Nestlé nie tout soutien de l’esclavage en Thaïlande Par Elisabeth Studer www.leblogfinance.com
Nestlé vient de réfuter les accusations portées contre lui, lesquelles prétendent que le géant suisse de l’alimentation soutiendrait délibérément l’esclavage dans le milieu de la pêche en Thaïlande. Des déclarations qui font suite à l’annonce faite jeudi par le cabinet américain Hagens Berman d’un dépôt d’une plainte en nom collectif auprès d’un tribunal en Californie.
Dans un communiqué, le cabinet d’avocat avait déclaré que des acheteurs de produits pour animaux accusaient Nestlé de « soutenir en toute connaissance de cause » un système d’esclavage et de trafic d’êtres humains pour produire des aliments pour chats de la marque Fancy Feast, tout en cachant sa complicité avec des violations des droits de la personne.
Selon cette plainte, « Nestlé importe via un fournisseur thaïlandais, Thai Union Frozen Products PCL, plus de 28 millions de livres (12000 tonnes) d’aliments pour animaux à base de fruits de mer pour de grandes marques vendues en Amérique dont une partie est produite dans des conditions d’esclavage ».
Selon les plaignants, des hommes et des garçons venus de pays plus pauvres que la Thaïlande comme le Cambodge ou la Birmanie seraient vendus à des capitaines de bateaux de pêche. Ces derniers exigeraient d’eux un travail dangereux et harassant à raison de 20 heures par jour, en les payant très peu ou pas du tout, sous peine d’être battus ou même tués.
Pour l’un des associés du cabinet, Steve Berman : « En cachant cela au public, Nestlé a de fait conduit des millions de consommateurs à soutenir et encourager l’esclavage dans des prisons flottantes. » Le cabinet invite par ailleurs les utilisateurs des marques en cause à se joindre à cette plainte.
« Le travail forcé n’a aucune place dans notre chaîne d’approvisionnement », a indiqué vendredi en retour le groupe suisse dans un courrier adressé à l’AFP. Nestlé a par ailleurs tenu à préciser qu’il s’appuyait sur un code contraignant ses fournisseurs à respecter les droits humains et la législation du travail.
« L’élimination du travail forcé dans notre chaîne d’approvisionnement en fruits de mer est une responsabilité partagée et nous nous sommes engagés à travailler avec les parties prenantes au niveau mondial et local pour traiter cette question sérieuse et complexe », affirme par ailleurs le géant suisse.
Ces douze derniers mois, la multinationale a notamment travaillé avec la société de conseil Achilles. L’objectif est de mieux comprendre le fonctionnement de l’industrie des fruits de mer en Thaïlande, qui fournit partiellement Nestlé pour la fabrication de certains produits.
Le groupe s’est également associé à l’organisation non-gouvernementale Vérité, qui a collecté des informations aussi bien sur les navires de pêche, les usines et fermes de pisciculture en Thaïlande que dans les ports à travers l’Asie du Sud-Est pour identifier où et comment sont commis les abus. Ses conclusions, ainsi qu’un plan d’action, seront publiées durant le quatrième trimestre 2015, précise Nestlé.
Le groupe indique aussi participer à un groupe de travail constitué de représentants du gouvernement thaïlandais, de fournisseurs locaux de fruits de mer et d’acheteurs internationaux. Piloté par l’Organisation internationale du travail (OIT), le groupe a élaboré des lignes de conduite destinées aux usines, aux sous-traitants et aux piscicultures, pour enrayer les pratiques abusives.
Rappelons pour notre part, que le travail forcé dans le secteur de la pêche en Thaïlande est régulièrement pointé du doigt par l’Organisation des Nations unies (ONU). En février, dernier, plusieurs associations de défense des droits de l’homme ont tenu à dénoncer le problème. Selon eux, la Thaïlande ne parvient toujours pas à lutter efficacement contre l’esclavage sur les bateaux de pêche.
Cette industrie multimillionnaire est également minée par la corruption, qui empêche fréquemment les inspections des navires de pêche de déboucher sur des poursuites.
Si le gouvernement militaire issu du coup d’Etat du 22 mai 2014 affirme certes avoir fait de gros progrès dans sa sa lutte contre le trafic d’êtres humains, Steve Trent, président de l’association « Environmental Justice Foundation (EJF) » – en doute fortement qui a publié récemment un rapport intitulé « Broken Promises » sur le sujet – en doute fortement.
«Rien de ce que nous avons vu ou entendu l’année dernière indique que la Thaïlande a pris des mesures significatives pour s’attaquer aux causes profondes du trafic de main d’oeuvre et des abus. Le gouvernement thaïlandais ne parvient toujours pas à prendre les mesures nécessaires pour prévenir les atteintes aux droits de l’homme dans l’industrie de la pêche» déclare-t-il.
En janvier 2015, le ministre adjoint aux affaires étrangères Don Pramudwinai a détaillé les nombreuses mesures de surveillance mises en place, en précisant leurs coûts de plusieurs millions de dollars. Mesures qui, selon lui, sont la preuve que le gouvernement se bat contre l’esclavagisme.
Les États Unis qui ont établi un classement du traitement des travailleurs selon les pays (Trafficking in Persons (TiP) report) ont récemment rétrogradé la Thaïlande au niveau trois, le plus bas niveau, contenant des pays comme l’Iran et de la Corée du Nord.
Ce déclassement est survenu après un reportage du Guardian sur l’industrie de la pêche en Thaïlande. Celui-ci montrait que des esclaves étaient obligés de travailler sur des bateaux de pêche, sans salaire, et après avoir été brutalisés par leurs employeurs.
Un activiste basé en Thaïlande du Sud a affirmé au Guardian que l’esclavage n’avait même pas diminué. “Un esclave birman récemment échappé d’un bateau de pêche a affirmé qu’il y en avait beaucoup d’autres comme lui en mer. Principalement des Birmans et des Cambodgiens. Pour moi, c’est la preuve que les mesures prises par le gouvernement ne marchent pas”.
Les crevettes ainsi pêchées étaient intégralement revendues à des compagnies américaines, anglaises, et dans divers pays européens. Carrefour, Costco, Tesco, ou encore Wallmart étaient concernés.
En juin 2014, Carrefour avait toutefois annoncé suspendre tous ses achats auprès de l’un de ses fournisseurs, le producteur de crevettes thaïlandais Charoen Pokphand, numéro un du secteur. Mesures prises à la suite de l’enquête menée par The Guardian. Le journal britannique avait ainsi révélé que le groupe de distribution semblait faire travailler des esclaves à travers ses fournisseurs.
Sources : AFP, ats, Newsnet, Thailande-fr
Elisabeth Studer – 29 août 2015 – www.leblogfinance.com