Gestion des drames de la colonisation : la leçon de l'Allemagne et de l'Angleterre à la France Par Benjamin Zebaze Ouest Littoral Lu sur Camer.be
Suivant l’exemple anglais au Kenya, l’Allemagne vient reconnaitre un génocide en Namibie pendant la colonisation. La France ne va pas fuir éternellement ses responsabilités et n’échappera pas à son destin au Cameroun, les jeunes générations se chargeant de les lui rappeler avec de plus en plus de virilité.
La semaine dernière, on a appris, à travers des médias internationaux, que l’Allemagne venait de reconnaitre ce qu’elle a même qualifié de « crime de guerre et génocide » en Namibie. Quel Africain ou humaniste peut s’en plaindre même si l’on peut regretter que cela arrive aussi tard, et surtout après une énorme pression ?
Une expérimentation impitoyable des techniques utilisées plus tard pendant la seconde guerre mondiale.
On sait peut que l’Allemagne n’a jamais été une puissance coloniale comme la France ou l’Angleterre. Il arrive sur le « marché » avec près de trois siècles de retard par rapport à ses devancières et se montre d’un « appétit d’ogre », prête à « bouffer de la chair africaine ». Laissé libre d’agir dans ce qu’on appelle alors le « Sud-ouest africain » (Actuelle Namibie), les allemands font parler leur puissance légendaire en colonisant entre 1884 et 1915 de manière particulièrement féroce, ce territoire.
Mais ce qu’elle avait oublié, c’est que ce pays était peuplé d’hommes et des femmes qui n’allaient pas rendre les armes sans se battre. Face à la révolte des peuples Hereros et Namas, le général Lothar Von Trotha, le Lamberton allemand, va lancer la « solution finale » : il s’agit de tuer tous les représentants de ces deux peuples dont le crime est de défendre leur terre.
Des camps de concentration, qui feront plus tard « fureur » pendant la seconde guerre mondiale, vont être mis en place. Les Hereros et le Namas sont poursuivis et encerclés dans le désert où on les laissera froidement mourir de faim, de soif et de maladies : les survivants seront contraints aux travaux forcés. On parle alors de plus de 100 000 victimes dont 80% de la population totale des Hereros et 50 % des Namas.
Même si personne ne peut certifier avec exactitude ces chiffres, même s’il s’agissait seulement de 10%, cela serait déjà inacceptable. Comble du cynisme, les crânes des victimes seront confisqués par le colonisateur qui les enverra à la métropole pour des expériences pseudo scientifiques.
Le mérite du gouvernement allemand.
Las du laxisme de leur gouvernement en la matière, les descendants des deux peuples ont décidés de prendre leur destin en main, en exigeant la reconnaissance par l’Allemagne de ces crimes, et surtout l’indemnisation des ayants-droits des victimes Face à la réplique classique selon laquelle ce type de questions se gèrent de gouvernement et gouvernement, les namibiens Ils ont eu accès au « Blue Book », un document à charge réalisé à l’initiative du parlement anglais où cet épisode cynique est décrit dans le détail.
Le lobbying auprès des hommes politiques allemand et les menaces judiciaires ont permis en 2011 le retour des crânes confisqués. A la faveur des débats au parlement Allemand sur le génocide arménien, cette question namibienne et revenue sur la table. Depuis le 10 juillet, la position allemande est claire : les Hereros et le Namas ont bien été victimes de « crimes de guerre et de génocide » commis par l’Allemagne. Les négociations sur la question d’indemnisation est désormais en cours de négociation ; de notre point de vue, c’est presque subsidiaire.
L’Allemagne sur la voie tracée par l’Angleterre au Kenya
L’Angleterre au Kenya, avait montré, dès 2013, la voie à suivre pour ne pas laisser s’envenimer les choses. Ce pays, lui aussi, lors de la colonisation kényane, s’était livré à de terribles atrocités. Après une bataille judiciaire de plus de quatre années, la déclassification des archives (plus de 1500 dossiers) de l’époque montrent comment avec une barbarie inimaginable aujourd’hui, la « mission civilisatrice » des colons s’est transformée en un génocide qui restera à jamais gravé dans les mémoires des africains.
On y apprend qu’en 1955, 8 membres des forces de l’ordre anglaises attaquent et massacrent des membres de la tribu Mau Mau, qui résistent contre l’envahisseur. Les anglais eux-mêmes dans leur différent rapport de personnes passées à tabac, « rôti vivant »… Quand on sait que des documents classés ont mystérieusement disparus, on a la nausée ; d’autant plus qu’on parle de plus de 10 000 morts chez les locaux, 32 pour les « blancs ».
Par une dépêche de l’Agence française de presse du 07 juin 2013, le monde a appris que non seulement l’Angleterre reconnaissait sa responsabilité dans ces massacres, mais acceptait de payer un peu plus de 15 milliards aux victimes. Le seul hic dans cette histoire, c’est que les cabinets d’avocats anglais récupéreront presque la moitié de cette somme ; ah, ces blancs !
Qu’à cela ne tienne, les 160 survivants en 2013 n’ont pas boudé leur plaisir ; celui de voir leurs souffrances reconnues par leur bourreau. Pendant ce temps, la France espère que le temps jouera en sa faveur : quelle erreur !
La France paiera un jour ou l’autre
Toute la mentalité des autorités française est contenue dans la gestion désastreuse de son passé colonial. Ce passé qui la rattrapera un jour qui s’il est trop lointain, risque de l’être dans la violence.
Contrairement à leurs parents et grands parents, les jeunes africains n’acceptent plus le dédain avec lequel les Occidentaux traitent leurs mémoires. Les réactions qui fusent de toute part, comme on l’a vue au Kenya et en Namibie devraient insister des hommes politiques dont les pays ont un passé colonial à tout faire pour vite solder ce passé honteux.
Une attitude française mal comprise.
C’est pour cela que nous ne comprenons pas cet entêtement (à la Ramsès II dans les « dix commandements ») de la France sur un problème dont l’issue est écrite d’avance. Les anglo-saxons sont des gens pragmatiques ; en éteignant rapidement le feu qui couvait, l’Angleterre hier au Kenya et l’Allemagne aujourd’hui, à leur cœur défendant s’en tire plutôt bien, dans la mesure où l’essentiel des indemnités sera récupéré par leurs ressortissants à travers les rémunérations des avocats par exemple.
Bien qu’il faille apprécier à sa juste valeur les avancées contenues dans les propos du président de la République française lors de son passage éclair au Cameroun, force est de constater que par rapport aux attitudes allemandes et anglaise, il y a encore du chemin à faire. Pendant que ce pays tergiverse, le ressentiment négatif envers lui enfle de plus en plus comme on peut le noter à travers les succès des émissions sur la chaîne de télévision « Afrique Média » où, de manière particulièrement, les africains « vomissent » leur haine contre le colonisateur français.
Cette colère ne faiblira pas. Elle ne faiblira pas d’autant plus que par rapport au Kenya et la Namibie où l’Allemagne et l’Angleterre se montre fort discrète, la France, à travers des sociétés protégées au plus haut niveau politique, pille de manière particulièrement grossière l’essentiel des ressources du pays. Tout cela crée le foyer d’une révolte à l’ivoirienne dont nous sommes étonnés que de dirigeants aussi « savants » ne mesurent pas l’ampleur.
Les Namibiens se sont battus pour que leurs droits soient respectés.
Mais malgré le fait que le « Renouveau » de Paul Biya ait, hélas, fait croire aux Camerounaise qu’on peu tout obtenir sans effort, l’exemple namibien montre comment ce sont les victimes elles mêmes qui ont pris leur destin en main. Ce n’est pas en criant dans les médias que l’on obtiendra quelques choses. Les bamilékés et las Bassas qui se disent les plus grandes victimes de la barbarie française doivent s’organiser, comme les Mau Mau au Kenya, les Hereros et les Namas en Namibie, pour obtenir réparation du lourd préjudice subi.
C’est sur que la peur légendaire des anciens qui mine le peuple Bamiléké n’aide pas ; les jeune doivent prendre leur destin en main pour que les descendants des Mounié, Um Nyobé, Osendé Afana, Ouandié Ernest…puissent se reposer en paix dans leur dernière demeure. Le fruit est mûr : les autorités françaises ont compris la colère du peuple camerounais autour de cette question sensible. Une bonne action en justice sur le plan international poussera ce gouvernement ingrat, sourd aux souffrances de l’autre à mettre la main à la poche après avoir prononcé les mots qui conviennent : « la colonisation française au Cameroun s’est faite sur fond de génocide ».
© Ouest Littoral : Benjamin Zebaze