Histoires et réalité de la guerre américaine (et européenne) contre la Syrie Moon of Alabama. Traduit par Wayan, relu par jj et Diane pour le Saker Francophone
armee-syrienne-libre-550x535-2 Mercenaires de l’ASL: une création des services militaires occidentaux, glorifiés par des journalistes aux ordres
Histoires et réalité de la guerre américaine [et européenne, NdT] contre la Syrie.
L’article du Washington Post du genre «mais rien ne s’est passé» dont nous avons parlé hier est loin d’être le seul à éviter de parler de la forte participation états-unienne [et européenne, NdT] dans la guerre contre la Syrie.
Un article du New York Times prétend, de manière éhontée :
Les États-Unis ont évité d’intervenir dans la guerre civile entre les rebelles et le gouvernement de M. Assad jusqu’à ce que le groupe djihadiste prenne avantage du chaos pour s’emparer de portions du territoire syrien et irakien.
McClatchy, d’habitude en meilleur forme, édite deux articles de Hannah Allam enquêtant sur la participation des États-Unis dans la guerre contre la Syrie. Ils sont, hélas, remplis de contre-vérités et de propagande administrative avalée toute crue. L’administration Obama prétendant encore que les jours du gouvernement Assad sont comptés n’est qu’une reprise de ce que les fonctionnaires de cette administration prétendent depuis le début. Cet article contient aussi ce boniment :
Les Américains étaient déterminés à garder les États-Unis à l’écart d’un conflit armé en Syrie, mais fermèrent les yeux alors que leurs alliés du Golfe envoyaient des armes à des groupes extrémistes affiliés à al–Qaida.
Il y a déjà quelques années le New York Times lui-même, ainsi que quelques autres journaux, relataient que la CIA était l’entité qui organisait le transfert d’armes, des milliers de tonnes, pour le compte des Saoudiens et des autres pays du Golfe. Les États-Unis ne fermèrent pas les yeux mais organisèrent cette guerre depuis le tout début.
Dans son article intitulé La magie des mots : Comment une simple phrase entraîna les États-Unis dans la crise syrienne, Hannah Allam laisse l’ancien ambassadeur en Syrie prétendre que l’administration n’a jamais vraiment voulu renverser Assad mais fut poussée à le faire :
Ford, l’ambassadeur en Syrie de l’époque, a dit qu’il s’était d’abord opposé à l’appel à renverser Assad, ceci pour deux raisons : il était évident pour lui que les sanctions étaient la seule punition que la Maison Blanche désirait utiliser et qu’un tel appel ruinerait ses efforts pour lancer un dialogue avec le régime.
Ford a dit qu’il était contre les pressions que d’autres fonctionnaires avaient aussi subi – de la part de républicains influents, quelques démocrates âgés, la bruyante communauté syrienne-américaine et des gouvernements étrangers – mais il y ajouta une force de pression souvent oubliée.
«Pour parler franchement, la presse, les médias, tiraient à boulet rouge sur nous. Les médias n’étaient par impartiaux dans cette affaire, a-t-il révélé. Comme les républicains prétendaient qu’Assad n’était plus légitime, cette question nous était posée à chaque conférence de presse, ‹Pensez vous qu’Assad est légitime?› Que pouvions-nous répondre? Qu’il l’était?»
Foutaise. Ford fut l’un des premiers à pousser à l’éviction d’Assad. Il a même participé à l’organisation des premières manifestations et au briefing des médias sur les manifestants pacifiques qui furent si rapides à tuer policiers et soldats. Voici quelques réactions sur twitter d’un révolutionnaire face aux déclarations de Ford :
Robert Ford dit que les Syriens ont été trompés par la «magie des mots»? Ford nous a promis, à nous les syriens, son total soutien en 2011.
Au cours de réunions privées à Damas, Robert Ford a promis à ses amis de l’opposition syrienne le soutien total des États-Unis et a encouragé les Syriens à continuer.
Il a même participé à la manifestation d’Hama, la plus grande manifestation dans l’histoire de la Syrie moderne. youtu.be/AP1vGBJM4NU
Je ne pense pas qu’il y ait eu mauvaise interprétation des déclarations publiques des États-Unis, vous étiez notre ambassadeur auprès de l’administration US. Allez, dites la vérité : vous avez promis la lune aux Syriens, vous leur avez donné la merde.
Tous ces articles dans les médias, celui du Washington Post d’hier, les fausses assertions du New York Times d’aujourd’hui, les articles de McClatchy, font partie de la stratégie d’Obama pour jouer à celui qui ne faisait/ne fait rien ou de son mieux tout en menant une intense guerre par procuration contre le gouvernement syrien.
Joel Veldkamp étale au grand jour cette stratégie en l’analysant ainsi :
Pourquoi les États-Unis n’auraient-ils que soixante combattants au bout d’un programme d’entraînement d’une année ayant coûté 500 millions de dollars? Parce que cela renforce le narratif – alimenté par une série de programmes de soutien à l’opposition inadéquats, mais annoncés et débattus publiquement – des États-Unis comme spectateurs sans moyens face aux tueries se déroulant en Syrie et d’un président Obama comme homme d’État prudent et hésitant à s’impliquer. Pendant que le Sénat audite le chef du Pentagone sur les maigres résultats du programme, les États-Unis sous traitent les combats à des alliés n’ayant aucun scrupules à soutenir al–Qaida contre leurs opposants politiques. Mais il est même possible que les États-Unis coopèrent encore, directement ou indirectement, à ce soutien à al-Qaida.
Maintenant que cette histoire de spectateur sans moyens est démasquée, c’est-à-dire que les États-Unis sont directement impliqués, depuis le début, dans ce conflit armé, il devient à la fois possible et nécessaire de remettre en question cette implication.
Ce que je trouve particulièrement étonnant, c’est que les médias occidentaux soient tout à fait capables de parler des deux stratégies à la fois. On peut y lire des articles relatant le narratif selon lequel les États-Unis ne sont pas impliqués en Syrie et, dans les mêmes médias, on voit publier des articles sur l’intense effort militaire secret avec les tonnes d’armes expédiées et les milliards de dollars investis par l’administration Obama pour faire la guerre contre le peuple syrien.
Les médias savent donc que l’histoire du spectateur sans moyens est fausse. Hélas, l’espoir de Joel Veldkamp qu’il soit possible et nécessaire de remettre en question cette implication ne se réalise pas. En dehors de quelques blogs marginaux comme celui-ci il n’existe aucune discussion publique sur le sujet.
Traduit par Wayan, relu par jj et Diane pour le Saker Francophone.