La coalition arabe accusée de "crimes de guerre" au Yémen AFP/ France 24
Human Rights Watch juge la coalition militaire au Yémen, menée par l’Arabie saoudite, coupable de "crimes de guerre" commis lors d’un raid sur Mokha, dans le sud-ouest du pays, où 65 civils ont été tués, dont 10 enfants, le 24 juillet.
"Crime de guerre". C’est ainsi que l’ONG Human Rights Watch (HRW) a qualifié le raid aérien de la coalition conduite par l'Arabie saoudite à Mokha, dans le sud-ouest du Yémen, dans la soirée du 24 juillet dernier.
"La coalition menée par l’Arabie saoudite a bombardé à plusieurs reprises des maisons, tuant plusieurs dizaines de civils", écrit dans un communiqué Ole Solvang, responsable de HRW pour les cas d'urgence. "Avec l'absence évidente d'objectif militaire, cette attaque s'apparente à un crime de guerre", poursuit-il.
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Une experte de HRW s’est rendu sur le site un jour et demi après le raid et déclare n’avoir constaté la présence d'aucune position militaire en activité à proximité. Pourtant, elle a compté qu’au moins six bombes ont frappé un quartier résidentiel réservé aux employés d'une centrale électrique de Mokha. Plus de 200 familles y étaient hébergées.
Des enfants parmi les victimes
Des sources médicales yéménites avaient fait état de 35 civils tués, tandis que les médias des rebelles chiites houthis avaient affirmé, deux jours après le raid, que le bilan était de quelque 70 morts parmi les civils. HRW indique avoir obtenu du directeur de la centrale électrique, Bagil Jafar Qasim, une liste de 65 civils tués dans l'attaque, dont 10 enfants.
Mère de famille de 37 ans, Wajida Ahmed Najid a pu sauver ses filles de la mort de justesse. L’une d’elles a néanmoins été blessée : "Après la troisième bombe, tout l’immeuble a commencé à s’écrouler sur nous. J’ai alors compris qu’il fallait partir car nous n’étions plus en sécurité. J’ai attrapé mes filles et on a commencé à courir en direction de la plage, mais des morceaux de métal volaient tout autour de nous et l’un a frappé Malak, ma fille de 9 ans", raconte-t-elle à HRW.
Si Malak a rapidement été prise en charge et soignée dans une clinique de Mokha, Hadeel, de trois ans son aînée, était toujours dans le coma le 27 juillet. La pré-adolescente était dans son appartement avec sa famille quand le raid a eu lieu. Son frère de 20 ans, Loai Nabeel, l’a sortie des décombres, inerte : "Il faisait noir. Cela m’a pris 10 minutes de trouver Hadeel au milieu des débris. La bombe a touché le toit de la chambre où elle dormait et elle a été sérieusement blessée à la tête", explique Nabeel. Hadeel est toujours dans le coma.
Tuer en toute impunité
L'organisation de défense des droits de l'Homme, basée à New York, déplore que la coalition n'ait pas mené d'enquête à la suite de ce raid et d'autres attaques ayant fait des victimes parmi les civils au Yémen. "Si les membres de la coalition refusent d'enquêter (sur les raids qui tuent les civils), c’est à l'ONU de le faire", a souligné Ole Solvang, insistant sur le fait que "les individus qui commettent des violations sérieuses des lois de la guerre doivent être poursuivis pour crime de guerre".
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HRW affirme que les rebelles houthis et les forces loyales au gouvernement du président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi, exilé en Arabie saoudite, avaient pour leur part violé des lois sur la protection des civils en temps de guerre.
Les civils constituent plus de la moitié des 3 700 tués dans ce conflit qui dure depuis plus de quatre mois, selon l'ONU. La trêve de cinq jours, instaurée le 27 juillet pour faciliter l’aide humanitaire et porter secours aux civils, durement affectés par le conflit, a volé en éclats dès mardi, Riyad ayant repris ses raids.
Au Yémen, environ 80 % de la population, de 21 millions d’habitants, ont besoin d’aide ou de protection, selon l’ONU.