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Le malien IBK, une grossière erreur de casting des Français Par Nicolas Beau Mondafrique
Nous voici un an après l’élection présidentielle malienne, qui vit accéder au pouvoir, lors d’un scrutin bâclé, Ibrahim Boubacar Keita, dit IBK. Ami de François Hollande qu’il a connu au sein de l’internationale socialiste, IBK a disposé du soutien entier de la France. Aujourd'hui Paris commence à s'interroger sur le choix de ce vieux cheval de retour de la classe politique malienne, faussement consensuel et sans envergure. L'intronisation d'Ibrahim Boubacar Keita n'a-t-elle pas été une magistrale erreur? La question se pose d'autant plus que ce politicien sans scrupules est mis en cause dans une procédure judiciaire française en raison des liens financiers qu'il a entretenus avec des corses affairistes et fidèles de Charles Pasqua.
""Aujourd’hui et alors qu’à Kidal, Gao et Tombouctou, on assiste à une terrible sécheresse, aux dissensions des mouvements touaregs et arabes et à la présence persistante des jihadistes, il faut bien se rendre à l’évidence : IBK, élu à la présidence malienne il y a un an exactement, n’a mis en oeuvre aucune tentative sérieuse de règlement politique entre Bamako et le Nord du pays. Le pouvoir français n’aurait-il pas fait là une formidable erreur de casting, en intronisant à la tète de l'Etat malien un président aussi impuissant que médiocre ?
Double échec
Après l’opération Serval au Mali, le pouvoir français n’avait eu qu’une obsession : des élections vite faites bien faites, qui donnent au Mali un président légitime et consensuel, et un retrait rapide de l’essentiel des troupes françaises. Sur ces deux points, François Hollande et Laurent Fabius ont échoué. Le « redéploiement » des 3000 à 4000 soldats en Afrique mis en scène par l’armée qui ne laisse au Mali qu'un millier d'hommes ne trompe personne. Sans une très forte présence militaire française, le Mali serait à feu et à sang. Au moins 2000 à 2500 hommes sont encore présents dans le pays. Soit avec les rotations permanentes entre la métropole et Bamako et avec l’intendance en amont, à peu près 10.000 hommes sont encore engagés sur ce théâtre d’opération.
Rappelons nous. Peu avant les élections présidentielles de l’été dernier, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, et les experts du groupe "International Crisis Group" avaient jugé le calendrier électoral irréaliste pour établir des listes électorales représentatives et faire voter des centaines de milliers de réfugiés. Le pouvoir français pourtant avait appelé à des élections rapides qui eurent lieu durant l’été 2013. D’un mot malheureux, le président français devait affirmer sur France 2 qu’il se montrerait « intraitable » sur la date du scrutin présidentiel malien, comme si la souveraineté de cette ancienne colonie n’existait pas. Peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse, même frelatée, d’un ersatz de démocratie, semblaient penser les autorités françaises qui ont, un peu plus tard, cherché à vendre aussi leur kit démocratique... en Centrafrique !
Populiste, autoritaire et opportuniste
Seulement voilà, les Français auraient du se méfier d’un IBK, qui a toujours été un mélange improbable de populisme conservateur et d’opportunisme politique. On le vit tour à tour faire alliance avec le capitaine putschiste Sanogo, aujourd’hui emprisonné (à qui il vient d'envoyer des émissaires), avec le chef wahhabite et ultra conservateur du Haut Conseil Islamique, Mahmoud Dicko (qu'il emmène dans sa délégation lors de ses déplacements officiels), ou avec les affairistes corses de Pasqua, dont Michel Tomi actuellement mis en cause en France. Mais depuis un an, le président malien n’a rien fait ou presque pour réunir les forces en présence au Nord Mali, flattant le nationalisme des tribus noires majoritaires face aux touaregs. Pour masquer sa totale mauvaise volonté dans le processus de négociation, IBK a fait mine d’en appeler à ses voisins marocain, algérien, mauritanien ou burkinabé qui ont tous quelques intérêts au Nord Mali et quelques alliés au sein de la mouvance touareg. Une façon habile de neutraliser tout le monde.
Pour expliquer son échec, IBK s’en est pris publiquement aux liens entre les militaires français et le MNLA, le principal mouvement touareg au Nord qui, il est vrai, a toujours joué l'alliance avec l'armée et les services français. Effectivement, Hollande et Fabius ont toujours refusé de désarmer cette organisation qui fait la loi dans la région de Kidal et interdit à l'armée malienne d'entrer dans sa zone d'influence. En face, le gouvernement français instrumentalise les mises en cause judiciaires d'IBK dans le dossier du corse Michel Tomi et favorisent des fuites dans la presse, pour forcer leur allié à négocier avec les mouvements rebelles du nord.
Autant de tentatives vaines, le courant ne passe plus guère entre Paris et Bamako et l'impasse apparait totale, malgré un discours toujours optimiste des services de communication de l'armée et de la diplomatie françaises. Laurent Fabius n'a-t-il pas déclaré que la France avait "sauvé" le Mali?