollenhen et Basil Appollis ont fait les recherches et moi, j’ai le privilège d’être ce personnage sur scène. ….
Et la mort de Dulcie September ? Il y a une réponse dans Cold Case ?
Non. Il n’a y pas de réponse. Jusqu’à aujourd’hui, les raisons de sa mort n’ont pas été élucidées. Nous ne savons pas qui est responsable de ce meurtre. Nous laissons au public tout un tas de questions, d’hypothèses à explorer, d’où le titre d’ailleurs « Affaire classée », mais pas élucidée. Sa mort a été un acte brutal et tragique, mais nous voulons surtout montrer sa vie toute d’humanité et de dévouement pour combattre les injustices, et pas tellement qui a commis ce meurtre. …
Après le festival, il y aura certainement des représentations dans la ville du Cap et dans d’autres villes de la province, tout dépendra aussi de l’accueil et de la réaction du public.
Il y a fort à parier que cette pièce serait bien accueillie en France, où la mort de Dulcie September reste un souvenir douloureux pour des milliers de militants anti-apartheid. Le silence, la hâte de la justice à clore le dossier, laissent un goût amer d’impunité à tous ceux qui ont connu et travaillé avec la représentante de l’Anc pour mettre fin au régime d’apartheid, régime qui a bénéficié trop longtemps du soutien politique et économique de la France et des pays « du monde libre ».