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Expansion militaire de la Russie en Syrie: Les dés sont jetés (Global Research.ca)

par Israel Shamir 7 Septembre 2015, 12:59 Syrie Russie Expansion Soutien Assad

Expansion militaire de la Russie en Syrie: Les dés sont jetés (Global Research.ca)
Expansion militaire de la Russie en Syrie: Les dés sont jetés
Par Israel Shamir

Russia Embarks on Expansion of its Military Presence in Syria, publié le 4 septembre 2015

Traduction : Maria Poumier. plumenclume.org

Israel Shamir est à Moscou, et eut être joint sur  adam@israelshamir.net


Lu sur Mondialisation.ca

Nonobstant hésitations et dénégations, la Russie s’embarque bel et bien dans une ambitieuse expansion de sa présence syrienne, qui peut bouleverser les règles du jeu dans le pays en lambeaux. La base navale russe de Tartous, petite, obsolète, servant aux réparations, va être agrandie, tandis que Jablleh, près de Latakia (jadis Laodicée) va devenir la base aérienne russe et une base navale à plein régime en Méditerranée orientale, au-delà des minces détroits du Bosphore. Les multitudes djihadistes qui assiègent Damas vont pouvoir être contraintes à l’obéissance et à la soumission, et le gouvernement du président Assad connaîtra la délivrance, hors de danger. La guerre contre Daesch (ISIS) fournira la couverture pour cette opération. Voici le premier rapport sur ces événements décisifs, sur la base de sources confidentielles russes à Moscou, des sources habituellement fiables.

Le journaliste d’investigation, dissident et bien informé Thierry Meyssan[1] a signalé l’arrivée de nombreux conseillers russes. Les Russes ont commencé à partager leurs images par satellite en temps réel avec leurs alliés syriens, ajoutait-il. Un site d’information israélien a ajouté : « la Russie a commencé son intervention militaire en Syrie », et a prédit que « dans les semaines qui viennent des milliers militaires russes se préparent à atterrir en Syrie »[2]. Les Russes ont promptement démenti.

Le président Bachar Al Assad y a fait allusion[3] il y a quelques jours en exprimant sa pleine confiance dans le soutien russe à Damas. Six premiers jets de combat MIG-31 ont atterri à Damas il y a deux semaines, selon le journal officiel RG[4], et Michael Weiss dans le Daily Beast d’extrême-droite [5]a offert une description saisissante de la pénétration russe en Syrie. Le journal Al-Quds al-Arabi mentionne Jableh comme le lieu de la deuxième base.

Nous pouvons maintenant confirmer que, pour autant que nous puissions le savoir, malgré les dénégations (souvenons-nous de la Crimée), la Russie a fait son choix et pris la décision très importante d’entrer en guerre en Syrie. Cette décision peut encore sauver la Syrie de l’effondrement total et par ricochet éviter à l’Europe d’être noyée sous les vagues de réfugiés. L’armée de l’air russe va combattre Daesch ouvertement, mais va probablement aussi bombarder (comme David Weiss en fait le pari) les alliés des USA de l’opposition al-Nosra (autrefois appelée al-Quaeda) et d’autres extrémistes islamiques pour la simple et bonne raison qu’il n’y a pas moyen de les distinguer de Daesch.

Le ministre russe des Affaires étrangères Serguéï Lavrov a proposé d’organiser une nouvelle coalition contre Daesch incluant l’armée d’Assad, les Saoudiens et certaines forces d’opposition. L’émissaire US en Russie ont dit qu’il n’y avait aucune chance que les Saoudiens ou d’autres Etats du Golfe acceptent d’unir leurs forces avec Assad. La Russie continue à projeter de bâtir cette coalition, mais, vu le rejet américain, apparemment le président Poutine a décidé de passer à l’action.

La Russie est très ennuyée par les victoires de Daesch, parce que cette force combat et chasse les chrétiens de Syrie, alors que la Russie se considère comme le protecteur traditionnel de ceux-ci. La Russie redoute aussi que Daesch mette en place des opérations dans les régions musulmanes de Russie, dans le Caucase et sur la Volga. Et la coalition anti-Daesch dirigée par les US n’a pas fait le travail.

US et Turquie combattent ostensiblement Daesch, mais obéissent à leurs propres intérêts, bien différents de ceux des Syriens, des Européens et des Russes. La Turquie combat les Kurdes qui sont des opposants résolus à Daesch. Les US utilisent la guerre contre Daesch comme écran de fumée pour combattre le gouvernement légitime de Bachar al Assad, qui a été récemment ré-élu par une large majorité de Syriens. Daesch ne souffre pas beaucoup des raids US, face à l’armée syrienne. Et surtout, les US ont envoyé des centaines de terroristes entraînés en Syrie après leur avoir fourni une mise à niveau militaire en Jordanie et ailleurs. Récemment, David Petraeus a appele à armer al Nostra afin qu’ils combattent Daesch. Cette idée simplette a bien fait rire [6] mais n’est nullement hors jeu.

Les US et ses alliés ont ravagé la Syrie. Les US sont loin et peuvent se délecter du spectacle. L’Europe est perdante, déjà éliminée du fait de l’inondation de réfugiés. La Turquie est perdante, directement, puisqu’elle y gagne les réfugiés, mais aussi le terrorisme et le déclin rapide de la popularité pour le président Erdogan, la chute du niveau de vie, et tout cela à cause de ses choix politiques erronés en Syrie.

La Russie vient donc de se charger de la tâche difficile de sauver la situation. Si Erdogan, Obama, Kerry et les Saoudiens avaient pensé que Poutine lâcherait Assad, maintenant ils connaissent un dur réveil. La position russe est assez nuancée. La Russie n’ira pas se battre pour Assad, comme elle ne s’est pas battue pour le président ukrainien Yanoukovitch. La Russie pense que c’est aux Syriens de décider qui doit être leur président. Assad ou quelqu’un d’autre, c’est une affaire interne. D’un autre côté, Obama et ses alliés se battent effectivement contre Assad. Il avait « perdu sa légitimité », disent-ils. Ils ont un problème avec Assad, ils l’admettent. La Russie n’a pas de problème avec Assad. Dans la mesure où il est populaire chez lui, qu’il gouverne donc, disent les Russes. Si certains membres de l’opposition veulent le rejoindre, tant mieux.

La Russie n’essaie pas de combattre l’opposition armée en soi, tant que cette opposition est prête à entrer en négociation de paix et ne demande pas l’impossible (la tête d’Assad). Dans la vie réelle, personne ne peut distinguer entre groupes légitimes et illégitimes, et Daesch. Tous vont sans doute souffrir quand les Russes vont commencer à faire leur travail sérieusement. Ils devraient négocier avec le gouvernement et parvenir à un accord. L’alternative (la destruction de la Syrie, des millions de réfugiés, le déracinement du christianisme au Proche Orient, les attaques djihadistes sur la Russie) est trop horrible à regarder en face.

La guerre en Syrie est dangereuse pour la Russie : c’est pourquoi Poutine a freiné avant de s’engager, depuis 2011. L’adversaire est bien armé, et a quelque soutien sur le terain, sans compter la richesse des Etats du Golfe et des combattants fanatiques qui ont bien envie de déclencher une vague d’attaques terroristes en Russie. La position US est ambigüe : Obama et son équipe ne réagissent pas, sur l’engagement croissant de la Russie. Thierry Meyssan pense qu’Obama et Poutine sont parvenus à un accord sur la nécessité d’en finir avec Daesch. A son avis, certains officiers et généraux américains (Petraeus, Allen) aimeraient saper cette entente, ainsi que les républicains et les néoconservateurs.

Certains officiers russes s’inquiètent. Peut-être qu’Obama reste muet afin de laisser Poutine s’embarquer dans la guerre de Syrie. Souvenons-nous que les US avaient incité Saddam Hussein à envahir le Koweit. Les avions russes et américains au-dessus de la Syrie pourraient avoir à s’affronter. D’autres disent : la Russie n’aurait-elle pas dû s’engager en Ukraine, plutôt qu’en Syrie ? Mais la décision que Poutine semble bien avoir prise fait sens.

Une guerre loin de chez soi comporte des défis logistiques, comme les US en ont fait l’expérience au Viet Nam et en Afghanistan, mais il y a beaucoup moins de danger que la guerre déborde en Russie proprement dite. Sur un théâtre de guerre distant, l’armée de terre, la flotte et l’armée de l’air russes pourront montrer leur détermination.

S’ils gagnent, la Syrie retrouvera la paix, les réfugiés rentreront chez eux, et la Russie restera implantée à jamais en Méditerranée orientale. La victoire russe calmera les va-t-en-guerre de Washington, de Kiev, de Bruxelles. Cependant, s’ils perdent l’Otan pensera que la Russie est mûre pour la moisson et tentera de porter la guerre dans son flanc.

Nous pouvons comparer la situation avec les campagnes militaires des années 1930. Les Russes, sous les ordres du brillant maréchal Joukov, avait écrasé les Japonais à Khalkyn Gol en 1939, et les Japonais ont signé un pacte de neutralité avec les Russes, puis se sont abstenus d’attaquer la Russie pendant la guerre entre Allemands et Soviétiques. Mais l’Armée rouge s’est mal débrouillée face au maréchal Mannerheim en Finlande en 1940, et cela a encouragé Hitler entrer en guerre.

Cette fois-ci, la Russie va agir dans le cadre de la loi internationale, à la différence de Saddam Hussein dans son aventure koweitienne, Turquie et US bombardent et mitraillent la Syrie à volonté, sans le moindre égard pour le gouvernement légitime. Il y a un traité d’assistance mutuelle entre la Russie et la Syrie. Le gouvernement syrien a offert aux Russes ses ports, aéroports et commodités pour la défense.

Les églises chrétiennes du Proche Orient applaudissent la Russie et demandent son assistance face au carnage djihadiste. L’ancienne église orthodoxe d’Antioche et celle de Jérusalem sont de tout cœur avec la Russie. L’archevêque Théodose Atallah Hanna, patriarche palestinien du plus haut rang et politiquement actif, a formulé son espoir que les Russes apportent la paix en Syrie et que les réfugiés puissent rentrer chez eux.

Pour les Européens, c’est l’occasion d’en finir avec leur soutien aveugle à la politique US, et de ramener des millions de réfugiés chez eux, loin des gares et campements européens.

Si cela marche, l’initiative de Poutine en Syrie sera l’une de ses plus grandes réussites. Il ne dévoile rien de son jeu, et ce rapport est le premier qui provienne de son entourage.

Israel Shamir

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