Selon Mediapart, des autorités françaises auraient fait pression pour étouffer l'affaire des viols présumés effectués par des militaires français sur des enfants en Centrafrique. Ainsi toujours selon MdP, le patron français des opérations de maintien de la paix (DPKO), aurait joué un rôle non négligeable.
Selon une source qui requiert l’anonymat, "La clique onusienne s’est donc mobilisée comme rarement sur ce dossier,..., le patron français des opérations de maintien de la paix (DPKO), ancien ambassadeur et porte-parole du Quai d’Orsay. Dès qu’il a appris que Kompass avait envoyé un rapport aux autorités françaises, il a demandé sa tête à Susana Malcorra, la chef de cabinet de Ban Ki-moon ». Or Anders Kompass dépend du Haut Commissariat aux droits de l’homme, pas du DPKO, ni du bureau des investigations internes, ce dernier étant supposé indépendant. Pour Peter Gallo : « Il y a eu interférence entre Malcorra et Carman Lapointe, la boss d’OIOS. Une liaison dangereuse qui aurait poussé Michael Stefanovic, le directeur d’OIOS, le service d’enquête interne de l’ONU, à demander à être dessaisi du dossier. Ce dernier s’est depuis réfugié dans le silence. »
« Il est évident que sans les révélations du Guardian, sous-entendu sans Kompass, les abus sexuels commis par des militaires français et d’autres, seraient restés lettre morte. Comme d’habitude. Maintenant, il sert de bouc émissaire… », s’insurge Peter Gallo.
L'affaire serait devenu tabou au sein des diplomates de la Mission française ainsi qu'au sein de l'ONU. Cette dernière instance aurait passé des consignes de silence :
"Que ce soit à Bangui, sur le terrain des opérations de la Mission des Nations unies pour la stabilisation de la Centrafrique (MINUSCA), à l’ONU au sein du département des opérations de maintien de la paix (DPKO), ou parmi les diplomates de la Mission française, on ne parle pas de l’affaire des militaires français accusés de viols en République centrafricaine. C’est devenu tabou. Sauf s’il s’agit de s’enquérir du nombre de Casques bleus déployés sur le terrain ou de leur mandat. Le silence qui entoure ce scandale pèse pourtant de plus en plus lourd et force les interrogations. À commencer par celle-ci : l’ONU aurait-elle quelque chose à cacher ? « C’est curieux ces consignes de silence, explique un membre de l’ONU, qui ne veut pas que son nom soit cité. Elles contreviennent au statut et règlement du personnel des Nations unies qui dit que les membres du personnel ont le devoir de coopérer et de dénoncer ce genre d’agissements lorsqu’ils en sont informés. »"
«... Il y a une grande différence entre publier les noms des victimes de violences sexuelles dans un journal et les donner aux enquêteurs, affirme Peter Gallo. Dans quel but l’ONU voulait-elle que les noms soient effacés si ce n’est pour entraver voire empêcher le travail des enquêteurs ? Je vous rappelle que lorsque les enquêteurs français sont arrivés à Bangui, ils ont eu interdiction de parler avec le personnel de l’UNICEF qui avait interrogé les enfants. L’ONU avait-elle intérêt à ce que les enquêteurs ne fassent pas leur travail, ce qui expliquerait son attitude? Si tel est le cas, quelles en sont les raisons ? »
Un fonctionnaire international, qui préfère garder l’anonymat, commente cette commission en ces termes : « Si les faits n’étaient pas aussi tragiques et n’impliquaient pas des enfants, ce serait risible. Cette commission est une farce. Par exemple, un des trois membres en est le Gambien Hassan Jallow, procureur du Tribunal international pour le Rwanda. Vous ne pensez tout de même pas que Jallow, rémunéré par l’ONU, va scier la branche sur laquelle il est assis ? Ce serait l’arroseur arrosé ! Pourquoi ne pas avoir choisi quelqu’un d’étranger à l’Organisation ? Au moins, il n’y aurait pas de conflit d’intérêts. Saviez-vous que le Bureau des investigations internes exerce un contrôle sur les tribunaux nommés par l’ONU et par conséquent sur ses membres ? Il paraît difficile pour Jallow, dans ces conditions, d’émettre des critiques sur Lapointe qui est impliquée dans cette affaire et qui n’a pas intérêt à coopérer avec la commission. Et je ne parlerai pas de Malcorra, qui est intouchable. Ce sera un rapport de plus qui ira finir dans la corbeille d’un fonctionnaire à la solde du secrétaire général… »
Source : Mediapart L'ONU fait peser une chape de plomb sur les viols en Centrafrique