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Canal+, Crédit mutuel et fraude fiscale. Bolloré censure une enquête sur sa banque préférée Par Fabrice Arfi Mediapart
Vincent Bolloré n’aime peut-être pas Les Guignols de l’info, mais cela ne l’empêche pas de considérer les journalistes comme des marionnettes. Le milliardaire, tout-puissant patron du groupe Vivendi, la maison mère de Canal+, a personnellement censuré au printemps dernier un documentaire sur le Crédit mutuel et la fraude fiscale, qui devait être diffusé dans l’émission d’enquête de la chaîne, Spécial Investigation.
Alors que le film (qui contient plusieurs révélations embarrassantes pour la banque mutualiste) avait été validé par la direction des programmes et le service juridique de la chaîne, c’est par un simple coup de fil à Canal+ que Vincent Bolloré a signé l’acte de décès du documentaire, selon plusieurs sources internes. La raison est simple : le Crédit mutuel est l’un des principaux partenaires financiers des activités du groupe Bolloré ; Michel Lucas, son patron, est par ailleurs un intime de l’actionnaire majoritaire de la chaîne cryptée.
Mediapart, qui se trouvait être partenaire de cette enquête, signée par Geoffrey Livolsi et Nicolas Vescovacci (avec Raphaël Tresanini), connaît bien les dessous de cette triste histoire, très brièvement évoquée dans le magazine Society cette semaine. Bien avant la marginalisation des Guignols et l’éviction de ses auteurs, cette censure à l’ancienne apparaît désormais comme la première preuve de la reprise en main féroce de la chaîne par Bolloré. Elle est aussi le signal de futurs jours sombres pour l’indépendance de la politique éditoriale que Canal+ aime pourtant à revendiquer sur son antenne. L'affaire, inédite dans l'histoire de Canal+, a laissé des traces profondes au sein de la chaîne.
« En quinze ans, je n’avais encore jamais vécu une censure aussi franche et brutale », confirme aujourd’hui Jean-Pierre Canet, rédacteur en chef et producteur du documentaire. « Aucune concertation ni aucune négociation n’a été possible avec la direction ou l’actionnaire principal de Canal+ », poursuit-il.
Soupçonnée, à l’instar de ses consœurs étrangères UBS ou HSBC, d’avoir organisé un vaste système occulte d’évasion fiscale via ses filiales suisse et monégasque, le Crédit mutuel est depuis plusieurs mois dans le viseur de la justice financière. Une enquête judiciaire a été ouverte contre le groupe bancaire français, par ailleurs propriétaire de nombreux quotidiens régionaux (Le Progrès, Le Dauphiné libéré, L’Est républicain…), en décembre 2014. Une affaire largement chroniquée par Mediapart (voir ici, ici ou là) ...
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