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Lionel Zinsou : le nouveau visage de la Françafrique ? (La Nouvelle Tribune)

par La Nouvelle Tribune 23 Juin 2015, 21:49 Françafrique France Benin Lionel Zinsou François Hollande

Le 2 Juillet prochain, le Bénin accueille François Hollande, président de la République française, dans le cadre d’une tournée africaine annoncée à l’ occasion de la visite officielle à Paris du chef de l’Etat béninois, Boni Yayi, le 9 Juin 2015. A côté du président béninois, une personnalité sera en très bonne place parmi les membres du gouvernement mis en place le jeudi 18 Juin.

Il s’agit de Lionel Zinsou, nommé premier ministre, chargé du Développement économique et de l’Evaluation des politiques publiques. Lionel Zinsou ! Si son patronyme en fait un béninois de souche, voire de très bonne souche, rien dans le parcours de l’intéressé ne le prédestinait, de prime abord, à être aujourd’hui à ce très haut niveau de l’Etat béninois. Et pour cause ! Lionel Zinsou est né le 23 Octobre 1954 à Paris de père dahoméen- pour tenir compte de l’histoire-et de mère française. Et c’est dans cette ville qu’il grandit et fait tout son cursus scolaire avant d’aller dans d’autres cités européennes et nord-américaines faire les études universitaires qui font de lui depuis quelques années une des sommités des finances au plan mondial. Bien que son géniteur soit un médecin à la renommée bien établie dans son pays d’origine et dans d’autres Etats africains – en particulier le Sénégal où il fut le cardiologue du président Léopold Sédar Senghor- le nom de Lionel Zinsou ne commence vraiment à être familier à la grande masse des Béninois qu’à l’avènement du président Boni Yayi en 2006.Il fait , en effet partie , des conseillers spéciaux que le nouveau président de la république du Bénin nomme pour être à ses côtés au lendemain de son investiture. Il restera à ce poste jusqu’en 2011, et son départ n’attirera pas l’attention de manière particulière. Mais, il fait une réapparition remarquée aux côtés du président Boni Yayi à l’occasion de la table ronde organisée, il y a un an à Paris, par le gouvernement du Bénin en vue de mobiliser les bailleurs de fonds pour le financement des projets de développement du pays . Certaines sources le présentent même comme l’une des têtes pensantes et principal organisateur de cette assise économique et financière, dont les retombées font partie des préoccupations du chef de l’Etat béninois qui boucle son deuxième et dernier quinquennat en Avril 2016.

« Et voici le dauphin de Yayi : Lionel Zinsou ! » Ainsi titrait le quotidien La Nouvelle Tribune dans sa parution du vendredi 12 Juin 2015, en revenant sur la visite officielle effectuée le mardi 9 Juin dans la capitale française par le président de la République du Bénin. Le titre n’a suscité, en son temps, aucun commentaire particulier ; ni de la part de la classe politique, ni du monde des médias dont on connait pourtant la propension à monter en épingles certains événements ou déclarations. Il est vrai, rien, dans les faits, déclarations et rencontres du président Boni Yayi lors de son séjour parisien, ne permet de justifier le titre de La Nouvelle Tribune ; même quand dans le développement de l’article est évoquée l’hypothèse de l’entrée de Lionel Zinsou, en qualité de premier ministre ou de ministre d’ Etat dans le gouvernement attendu depuis les élections législatives du 26 Avril 2015 .

Mais depuis le 18 Juin, Lionel Zinsou est bien premier ministre dans le gouvernement que le président Boni Yayi a fini par former, après une période d’attente que les Béninois commençaient à trouver longue.

Arrivé- ou doit-on dire plutôt dire rentré ?- à Cotonou dans la nuit du vendredi 19 Juin, le nouveau premier ministre a participé samedi à la première réunion du conseil des ministres présidé par le chef de l’Etat, chef du gouvernement. Depuis la conférence nationale de Février 1990, le Bénin a connu bien de développements à l’aune desquels observateurs et analystes politiques se plaisent à évaluer la vitalité de l’expérience démocratique en cour. L’arrivée de Lionel Zinsou dans le gouvernement du Bénin intervient dans un contexte politique particulièrement sensible, caractérisé par la fin très prochaine du mandat présidentiel d ‘une part, et d’autre part les rumeurs sur la volonté de Boni Yayi d’imposer, d’une manière ou d’une autre, un successeur de son choix et acquis à sa cause.

De fait , l’irruption du franco-béninois Lionel Zinsou dans la classe politique béninoise est un événement qui vient brouiller, dans une certaine , tous les débats et hypothèses qui ont actuellement cour , et pas seulement au Bénin si l’on en juge par certains titres de journaux français consacrés à l , ‘annonce de sa nomination par le président Boni Yayi . Ainsi pour le quotidien parisien Le Figaro Lionel Zinsou est « un banquier français nommé premier ministre du Bénin », tandis que de son coté La Croix paraissant aussi dans la capitale française écrit : « banquier d’affaires franco-béninois , Lionel Zinsou entre en politique » , et le journal de poursuivre : «figure de l’afro-optimisme , il vise la présidentielle béninoise de 2016 ! »

Dans ses premières déclarations à Cotonou , le nouveau premier ministre se défend de toute ambition au sujet de la succession prochaine de Boni Yayi , mais il n’empêche que les supputations iront désormais bon train pendant la dizaine de mois de sa présence dans une équipe gouvernementale dont la durée de vie est comptée dès sa naissance. Et le contexte de sa nomination ne permet pas de faire fi de toutes les rumeurs et conjectures qui secouent le landernau politique au sujet du candidat idéal pour prendre la relève en Avril 2016. En effet, pour bon nombre de Béninois le choix est encore difficile à faire parmi les candidats déjà déclarés et des potentiels, au regard des deux quinquennats de Boni Yayi qui sont loin d’avoir comblés les attentes suscitées successivement par ses visions de changement en 2006 et de refondation en 2011.

Dans les débats actuels sur le profil et les qualités du prochain président du Bénin, l’ arrivée aux affaires d’une personnalité de la carrure de Lionel Zinsou ne peut pas être considérée comme un fait anodin, sans aucune conséquence aussi bien pour l’intéressé lui-même que pour les deux pays dont il a officiellement la citoyenneté. En effet, pourquoi le dirigeant du plus important fonds d’investissement français ( PAI Partners ), une sommité mondiale de la finance et des affaires accepte de venir participer à un régime en fin de course et dans des circonstances qui sont loin d’être idéales ? Comment, aussi bien le monde des affaires et de la finance que les cercles politiques de la France perçoivent –ils cette opération du chef de l’Etat béninois qui, incontestablement, a été ficelée au cours de sa dernière visite au président François Hollande ? Quelles implications la présence de ce binational à ce niveau de l’Etat béninois aura- elle sur les relations entre les deux pays ? Autant d’interrogations qui sont loin d’être pas sans intérêt dans cette atmosphère de précampagne singulière que connait le Bénin depuis le début de son expérience démocratique. Ces questions, et bien d’autres méritent d’être posées quand on sait que dans Le Figaro du 31 Juillet 2012 est paru sous sa signature du désormais premier ministre béninois un article dont le contenu indique que le financier et homme d’affaires français n’est pas déconnecté des questions politiques qui agitent les relations entre la France et l’Afrique : « La Françafrique, le temps des entrepreneurs. » Un article qui peut être considéré dans les circonstances actuelles comme une proclamation de foi de son auteur, qui aujourd ‘hui devient un interlocuteur des acteurs politiques béninois.

En acceptant de faire partie du dernier gouvernement de Boni Yayi, Lionel Zinsou a – il choisi de sauter le pas pour venir mettre en pratique dans le pays de ses racines paternelles des idées qui lui sont chères au sujet de cette conception polémique des relations France- Afrique ? Les semaines et mois à venir ne manqueront pas d’être riches en enseignements, à travers les actes et décisions de la nouvelle équipe gouvernementale dans laquelle le premier ministre sera le point de mire…jusqu’à l’élection présidentielle du 28 février 2016.

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