Uramin: les irradiants et officiels intermédiaires d'Areva Bakchich
Le député maire de Levallois Patrick Balkany et le vice-roi du Katanga, Georges A. Forrest ont très officiellement intercédé en faveur du géant nucléaire français en Centrafrique en 2008. Un pan du dossier Uramin particulièrement radioactif.
Entre la France et la Centrafrique, l'histoire n'a jamais été simple. Pour coquette qu'elle fut, Bangui la capitale a surtout été le théâtre des grandes heures de la Françafrique. Pour son malheur. Présidents fantoches installés ou destitués sur un simple coup de fil de l'Elysée, coups d'Etat décidés depuis Paris, base arrière d'opérations inavouables vers le Katanga, le Tchad ou encore vers les rebellions internes du pays, le petit Etat du centre de l'Afrique a vu se dérouler, depuis les indépendances, nombres d'histoires propres à nourrir l'abondante littérature de Gérard de Villiers. La richesse de son sol a encore un peu accentué le trait. Regorgeant d'uranium, minerai vital pour l'indépendance énérgétique tricolore et son géant nucléaire Areva, sa terre en est devenu d'autant plus convoitée.
Souricière africaine
Las, l'embryon d'appareil administratif et étatique, ployant à chaque changement de régime, s'est effondré en mars 2013 lors de la chute de son général président putschiste démocratiquement élu, François Bozizé. Après des mois de massacres, de gestion ubuesque du pays par les hommes en armes de la Séléka, la France d'Hollande, renouant avec sa tradition d'expéditions coloniales, est intervenu dans un Etat en ruines. Un rien piégé dans une situation à laquelle elle a contribué. Et de se retrouver pris entre le feu d'un Etat qui tente de se reconstruire, une rébellion qui n'entend pas désarmer, assise sur l'autre trésor de la terre centrafricaine, le diamant et un ancien président Bozizé qui entretient l'espoir d'un retour en même temps qu'une certaine agitation sur place. Une souricière africaine sur les bords de l'Oubangui...dans laquelle émerge également l'épineux dossier Uramin.
Petite junior canadienne immatriculée aux îIes Vierges Britanniques, la jeune entreprise s'est fait une spécialité de racheter des licences d'exploitation de mines oubliées en Afrique, dont le fameux gisement de Bakouma, en Centrafrique. Rachetée au prix très fort -2,5 milliards de dollars d'argent public- par Areva en juin 2007, Uramin s'est révélé depuis une fort mauvaise affaire. Entre chute du cours de l'Uranium, accident de Fukushima et difficultés d'extractions du minerai, Areva a déprécié son actif de près de 2 milliards d'euros. Presque sa totalité. Un crash si important que le cour de comptes a alerté, 7 ans après les faits la justice afin qu'elle enquête sur les conditions acrobatiques de l'opération.
Les premières fissions d'Uramin
Premières perquisitions et auditions se sont succédées au début de l'été. Ainsi que les premières révélations notamment sur la légèreté avec laquelle la direction d'Areva a balayé les réserves de ses propres équipes sur Uramin, les mines dont ils affirment avoir les droits, sur la farandole d'acteurs qui s'est agglutiné autour du deal ou encore sur les enquêtes privées dont les conclusions ont été tues au sein même du géant nucléaire. Une matière d'autant plus explosive que la vente a eu d'étranges retombées, notamment en Centrafrique.
Comme l'a déjà narré Bakchich, mécontent de voir Uramin passer aux mains d'Areva sans y trouver son compte, le président Centrafricain Bozizé refuse le transfert de licence d'exploitation du gisement de Bakouma. Ce n'est qu'après plus d'un an de négociation qu'intervient en août 2008 un accord. Qui prévoit outre le versement d'un dîme conséquence d'Areva à la Centrafrique, des constructions de route, d'hôpitaux, etc…
Cet accord, un courriel officiel de la direction des mines d'Areva en détaille les artisans, assume le rôle de ses intermédiaires, tout en niant les avoir rémunérés.
Daté du 10 août 2008, cet écrit ouvre de nouvelles perspectives au dossier Areva-Uramin. D'abord parce que Le Point a révélé qu'un virement de 5 millions de dollars émis par Georges Forrest a abondé un compte dont l'ayant droit est Patrick Balkany. Ensuite parce que Georges A. Forrest, surnommé le vice roi du Katanga, «recommandé tant par le Quai d'Orsay que par la cellule Afrique» est devenu un partenaire privilégié d'Areva, en République démocratique du Congo ou en Centrafrique où une joint venture commune a été montée (70% pour Areva, 30% pour Forrest).
Le cauchemar d'Areva
Dans la corbeille de cet heureux mariage, ont été déposés en 2010 les permis renationnalisés des sociétés de Saif Durbar. Ancien conseiller de Bozizé, vice ministre des Affaires Etrangères, l'homme d'affaires indo-pakistanais était très introduit dans le village centrafricain, au point de passer pour le «cauchemar d'Areva». Durbar a longtemps gêné les visées du géant du nucléaire français en Centrafrique. Ses entreprises possédaient des permis sans lesquels le gisement de Bakouma étaient inexploitables…. Heureuse coïncidence, fin 2009, au moment même où la joint venture Forrest Areva a vu le jour, Durbar a été extradé de Londres, où il résidait, vers la France, où une vieille et obscure condamnation à trois ans de prison dans un dossier d'escroquerie l'attendait depuis 2007. Après quelques mois au frais, Durbar a été libéré courant 2010 de ses obligations carcérales, délestés de ses intérêts centrafricains.