Nos banques laissent l'Afrique sur sa faim Le Canard Enchaîné, 25 février 2015
"Mettre fin aux produits financiers qui enrichissent les spéculateurs et menacent l'économie". Voilà l'engagement numéro 7 de Hollande, pas encore "moi président", en 2012. Presque trois ans après, c'est un triomphe. D'après l'organisation internationale Oxfam, la spéculation sur les matières premières agricoles (blé, riz, huile, maïs, etc,.), qui tire le prix vers le haut et provoque - comme en 2008 et en 2010, notamment - des famines en Afrique, est une activité florissante en France. Trois banques françaises, BNP Paribas, Société générale et Natixis, y excellent, malgré les assurances données, deux ans plus tôt, au même Oxfam.
A l'époque l'ONG avait aligné les établissements français au terme d'une enquête menée pour sa campagne "Banques, la faim leur profite bien". Oxfam avait recensé 18 fonds de placement jouant sur la hausse des denrées agricoles et "pesant" 2,6 milliards d'euros. Ces fonds appartenaient au trio cité plus haut ainsi qu'au Crédit agricole.
Bilan, aujourd'hui ? Le Crédit agricole semble être rentré dans les clous (il a fermé les fonds mis en cause), mais les trois autres banques n'ont pas molli : elles proposent au total 19 produits de placement, qui ont récolté 3,6 milliards ! Les accusés se justifient, ici en invoquant une faible part des valeurs agricoles dans un portefeuille, là, comme l'a osé Natixis, en déclarant, à propos de l'un des fonds commercialisés aux USA : "Nous n'avons pas le droit d'intervenir sur la gestion" (sic).
Et que dit le gouvernement ? Lors du vote de la loi sur la régulation bancaire, en 2013, il a approuvé plusieurs amendements permettant un contrôle (par l'AMF, l'Autorité des marchés financiers), une limitation et une plus grande transparence quant aux "activités spéculatives sur les marchés dérivés des matières premières agricoles".
Des mesures qui n'ont toujours pas été mises en oeuvre, déplore Oxfam. Mais l'AMF vient d'annoncer une "consultation" qui lui permettrait de passer aux actes... On a failli rester sur sa faim !