France terre d'asile pour les flingueurs ? Le Canard Enchaîné, 24.06.15
Presque trente ans d'instruction, et, malgré des suspects connus de tous, le dossier de l'assassinat d'Ali Mecili, avocat franco-algérien, vient de faire l'objet d'un non lieu. Cette décision judiciaire a fait bondir la famille de l'ancien leader algérien du Front des forces socialistes et opposant du régime.
Le 7 avril 1987, il tombait sous les balles d'un tireur, dans le hall de son immeuble parisien. Quelques mois plus tard, Charles Pasqua, ministre de l'Intérieur, faisait expulser "en urgence absolue" un certain Amalou, principal suspect et proche de la Sécurité militaire. Envolé, le suspect.
Et voilà que l'instruction est close, avec l'accord du parquet général de Paris et au motif étrange que l'Algérie ne répond pas aux demandes de la justice française. L'appel contre cet enterrement de première classe s'est joué le 18 juin, devant la chambre de l'instruction de Paris, en même temps que la visite de François Hollande à Alger...
Une histoire qui s'inscrit dans la peu glorieuse tradition d'enlisement, voire d'enterrement, d'affaires de crimes d'opposants étrangers en France. L'assassinat, jamais élucidé, du Marocain Mehdi Ben Barka, enlevé à Paris (par la police française, ndlr) en octobre 1965, a lancé la série. Dans les années 70, plusieurs activistes palestiniens sont liquidés, à l'image d'Ezzedine Kalak, représentant de l'OLP à Paris. Dans les années 80, plus de 30 Basques membres d'ETA ou simples sympathisants sont victimes des Groupes antiterroristes de libération, proches du pouvoir de Madrid.
Suivent, en 1988, la leader de l'ANC sud-africaine Dulcie September, assassinée à Paris ; en 1991, l'ex-Premier ministre iranien Chapour Bakhtiar ; en 2000, deux opposants zaïrois, tués dans leur voiture à Grenoble ; en novembre 2012, un leader des Tigres tamouls ; et, en janvier 2013, trois militantes kurdes, Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Soylemez. Le principal suspect du triple meurtre s'est révélé très proche des services secrets turcs. Mais, dans ce cas, l'enquête patine, piétine et recule devant les rigueurs de la raison d'Etat.
Un encouragement politico-judiciaire à continuer de régler ses comptes en France ?