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Obama au Kenya / Libération invente le Fraternalisme (Le Gri-Gri)

par Le Gri-Gri 27 Juillet 2015, 17:21 Kenya USA Visite Obama Leçon Paternalisme Fraternalisme Impérialisme Américafrique

La journée avait commencé plutôt normalement pour Justin. Comme tous les matins, le réveil de son dortoir a sonné à 6 h 30. A 7 heures, il se dirigeait vers le réfectoire avec ses camarades du pensionnat, quand son professeur est venu le voir : «Va te préparer, on va voir Obama». Le jeune lycéen de 18 ans faisait partie des 5 000 Kényans sélectionnés pour assister au discours du président américain.

Quand le Son of the Beach Sassou ou le Mollah'Son Ali Bongo font rémunérer leur claque, les observateurs ne manquent pas d'ironiser. Pas là.

Trois heures plus tard, il suit ses copains de classe, en ligne serrée, dans leur uniforme vert amande. «C’est fantastique, confie Justin en montant les marches du stade de Nairobi. Heureusement que je ne l’ai pas su avant, sinon je n’aurais pas dormi. S’il y a des questions au public, je lui demanderai une bourse pour aller étudier aux Etats-Unis !» Il n’y a pas eu de questions évidemment. Ni même de bain de foule dans les rues : pour des raisons de sécurité, l’homme le plus protégé du monde a prononcé son discours dans un immense gymnase fermé, le Indoor SafariCom Stadium.

Bill Clinton, lorsqu'il vint à Dakar, fit transporter des milliers et des milliers de litres d'eau et des kilos de denrées... difficile d'imaginer "Obama le Kenyan" agissant autrement.

Barack Obama, le «fils de la nation» comme on l’appelle ici, s’est adressé au peuple kényan comme un grand frère, au dernier jour de son voyage dans le pays de son père.

La formule est astucieuse, mais qu'on vienne en se prenant pour un père ou pour un grand frère, où est la différence, si, au final, l'objectif est de faire la leçon ?

C’est sa soeur, d’ailleurs, qui l’a accueilli sur le podium, au centre de l’arène, rappelant les vieux souvenirs : «Je suis particulièrement émue aujourd’hui. Ce mec, je suis allée le chercher il y a vingt-sept ans dans le même aéroport où je l’ai retrouvé vendredi soir. A l’époque, je l’ai ramené chez moi en Coccinelle Volkswagen,s’amuse-t-elle. Et franchement, il me l’a bien rendu… pour son quatrième voyage, on est reparti de l’aéroport en limousine !»

Passer de la beetle à la limousine, le succès personnel, l’ambition d’aller plus loin. Ce fut le fil rouge de ce discours. C’est sans doute ce qui fascine le plus la jeunesse kényane dans ce modèle que représente Barack Obama. Son grand-père était cuisinier pour les «Anglais», pendant la colonisation. Son père a travaillé dur pour décrocher une bourse pour l’université américaine d’Harvard, où il a rencontré sa mère. Il est mort en 1982 et Barack Obama ne l’a quasiment pas connu. «Je vous avais promis que je viendrais, et en tant qu’homme politique, il est important de tenir ses promesses. Je suis heureux d’être le premier président américain à fouler le sol kényan, a-t-il lancé en guise d’introduction. Et je suis très fier d’être le premier président kényan des Etats-Unis !»

La belle, l'édifiante, l'exemplaire story que voilà... suffira donc aux jeunes Kenyans d'agir identiquement pour finir, au moins, président des USA.

La foule l’acclame, elle est déjà conquise.

Ca se voit, ça se sent, ça s'entend d'ici !

La politique américaine vis-à-vis de l’Afrique est claire : plus de misérabilisme.

Doit-on en conclure qu'avant c'était le cas ?

«L’Afrique est en marche», un slogan répété pendant tout ce Sommet mondial pour l’entrepreunariat.«Aujourd’hui, un jeune Kényan, s’il a de l’ambition et la volonté de s’en sortir, n’aura pas besoin de suivre les pas de mon grand-père et de servir les maîtres blancs, a asséné le "grand frère". Il n’aura pas à faire comme mon père, partir à l’étranger pour avoir une bonne éducation. Ce pays est prospère, vous pouvez désormais construire votre futur ici, et maintenant.»

Obama présiderait la Gaule qu'on en déduirait qu'il veut fermer ses frontières...

Pourtant la marche est encore longue. Attendu sur les questions de corruption – le Kenya fait parti des pays les plus corrompus au monde selon le classement de Transparency International –

On dirait du Raffarin 2005. Tout journaliste qui ose utiliser et plus encore citer Transparency international est immédiatement discrédité. Prototypique ONG à qui aucun pays ne demande rien et distribue bons points et images avec un paternalisme et un manque de rigueur légendaires.

Obama n’a pas mâché ses mots : «La corruption gangrène ce pays depuis trop longtemps. Il faut changer les mentalités, du plus petit citoyen, jusqu’aux dirigeants.»

Il est vrai qu'aux USA et, plus généralement en Occident, il y a longtemps qu'on a résolu la question de la corruption des dirigeants...

Il a également regretté le «tribalisme» qui divise ce pays d’Afrique de l’Est et a longuement encouragé l’éducation des femmes. «Considérer les femmes comme des citoyens de seconde zone est une mauvaise tradition. Ce serait comme faire jouer la moitié d’une équipe de football. On ne peut jamais gagner, c’est stupide.» a-t-il précisé.

Le "tribalisme" du Kenya (à éprouve, éventuellement), qu'a-t-il à envier au racisme avéré qui divise les USA au détriment des Afro-Américains (sans parler de l'islamophobie US) ?

Seul Obama pouvait se permettre d’avoir un discours frôlant parfois le paternalisme, ou la leçon de démocratie.

S'il les a ici frôlés, que devrait-il dire pour que Libération établisse le bon diagnostic ?

Après avoir indirectement attaqué le gouvernement de Uhuru Kenyatta sur les questions de corruption ou des divisions ethniques (le vice-président Ruto est toujours poursuivi par la Cour pénale internationale pour Crimes contre l’humanité pour sa participation aux violences post-électorale de 2007 qui ont fait plus de 1 500 morts), le président américain a dû également lui rendre ses honneurs : « Nous sommes reconnaissants aux Kényans de se sacrifier et d’aller en première ligne pour lutter contre le terrorisme».

On attend avec impatience qu'un président africain en visite aux USA ose évoquer l'anormalement importante proportion de prisonniers noir dans les pénitenciers américains, par exemple.

En effet, l’armée kényane, formée et appuyée par Washington, se bat depuis 2011 au sein de l’AMISOM (Africain Union Mission in Somalia), contre le groupe islamiste des shebab somaliens.

La seule réelle information importante de cet affligeant papier : l'armée kényane a été formée par Washington.

Cette visite au Kenya n’était pas seulement un pèlerinage familial pour Barack Obama : le pays d’Afrique de l’Est est une puissance stratégique, qui vit désormais sous la menace d’un terrorisme rampant. Et ce n’est pas seulement un frère ou un fils que le Kenya a accueilli ce week-end. C’est avant tout un partenaire économique et militaire incontournable.

Dommage que Libération, du titre jusqu'au texte de l'article, n'y ait vu, lui que du fraternalisme... quelques informations économiques et politiques objectives sur le Kenya et ses environs n'eussent pas nui.

Sophie Bouillon (feat. C.H.Z.)

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