Certains verront dans le parcours de Robert Ménard un grand écart entre son poste d'ancien responsable de Reporter Sans Frontières et son ralliement au Front national comme maire de Béziers. D'autres y verront une certaine continuité dont le point d'orgue de sa carrière pourrait être son action d'avoir débaptisé "la rue du 19 mars 1962" (marquant les accords d'Evian et la fin "des évènements" de la guerre d'Algérie) pour lui donner le nom d'un des putschistes de 1961, le commandant Hélie de Saint-Marc appartenant à la faction dure des colonialistes favorables à l'Algérie française.
Il y a un trou noir dans la mémoire d'un certain nombre de haut représentant du magistère intellectuel et politique. Les horreurs commises au nom de la colonisation ont été passées à la trappe et ne valent que roupie de Sansonnet quand elles ne sont tout simplement pas glorifiées.
Robert Ménard lorsqu'il était responsable de RSF a souvent passé à la trappe les atteintes à la liberté de la presse et d'expression dans les dictatures françafricaines sur lesquelles les médias français ont perdu tout esprit critique dans leur immense majorité. En rebaptisant "la rue du 19 mars 1962" du nom d'un putchiste colonialiste, il montre enfin son vrai visage qui explique pourquoi les néocolonies françaises avaient tant sa mansuétude quand il était président de RSF.
Qu'il se rassure, une grande partie du magistère politique et intellectuel français au-delà du clivage droite-gauche devrait approuver son geste. Le père du "Liquidateur" de la République n'était-il pas lui même proche de l'OAS et d'extrême droite ? L'ancien ministre de la IVème République et ancien président de la Vème, François Mitterrand, n'était-il pas pour une Algérie française ainsi que son neveu Frédéric, ancien ministre de la Culture française sous Sarkozy I ? Les députés français de droite comme de gauche n'ont ils pas voté en 2005 pour une loi visant à glorifier la colonisation et dont l'alinéa problématique a été retiré par le fait du Prince par le "chef de guerre" de la Vème ?
Ce geste symbolique de Robert Ménard l'est à double titre, d'une part parce qu'il montre sa conception sélective des droits de l'homme comme lorsqu'il était à RSF et d'autres part parce qu'il montre l'ambiguïté racialiste d'une France souverainiste, colonialiste et impérialiste qui n'hésite pas à empêcher la Belgique de frapper des pièces de monnaie à l'effigie du lion de Waterloo.
Robert Ménard met en avant le passé de résistant et de déporté d'Hélie Denoix de Saint-Marc, pendant la Seconde guerre mondiale. "Mais cet officier, qui a également servi en Indochine, est surtout connu pour avoir participé au putsch des généraux, coup d'Etat manqué contre le général de Gaulle, le 21 avril 1961. Condamné pour cet acte à dix ans de prison, il a été gracié en 1966 et réhabilité en 1978." (Le Monde)
Acte paradigmatique, s'il en est, d'une conception sélective des droits de l'homme et du racialisme ambiant sur lequel surfe une frange racialiste des élites de la République. Comme l'écrivait Maurice Delaunay, ancien maire de Cannes, dans ses Mémoires : "J'avais été prisonnier en Allemagne, je savais comment ça se passait ! J'avais fait un camp (à Bangou au Cameroun) avec des barbelés, des miradors". (Gestapo, napalm et massacres français au Cameroun (1956-1971) dans la plus grande indifférence).
L'amnésie mène à la reconduction, il faut donc qu'elle soit soigneusement entretenue pour mieux continuer les politiques prédatrices (néo)colonialistes au Cameroun dans les années soixante, au Rwanda en 1994, en Libye en 2011, en Côte d'Ivoire en 2011, en Centrafrique en 2014, en Syrie en 2012-2015... Un long passé impérialiste et néocolonialiste honteux que nos médias nationaux et leurs nervis s'empressent d'effacer au plus vite, histoire de mieux recommencer pour continuer les affaires sanglantes qui rapportent gros à la République. La grande lessiveuse de la République.. allez hop à la machine !