Dossier : ces avocats français qui se pressent en Afrique JAI
De confortables honoraires, une grande exposition médiatique, le tout dans un cadre juridique familier, hérité du temps des colonies... Quelles que soient la complexité des dossiers ou la réputation de leurs puissants clients, les plus grands ténors français se pressent sur le continent pour les défendre.
Retrouvez les portraits des principaux avocats français qui exercent leurs compétences sur le continent africain pour défendre de puissants clients.
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« L’Afrique, eldorado des avocats français » Par Vincent Hugueux L'Express
Dans l’hebdomadaire « L’Express« , le journaliste Vincent Hugeux publie un intéressant article sur l’activité de certains avocats parisiens qui se chargent de la défense de Chefs d’État africains. Par amour de la justice, en quête de notoriété ou juste pour l’argent ?
« De la Guinée équatoriale au Gabon, les avocats français se bousculent auprès des chefs d’État et de leurs proches, aux prises avec la justice. Des clients exigeants, versatiles, mais peu regardants à la dépense. Et qui offrent aux ténors du barreau l’occasion de jauger leur influence.
Pour La Lettre du Continent, publication bimensuelle consacrée à l’espace subsaharien, ils sont les « marabouts blancs en robe noire du village franco-africain » : une escouade d’avocats hexagonaux, parisiens pour la plupart, familiers des discrets allers-retours en classe affaires entre Roissy et Abidjan, Libreville, Brazzaville ou Malabo. C’est à eux que les potentats ivoirien, gabonais, congolais et équato-guinéen ainsi que leurs disciples, alliés d’hier ou opposants d’aujourd’hui, confient la défense de leurs intérêts, dans les prétoires africains et sur les bords de Seine. Voire plus si affinités.
Ces « afro-ténors » du barreau, autant jalousés par leurs pairs que vilipendés par les puristes des droits de l’homme, bichonnent cette clientèle hors norme. Grâce à elle, nos plaideurs tropicalisés tutoient le pouvoir et l’argent, tâtent des secrets d’État comme des intrigues de palais, dopent leur aura ou soignent un ego endolori. Et ils aiment ça.
Certes, eux savent bien pourquoi les timoniers du défunt « pré carré » francophone d’Afrique leur font les yeux doux… Comme le résume crûment un avocat, « les membres de la nomenklatura trouvent plus chic d’être conseillés par un Français, si possible un bâtonnier ou une star du barreau parisien, que par un Africain, d’autant qu’ils sont tout le temps fourrés à Paris… »
Mais, avant tout, les robes noires sont jaugées à l’aune de leur capacité d’influence, réelle ou supposée, de leur proximité avec les puissants et de l’épaisseur d’un carnet d’adresses bonifié, le cas échéant, par les amitiés franc-maçonnes. « Certains dirigeants africains ont encore du mal à comprendre qu’il n’est pas possible, en France, de museler la presse et de stopper les juges », raille Me Patrick Maisonneuve, hier conseil de l’État gabonais.
Son confrère Jean-Paul Benoit, ancien haut fonctionnaire devenu avocat en 2004, peut se prévaloir du profil idéal et d’un CV en or massif – vu de Brazza ou de Malabo : il a servi, en qualité de directeur de cabinet, deux ministres de la Coopération sous l’ère giscardienne et présidé la Maison de l’Afrique ; il est secrétaire national du Parti radical de gauche chargé des affaires internationales et parlementaire européen honoraire…
Aujourd’hui, ce septuagénaire qui imite à la perfection feu le patriarche gabonais Omar Bongo défend l’État ivoirien et un ancien ministre camerounais, en tandem avec Me Jean-Pierre Mignard, ami intime de François Hollande. Il ne se leurre pas quant aux attentes de ses commanditaires potentiels : « On m’approche pour mes bonnes relations avec le gouvernement actuel, pas parce que je suis le meilleur de Paris. Si j’ai été contacté par la Guinée équatoriale et si Denis Sassou-Nguesso veut me voir, c’est parce que les uns et les autres me croient capable de les tirer du guêpier des BMA [Affaire dite des Biens mal acquis]… »
L’affaire, qui a enflammé la cote des pénalistes français, mobilise aujourd’hui une bonne douzaine d’entre eux. Et aiguise les appétits. Me Francis Szpiner ne s’en cache pas : « Je rentrerais volontiers dans le dossier des BMA », lâche l’ex-conseil de Sa Majesté Impériale Bokassa Ier, empereur centrafricain déchu puis défunt, qui défend désormais le Djiboutien Ismaïl Omar Guelleh.
Dans cette arène comme dans les autres, les Excellences africaines attendent de leurs sherpas blancs des retours sur investissement rapides. « Si on ne multiplie pas les actes de procédure, ils estiment qu’on ne fait rien », relève Me Maisonneuve. Auquel cas ils n’hésitent pas à changer de monture ou à en ajouter une à leur écurie de juristes. « Autour d’eux, il se trouve toujours quelqu’un pour leur recommander la perle rare qui va, enfin, régler leur problème », regrette Me Emmanuel Marsigny, défenseur de Teodorin Obiang, fils du chef d’État équatoguinéen et deuxième vice-président de l’émirat pétrolier hispanophone. Résultat : il est bien difficile de savoir qui défend qui, et si telle robe noire est « in » ou « out ». (…)
[Du côté de la] Guinée équatoriale, , où il est rare qu’un mois s’écoule sans retouche de l’équipe pléthorique des défenseurs maison, l’un des derniers entrants, Me Patrick Klugman, s’en agace : « La valse des avocats est catastrophique pour la qualité de la défense, soupire-t-il. Certains viennent, repartent, sans qu’on sache s’ils sont sur le dossier. On ne sait pas non plus si on y sera encore, soi-même, le mois suivant… »
Photo : Patrick Klugman est avocat au barreau de Paris. Ancien Président de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF). Proche de Bertrand Delanoë et soutien de François Hollande lors de l’élection présidentielle, il est vice-président du Groupe Socialiste, Radical de Gauche et apparentés au Conseil de Paris.
Aux dernières nouvelles, Obiang fils alignait quatre défenseurs – Patrick Klugman, Emmanuel Marsigny, Thierry Marembert et Jean-Marie Viala. Exit, donc, l’éphémère Thierry Herzog, ami et conseil de Nicolas Sarkozy.
Paradoxe? Les champions du Code pénal se plaignent volontiers de la rudesse de leurs conditions de travail. « On doit se montrer très disponible, aller sur place car les dirigeants africains veulent voir les patrons des cabinets, pas leurs collaborateurs, souligne Me Olivier Pardo, avocat de l’État équato-guinéen. Ces dossiers supposent un labeur intense : il faut convaincre le président, puis son ministre de la Justice, puis l’administration… » (…)
Au sud du Sahara, on sait flatter l’ego des robes noires. Me Francis Szpiner, « vieil Africain » autoproclamé, revendique avec fierté une jolie collection de breloques : le Congo l’a fait commandeur du Mérite ; le Sénégal, officier de l’ordre du Lion ; Djibouti lui a remis les insignes d’officier de l’ordre du 27-Juin; le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire lui ont conféré la même dignité dans leurs honneurs nationaux respectifs.
Pourtant, la plupart des « Chers Maîtres » de la Françafrique jurent, la main sur le cœur, ne pas être mus par l’appât du gain. Les mallettes de billets appartiennent au passé, assurent-ils, « sauf en Guinée équatoriale et au Congo ». (…)
Une « prime de bienvenue » gratifie parfois l’impétrant. Ainsi, la Guinée équatoriale a proposé 20 000 euros et la mise à disposition d’un avion à Me Jean-Yves Goëau-Brissonnière, grand maître honoraire de la Grande Loge de France, pour peu qu’il consentît à se mettre au service de Malabo. Offre déclinée par l’octogénaire, qui, il est vrai, conseille déjà la Côte d’Ivoire, les deux Congo et la Guinée… (…)
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