Exclusif, la gauche complice des frasques financières de Kadhafi Mondafrique
Dans la préface inédite de l'édition de poche de son livre "Sarkozy-Kadhafi, histoire secrète d'une trahison", en vente depuis le premier septembre, Catherine Graciet s'interroge sur les raisons de l'exrtrême lenteur de l'instruction menée sur d'éventuels transferts de fonds entre l'ancien chef de l'Etat libyen et Nicolas Sarkozy. Pour cette journaliste d'investigation, dont le livre fut un grand succès, pas de doute: la gauche au pouvoir n'a pas intérèt à ce que la vérité éclate sur les liens qui ont existé entre la classe politique française, de gauche comme de droite, et feu le colonel Kadhafi. EXTRAITS
« On y va ». A la fin de l’année 2013, François Hollande est bien décidé à régler son compte à Nicolas Sarkozy dont le retour en politique ne fait déjà guère plus de doutes. Il a l’embarras du choix tant les affaires où l’ancien Président est susceptible d’être impliqué ne manquent pas : affaire Karachi, affaire Bettencourt, affaire Bernard Tapie… Mais celle qui, en apparence, semble avoir le plus de chances d’aboutir reste celle du financement plus que probable de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy par le colonel Kadhafi. Des juges d’instruction ont été désignés et, avec l’aide de la DNIFF (Division nationale d’investigations financières et fiscales) enquêtent sans retenue ni tabous. « Franchement, on n’a jamais connu pareille liberté sur un dossier de ce calibre. C’est exceptionnel » s’enthousiasme-t-on dans ses rangs. Personne ne le sait alors, hormis la justice et la police, mais Nicolas Sarkozy a été placé sur écoutes téléphoniques dans ce dossier. Ces interceptions, révélées par Le Monde en mars 2014, montrent à minima un activisme effréné de l’ancien Président pour tenter de savoir où en est l’enquête des juges.
Pourtant, alors que tous les signaux policiers, judiciaires et politiques semblent au vert, force est de constater que les anciens caciques du régime de Mouammar Kadhafi, éparpillés aux quatre coins du monde, ne se ruent pas pour déposer devant la justice française. La conséquence en est sans appel : faute de témoignages d’acteurs libyens clés de cette époque, et plus encore de documents susceptibles de constituer des preuves, la vérité peine à sortir. Même si les soupçons sont très forts et que des informations de plus en plus précises fuitent. C’est par exemple le cas de ces 400 millions d’euros qui, dans le dossier de la libération des infirmières bulgares, en juillet 2007, auraient transité entre Doha, au Qatar, Genève, en Suisse, l’île Maurice et Madère, deux paradis fiscaux. Mais de preuves matérielles irréfutables, point.
La volonté d'en finir avec Sarkozy
Ce n’est pourtant pas l’envie qui manque aux Libyens de balancer. Tous jurent qu’ils se « paieront » l’ancien Président le moment venu, pour avoir causé la perte de leur pays. Certains, frappés d’un mandat d’arrêt international et soucieux de mettre un terme à un exil précaire, ont même, selon leurs dires, négocié leur venue en France contre une promesse de permis de séjour. Comment donc expliquer pareil blocage ? Pourquoi ces anciens dignitaires demeurent-ils muets malgré de nombreuses sollicitations du côté français ? Parce qu’ils ont aujourd’hui la certitude absolue qu’en France, au niveau politique, personne ne souhaite que la vérité ne sorte. Sous peine d’ouvrir la boîte de Pandore des financements politiques occultes par des Etats étrangers. Il n’échappe en effet à personne que, du temps de sa splendeur, Mouammar Kadhafi fit preuve d’une infinie générosité envers tout ce que l’Europe latine compte de partis politiques. Allant même jusqu’à arroser des mouvements indépendantistes ! En clair, qu’en France, de nombreuses personnalités et partis politiques de tous bords pourraient avoir bénéficié des largesses libyennes.
C’est dès l’automne 2012 que les premières voix discordantes allant dans ce sens se firent entendre. L’avocat Marcel Ceccaldi, qui défendit un temps plusieurs dignitaires de l’ancien régime libyen, n’y alla pas par quatre chemins : « j’ai entendu dire que les socialistes ont aussi touché de l’argent libyen pour 2007. On m’a parlé de deux ou trois millions d’euros[1] » affirme-t-il alors, tout en soulignant ne pas avoir de preuves. Le second tour de la présidentielle de 2007 opposa Nicolas Sarkozy à Ségolène Royal, alors compagne de François Hollande, Premier secrétaire du PS.
Cinq millions pour la gauche?
Depuis, cette petite musique n’a eu de cesse de se faire entendre. Qui plus est, par des témoins parfaitement au fait de ces affaires. Ce fût le cas de l’ancien patron sarkozyste de la DCRI, Bernard Squarcini. Ainsi, en juin 2013, l’on pouvait lire son témoignage dans le journal Le Monde : « Des proches des kadhafistes sont venus m'en parler, évoquant une somme de 5 millions d'euros, sans preuves ». Il assure en outre avoir « rendu compte de cela à la DGSE ».[2] » Des propos qui peuvent être perçus comme une mise en garde à ceux qui voudraient charger Nicolas Sarkozy.
Puis, un an plus tard, en mai 2014, un homme clé de la relation entre Paris et Tripoli sous Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi, le Palestinien Souheil Rached, lâche une bombe, au détour d’une conversation avec un proche : « Onze millions ont été versés à Nicolas Sarkozy via l'Allemagne et en deux fois, sept millions puis quatre millions. Une dizaine de millions ont été donnés à une personnalité de gauche très en vue au Parti Socialiste. » Ces propos, explosifs, sont parus sur le site internet Mondafrique[3], dirigé par le journaliste d’investigation Nicolas Beau. Mais, très curieusement n’ont fait l’objet d’aucune réaction ni démenti. Le signe, sans doute, qu’il a tapé dans le mille. Pourtant Souheil Rached n’est pas n’importe qui et ne saurait être taxé de fanfaronnades comme d’autres hommes de l’ombre brutalement “outés” dans les médias. Très proche des services secrets français, qui ont recours à ses services de facilitateur en Afrique depuis des années, il est réputé pour son grand professionnalisme.
Dans les faits, Souheil Rached est un trait d’union entre les présidents Sarkozy et Hollande ainsi qu’avec les anciens caciques de Kadhafi. En effet, un temps stationné au Niger après la chute du Guide libyen en 2011, Souheil Rached fréquentait assidûment, à Niamey, le général libyen Abdallah Mansour. Les deux hommes partagent une sainte détestation pour tout ce qui ressemble de près ou de loin à un islamiste. Véritable disque dur de la lutte anti-terroriste libyenne sous Kadhafi, Abdallah Mansour est régulièrement “traité” par les services secrets français. Cela ne l’a pas empêché, le 14 février 2014, d’être extradé par le Niger vers la Libye qui avait délivré un mandat d’arrêt international à son encontre depuis de nombreux mois déjà. L’un des fils du colonel Kadhafi, Saadi, lui aussi réfugié au Niger, connut le même sort quelques jours plus tard, ainsi que sa garde composée d’une dizaine de Libyens. Aussitôt arrivés en Libye, les deux hommes furent sauvagement torturés. Le même coup de filet visait d’autres Libyens qui parvinrent à s’échapper in extremis.
La piste nigérienne
C’est aujourd’hui furieux que les amis d’Abdallah Mansour, qui révèlent au passage que sa fortune s’est volatilisée au moment de son extradition, refont le film de ces deux arrestations. Et pointent du doigt la France et en particulier le Quai d’Orsay dirigé par Laurent Fabius. Ils en tiennent pour preuve le fait que le ministre des affaires étrangères reçut à Paris, dix jours plus tôt, le 4 février 2014, son homologue nigérien, Mohamed Bazoum, jadis proche du régime libyen. Au sujet de cet entretien, le Quai d’Orsay s’est borné d’indiquer sur son site internet qu’il « a permis de faire le point sur les principaux enjeux régionaux, et notamment sur la situation dans les pays du Sahel et en Libye. Il a confirmé la proximité de nos approches et la confiance qui prévaut dans nos relations bilatérales. Laurent Fabius a en particulier salué l’engagement fort du Niger en faveur de la stabilité de la région sahélienne. » Il ne viendrait à l’idée de personne que Fabius et son homologue nigérien n’aient pas parlé de l’extradition imminente d’Abdallah Mansour et de Saadi Kadhafi… Et ces Libyens, anciens dignitaires du régime de Kadhafi, de pointer le double jeu du Quai d’Orsay qui, au même moment, leur faisait savoir que ses diplomates acceptaient de rencontrer toutes les composantes libyennes incluant les anciens du régime Kadhafi.
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POUR LIRE LA SUITE DE CETTE ENQUETE, IL FAUT SE PROCURER L'EDITION DE POCHE DU LIVRE DE CATHERINE GRACIET,
"SARKOZY-KADHAFI, HISTOIRE SECRETE D'UNE TRAHISON"
(1) Entretien avec Marcel Ceccaldi le 1er octobre 2012.
(2) Gérard Davet et Fabrice Lhomme, « Ces ex-dignitaires libyens qui inquiètent Sarkozy », Le Monde, le 4 juin 2013.
(3)Nicolas Beau, « Argent libyen : le témoin clé ignore par la justice française », www.mondafrique.com, le 5 juin 2014.