Samedi 25 juillet, le site du quotidien L'Union a publié un article -non signé- faisant état de l'agression d'une jeune femme en maillot de bain dans un parc public de Reims. L'auteur anonyme du papier a rapporté la formulation, lors des faits, d'un "discours aux relents de police religieuse" {http://panamza.com/aus}.
Quelques heures seulement après la mise en ligne de l'article, Gilles Clavreul, "délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme" et détracteur sifaoui-fourestien du terme "islamophobie", a publié un tweet pour fustiger le «silence remarquable des habituels défenseurs de la "liberté vestimentaire"» {http://panamza.com/auw; http://panamza.com/auv}.
Son allusion cryptée vise directement les citoyens et associations -régulièrement dénoncés par son supérieur Manuel Valls- qui défendent la "liberté" de porter -ou non- le voile, sous-entendant ainsi que l'agression commise à Reims avait un motif religieux d'origine islamique.
Hier soir, l'une des jeunes mises en cause a tenu à rectifier, via son compte Facebook, le récit rapporté par l'Union, allant jusqu'à accuser son journaliste anonyme de "raconter de la merde" {http://panamza.com/aut; http://panamza.com/aux}.
Aujourd'hui, la commissaire de police a précisé, après avoir auditionné la victime et les mises en cause, qu'il n'y avait aucun motif religieux ou moral dans cette altercation {http://panamza.com/auu}.
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Si l’on juge un pays à l’aune de ses faits divers, il faudra retenir l’embrasement auquel a donné lieu samedi 25 et dimanche 26 juillet, l’histoire de cette jeune femme agressée par cinq autres alors qu’elle bronzait en bikini, mercredi, dans un parc public de Reims. Tout commence par un article publié samedi dans L’Union : « Une Rémoise de 21 ans profitait du soleil avec deux amies et bronzait en maillot de bain au parc Léo-Lagrange. C’est alors qu’un groupe de cinq jeunes filles passe à proximité. L’une d’entre elles est venue lui reprocher une tenue qu’elle jugeait sans doute indécente. Outrée, la jeune femme ainsi visée ne s’est pas laissée faire et une dispute s’en est suivie. Le groupe s’est alors jeté sur la malheureuse qui a été passée à tabac. » L’article précise que la jeune femme s’est vue délivrer une incapacité de travail de quatre jours, que le groupe comptait trois majeures de 18 à 24 ans et deux mineures de 16 et 17 ans « provenant de différents quartiers de Reims. »
Rien d’explicite n’est dit, mais suffisamment est suggéré. En quelques heures, l’affaire est relayée sur les médias nationaux et les réseaux sociaux Facebook et Twitter s’emballent, la très grande majorité des commentateurs évoquant aussitôt des motifs religieux à cette agression.
Le maire de Reims et député (Les Républicains) de Haute-Marne, Arnaud Robinet, condamne dans la soirée une agression « intolérable sur notre territoire » et Gilles Clavreul, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme poste au même moment sur son compte Twitter deux messages sans nuances : « Agression scandaleuse qui appelle des sanctions exemplaires #Reims », « Pour une fois silence remarquable des habituels défenseurs de la “liberté vestimentaire” », qui accréditent la rumeur d’une agression sur fond de conflit religieux.
Mais c’est surtout l’appel de SOS-Racisme à organiser le lendemain dimanche un rassemblement de protestation contre cette agression en manifestant en maillot de bain au parc Léo-Lagrange qui donne une accélération brutale à la viralité de l’histoire sur les réseaux sociaux, via le hashtag (mot-clé) : #JePorteMonMaillotAuParcLeo.
« Allez vous rhabiller, c’est pas l’été ! »
Tandis que les internautes sont incités à publier des photos d’eux en maillot de bain en guise de soutien, les réactions politiques continuent de pleuvoir : le député (Les Républicains) des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti informe à la fois ses abonnés Twitter qu’il a « participé samedi matin au pèlerinage de Notre-Dame du Très Haut au Col de la Bonette » et dénonce une « agression inacceptable par laquelle on veut nous imposer un mode de vie qui n’est pas le nôtre. »
Nadine Morano (LR, députée européenne) invoque pour sa part les mânes de Bardot pour défendre le bikini et le vice-président du Front national, Florian Philippot, lui aussi par l’intermédiaire de son compte Twitter, affirme que la jeune femme a été « lynchée car vivant à la française ! ». Il fait aussitôt un parallèle avec l’autre polémique du moment, la « privatisation » d’une plage de Vallauris par un Saoudien : « Les agresseuses de la femme en maillot de bain n’ont qu’à se baigner sur la plage saoudienne de Vallauris. Là-bas l’Etat les chouchoutera… », écrit-il. Ce parallèle, les internautes sont d’ailleurs nombreux à le faire, en mots ou en dessins.
Dimanche matin, sous le hashtag #JePorteMonMaillotAuParcLeo, l’humour – des photos des premiers maillots de bain pour femme au début du XXe, à la fameuse image de Dominique de Villepin sortant de l’eau sur une plage de La Baule en 2005 – est vite noyé sous la xénophobie, le machisme, la violence et la vulgarité. Le maire de Reims lance alors un premier appel au calme. « Il est intolérable de stigmatiser une communauté ou une autre pour un acte commis par quelques-uns et sans connaître le fond de cette affaire. Laissons la police et la justice faire leur travail », déclare Arnaud Robinet, qui intervient de nouveau après s’être entretenu avec la directrice départementale de la sécurité, pour indiquer que « cette agression, confirmée, n’a pas d’aspect religieux. »
Mais l’attention se focalise alors sur la « manifestation » attendue au parc Léo-Lagrange en milieu de journée. À l’heure dite, sous le ciel gris mouillé de Reims, on découvre les images plutôt comiques d’une poignée de personnes en maillot de bain – moins d’une dizaine –grelottant devant les caméras de télévision et les reporters venus plus nombreux que les manifestants.
Ce n’est qu’en début d’après-midi que le parquet donne les informations qui contribuent à calmer le jeu. Il indique que l’une des agresseuses a apostrophé la jeune femme qui bronzait en maillot de bain en lui lançant : « Allez vous rhabiller, c’est pas l’été ! » et que « ni la victime ni les auteures des coups n’ont fait état, lors des auditions, d’un mobile religieux ou d’un mobile moral qui aurait déclenché l’altercation ». Le parquet précise que, pour l’une des deux mineures, il a fait appel de son placement sous le statut de témoin assisté afin d’obtenir sa mise en examen, eu égard à son casier judiciaire qui porte déjà une autre condamnation et que les majeures seront jugées devant le tribunal correctionnel le 24 septembre sous le seul motif de « violences en réunion. »