Lorsque Nicolas Sarkozy mélangeait sunnites et chiites Par Philippe Duval Mondafrique
L'émission date du 26 février 2007 et est toujours visible sur Daily Motion. Jean-Jacques Bourdin reçoit Nicolas Sarkozy qui sera élu, dix semaines plus tard, président de la République. Et il confond sunnisme et chiisme.
L'émission date du 26 février 2007 et est toujours visible sur Daily Motion. Jean-Jacques Bourdin reçoit ce matin là dans son émission diffusée simultanément sur BFM TV et RMC, Nicolas Sarkozy qui sera élu, dix semaines plus tard, président de la République face à Ségolène Royal. Sarkozy est alors en campagne mais il a conservé son poste de ministre de l'Intérieur, qu'il occupe depuis 2002 (avec une interruption d'un an au profit de Villepin). Voilà donc quatre ans qu'il est chargé de la sécurité du territoire, de la lutte contre le terrorisme et des cultes. Le journaliste, particulièrement pugnace ce jour-là, l'interroge sur Al-Qaïda et lui demande si ces combattants sont sunnites ou chiites. Extraits de l'échange:
JJB : "Les combattants d'Al-Qaida sont des chiites ou des sunnites ?"
NS : "Le GSPC, en Algérie..."
JJB : "Nicolas Sarkozy !"
NS : "Je vais expliquer..."
JJB : "Non, mais je vous demande ! Je vous demande ! Vous êtes ministre de l'intérieur. Il a des menaces terroristes en permanence. Est-ce que les combattants d'Al-Qaida sont des chiites ou des sunnites ? Je vous pose la question."
NS : "Alors je vous réponds. Il est impossible d'y répondre. Pour une raison que je vais démontrer tout de suite. Parce que Al-Qaida c'est une nébuleuse. Je prends un exemple, celui des Algériens, du GSPC, qui se sont reconnus il y a 4 ans comme dépendants d'Al-Qaida. 4 ans. Qui ont été reconnus il y a 6 mois par Al-Qaida. On ne peut pas dire les combattants d'Al-Qaida sont tous chiites, sont tous sunnites. On ne peut pas présenter les choses comme ça."
JJB : "Tous les combattants d'Al-Qaida sont sunnites, Nicolas Sarkozy."
NS : "Non, non, on ne peut pas dire cela."
JJB : "Nous demanderons aux spécialistes."
NS : "Non, non, attendez, Jean-Jacques Bourdin, c'est très important pour que les téléspectateurs comprennent bien..."
JJB : "Allez-y, allez-y, mais c'est très important ! C'est pour ça que je vous pose la question."
NS : "Pour que les téléspectateurs comprennent. Que veulent les terroristes ? Créer les conditions de l'amalgame. Pour dire c'est un combat d'abord entre l'occident et l'orient. C'est ce qu'ils veulent. Al-Qaida est une nébuleuse. Il y a par exemple un certain nombre de jeunes Français qui vont se faire mourir en Irak, pour le sacrifice, faire les kamikazes là-bas. Est-ce qu'on peut les réduire, alors qu'ils sont Français et qu'ils vont faire les kamikazes là-bas, est-ce qu'on peut les réduire à l'appartenance à une ethnie ? C'est une erreur."
JJB : "Enfin, tous les chefs d'Al-Qaida sont sunnites. Bien. Nicolas Sarkozy. Mais si, mais si..."
NS : "Mais très bien, mais exactement."
JJB : "Mais voilà..."
NS : "Mais Jean-Jacques Bourdin, on ne peut pas réduire cela à un seul problème sunnite."
On retiendra de cette interview que le futur président de la République considérait alors que le chiisme et le sunnisme était des "ethnies". Il semblait ignorer qu'Al Qaïda était un mouvement né au coeur du royaume fondamentaliste sunnite d’Arabie Saoudite. Pour les Wahabites, le chiisme est, faut-il le rappeler, une secte idolâtre qui doit être combattue à tout prix. Les jihadistes qui avaient rejoint Ben Laden étaient d’inspiration salafiste et partagaient ce même mépris pour le chiisme. Comme ceux de Daesh aujourd'hui.