Joué-lès-Tours : la version de la police contredite par plusieurs témoins Par Yannick Sanchez
Mediapart
Terrorisme ou bavure policière ? Deux versions se contredisent à la suite de la mort de Bertrand Nzohabonayo, le 20 décembre. Le parquet antiterroriste de Paris est saisi, la famille de Bertrand Nzohabonayo envisage toutes les voies juridiques possibles.
Bertrand Nzohabonayo – alias Bilal – était-il le terroriste qui nous a été décrit ? Une semaine après les faits qui ont abouti au décès du jeune homme, après avoir blessé trois policiers à coups de couteau au commissariat de Joué-lès-Tours le 20 décembre 2014, deux versions se contredisent. Bertrand Nzohabonayo s'est-il lui-même rendu au commissariat ou a-t-il été escorté par les policiers ? Avait-il en tête de commettre un attentat, ou la situation a-t-elle dégénéré après qu'il eut été sommé de s'expliquer sur une altercation qui aurait eu lieu la veille entre des jeunes de Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire) et un policier ayant déjà été condamné pour des faits de violence policière ? Le parquet antiterroriste de Paris privilégie la piste terroriste, la famille de Bertrand Nzohabonayo envisage toutes les voies juridiques possibles.
Samedi 20 décembre, selon la version relayée dans un communiqué du ministère de l'intérieur, il est environ 14 heures lorsqu'un individu armé d'un couteau débarque seul dans le commissariat de Joué-lès-Tours. Il blesse trois policiers dont l'agent de l'accueil au visage. Les agents ripostent avec leur arme de service, ils l'abattent. Une dépêche de l'AFP, envoyée à 16 h 14, reprend ce récit : « Le ministre de l’Intérieur condamne l’agression brutale d’un policier à l’arme blanche au commissariat de Joué-lès-Tours, peut-on lire. Bernard Cazeneuve salue le sang-froid et le professionnalisme des policiers présents, qui ont fait usage de leur arme administrative. »
La version de la police selon laquelle Bertrand Nzohabonayo serait venu de sa propre initiative au commissariat pour attaquer le personnel à coups de couteau aux cris de « Allah Akbar » est contestée par plusieurs témoins. D'après un article du Point (accessible sur abonnement), le cabinet de Bernard Cazeneuve maintient que « le jeune Bilal s'est rendu à l'antenne de police de sa propre initiative afin de s'en prendre aux forces de l'ordre ». Plusieurs témoins, dont une personne interrogée face caméra par une équipe de l'AFP, disent pourtant l'inverse. « J'ai vu les quatre policiers prendre le monsieur pour le rentrer à l'intérieur, ils lui ont dit calmez-vous et le monsieur il a commencé à crier "Ah" et à se débattre », raconte un des témoins (voir la vidéo ci-dessous à partir de 1'03)....