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Nous sommes en guerre contre un islam imaginaire : mensonges, propagande et la vraie Histoire des Etats-Unis et du monde musulman

par Raymond William BAKER 5 Octobre 2015, 12:20 USA Musulman Guerre Islamophobie

Nous sommes en guerre contre un islam imaginaire : mensonges, propagande et la vraie Histoire des Etats-Unis et du monde musulman
Nous sommes en guerre contre un islam imaginaire : mensonges, propagande et la vraie Histoire des Etats-Unis et du monde musulman

Par Raymond William BAKER

Traduction partielle sur la base du texte publié sur le site internet « Salon.com (inter-titres du traducteur)

Traduit Par Mourad Benachenhou
Alterinfo.net

La propagande américaine, au service de notre empire, exagère le pouvoir et la dépravation morale de l’ennemi islamique.

Un islam fabriqué, sans relation avec le Coran

Les Etats-Unis sont en guerre contre un islam de leur propre fabrication, très différent et mythique, n’ayant rien à voir avec l’islam du Coran. Pour comprendre cette menace conjurée, les études académiques de l’islam et des mouvements islamiques ne sont d’aucun secours. Même l’examen de l’histoire du monde réel et de la pratique de l’empire a une valeur limitée, à moins que la dimension islamique perçue soit prise en compte. Le projet impérial américain ne peut être clarifié sans une évaluation de la rationalité distincte que l’imaginaire islamiste offre.

La tâche n’est pas aisée. L’imaginaire islamiste n’a pas une existence simple et unifiée. C’est plutôt un amalgame complexe qui met sous une forme composite et évolutive à la fois les élucubrations de l’empire et une menace illusoire contre le pouvoir impérial.

Un islamisme qui n’existe pas en dehors des intérêts impériaux

C’est un « tout difficile, » dans le langage de la théorie utile de la complexité. L’imaginaire islamiste, à la différence de l’islam même, et des mouvements politiques s’inspirant de l’islam, n’existe pas en dehors des intérêts impériaux qui le forment. Cet islamisme n’a pas de réalité indépendante, culturelle ou historique, en dehors de son rôle de menace prédatrice contre les intérêts occidentaux globaux…

Pour mettre en œuvre et rationaliser son projet expansionniste qui doit rester non reconnu et non exprimé, l’empire américain demande un ennemi, qui prend la forme de l’islam de son imagination. Les deux éléments de l’imaginaire et de l’empire évoluent en conjonction.

La ronde macabre du prédateur et de sa proie

Les besoins d’un empire menacé et victime vulnérable changent avec le temps. L’imaginaire islamiste se transforme pour satisfaire ces besoins. L’imaginaire et l’empire entrent dans une ronde du prédateur et de sa proie. Leurs rôles sont interchangeables, signe clair qu’ils ne sont pas entièrement réels. Le prédateur est la proie, la proie est le prédateur. Ils se développent en tandem dans un processus complexe d’adaptation mutuelle. Les frontières entre le réel et l’imaginaire disparaissent et, finalement, c’est l’imaginé qui hante nos imaginations et conduit nos politiques.

Des plans d’invasion arrêtés depuis longtemps

Le crime contre l’humanité commis le 11 septembre 2001 a eu la conséquence non intentionnelle de servir les plans expansionnistes grandioses des néo-conservateurs qui ont dominé l’administration du président Bush. Il manquait seulement un ennemi pour rendre possible la mise en œuvre de cette politique.

Du magasin de l’imagination historique occidentale furent sorties les vieilles images d’un islam hostile. Les terroristes islamistes constituaient, sous une forme crédible dans l’esprit d’une Amérique effrayée, la « menace à la civilisation » dont a besoin tout empire pour justifier ses actes violents de domination.

Ainsi naquit l’imaginaire islamiste au service de la version néo-conservatrice de l’empire. L’administration a utilisé toutes les ressources de contrôle des médias à sa disposition pour s’assurer qu’aucun lien ne soit établi entre le crime du 11 septembre et ses politiques moyen-orientales injustes, comme les instruments sanglants que les Etats-Unis ont forgés pour les mettre en œuvre. Les plans américains pour renverser les Talibans et occuper l’Irak, et israéliens pour « résoudre » par la violence le problème palestinien, étaient tous en place avant le 11 septembre.

La dimension israélienne

La version la plus exhaustive des plans des néo-conservateurs pour faire avancer les intérêts américains et israéliens a trouvé son expression dans un document politique écrit en 1996, pour le compte de Benjamin Netanyahou, du Likoud, qui venait d’être élu Premier ministre d’Israël. Ce document est intitulé : « Rupture claire, une nouvelle stratégie pour renforcer le royaume. » Ce document appelle à « une rupture totale avec le processus de paix, à l’annexion des territoires occupés et de Gaza, et à l’élimination du régime de Saddam en Irak, comme prélude à des changements de régime en Syrie, au Liban, en Arabie saoudite et en Iran. Tous les auteurs de ce document sont devenus des acteurs influents lors du second mandat de Bush.

Une Amérique innocente et blessée a redéfini son rôle au Moyen-Orient comme le champion de la démocratie et le rempart contre les sources islamiques de l’irrationalité qui de manière ostensible nourrissait le terrorisme global. Le scénario était en place pour l’évocation de l’imaginaire islamiste.

La manipulation de l’islam, une longue histoire

Il y avait déjà une pratique étasunienne établie de manipuler l’islam, y compris dans ses versions les plus rétrogrades et les plus violentes, pour faire avancer les objectifs impériaux.

Cependant, cette fois-ci, les planificateurs stratégiques rompirent avec le format établi en instaurant une innovation de taille. A chaque moment stratégique critique, l’Amérique a fait usage d’une forme existante d’islam qui pouvait être ajustée pour répondre à ses besoins.

Dans chacun de ces cas, la dimension islamique dérivait d’un islam « trouvé, » qui trouvait son origine dans la satisfaction des besoins des acteurs locaux. Cet islam avait ses propres racines indépendantes dans le sol du monde islamique et servait, en priorité, des objectifs identifiables propres aux régimes ou mouvements existants. L’administration Bush chercha à innover une variante distinctive sur la base de ce schéma général, d’une façon qui clarifierait les nouvelles dimensions culturelles et intellectuelles de l’exercice de la puissance à l’échelle du globe. L’Irak devint le cas de référence.

Selon l’administration Bush, les colonisés sont les propres artisans de leurs malheurs, et leurs propres échecs invitent, si ce n’est exigent la colonisation. Il n’y a pas de meilleur moyen d’innocenter l’Occident de son histoire documentée d’occupation violente et d’exploitation du monde musulman. On élimine ainsi l’attention qui pourrait être portée sur une évaluation sérieuse de la domination américaine au Moyen-Orient, et de ses politiques destructives en Palestine, en Afghanistan et, de manière plus dramatique, en Irak.

L’islamisme imaginaire, l’islam préféré de l’administration étasunienne

La vision préférée de l’administration de Bush est décrite de manière plus claire et plus argumentée dans une étude de la Rand Corporation…Le livre (écrite par Cheryl Bernard en 2003) porte le titre engageant de « L’islam démocratique : partenaires, ressources et stratégies ». Bernard pose la réalité d’une menace islamique comme prémisse de son argumentation…. Selon sa formulation, le monde entier, et pas seulement les EU, est la victime innocente et le témoin vulnérable des désordres internes tumultueux dans le monde islamique. Elle se demande : « Quel rôle le reste du monde menacé et affecté comme il l’est par cette lutte, peut-il jouer pour amener à une situation plus pacifique et plus positive ? » Bernard affirme clairement que ces dangereux drames du monde musulman sont auto-infligés. Elle écrit que « la crise actuelle de l’Islam a deux composantes : l’incapacité de prospérer et la perte de la connexion avec le courant global. Le monde musulman a été caractérisé par une longue période d’arriération et d’impuissance relative… ».

Elle note gravement que « le monde musulman est en disharmonie avec la culture globale contemporaine, situation inconfortable pour les deux côtés. »

Utiliser l’islam contre les musulmans

L’évaluation de Bernard élimine toute référence à la colonisation occidentale du monde islamique et aux dommages physiques et psychologiques que ces violents assauts ont causés. Il n’y a aucune allusion à la présence impériale américaine dans le monde musulman, à travers un réseau impressionnant de bases en expansion constante. Il n’y a aucune référence aux voies par lesquelles cette présence freine le développement autonome. Il n’y a également aucunes références aux actes maladroits de constantes interventions économiques et politiques américaines, visant à mettre en échec l’autonomie économique et politique.

Israël, fortement armé avec toutes sortes d’armes de destruction massive, occupant cruel, et superpuissance régionale, disparaît totalement de l’analyse de Bernard. Ces réalités brutales sont estompées par l’imaginaire islamiste.

C’est seulement en cachant ces réalités que Bernard peut prendre comme certains les fondements irrationnels de la menace islamiste. Son analyse jette la lumière sur les voies par lesquelles les menaces habituelles contre la sécurité nationale, et présentées par des Etats organisés, dont l’exemple est l’Union Soviétique pendant l’ère de la Guerre froide, sont remplacées par le défi d’acteurs non étatiques, opérant au-dessous de l’horizon de l’Etat-nation.

Pour confronter cette menace, elle défend la nécessité pour les planificateurs stratégiques américains de faire de l’islam une ressource.

En bref, comme ses prédécesseurs, Bernard est dans la profession de la manipulation stratégique de l’islam, pour servir les fins économiques et politiques américaines. Elle évoque un islam malléable qui peut être transformé en un instrument de confrontation des islams de la résistance, tout en servant avec docilité les finalités américaines.

* Extrait de son ouvrage : Un islam, de nombreux mondes musulmans, spiritualité, identité et résistance à travers les terres d’Islam, Oxford University Press, 2015.

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