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L’opération Barkhane, un « permis de tuer au Sahel » (Le Monde)

par Laurent Bigot 9 Décembre 2015, 23:07 Barkhane France Mali Françafrique Permis de tuer Armée française Terrorisme Sahel

 

Tribune. Depuis l’intervention française au Mali, le ministère de la défense se félicite régulièrement de la « mise hors de combat » de présumés terroristes. L’armée française administre la peine de mort, alors que la France l’a abolie en 1981 et que sa diplomatie promeut l’abolition partout à travers le monde. Ce curieux paradoxe vient de l’absence de réflexion sur la manière de lutter contre le terrorisme.

La France a épousé la conception américaine de lutte contre le terrorisme, la fameuse war on terror, sans en mesurer les conséquences et surtout sans en constater la tragique inefficacité. Il suffit pour s’en convaincre de regarder dans quel état se trouvent l’Afghanistan et l’Irak pour comprendre combien cette stratégie est un échec. Un échec total. Le Mali ne fait pas exception à la règle. Dix-huit mois après le début de l’intervention française, la situation sécuritaire dans le Nord est des plus précaires malgré la présence militaire internationale, et la situation à Bamako aussi dégradée qu’à la veille de la chute du président Amadou Toumani Touré.

Je fais pourtant partie de ceux qui considèrent que l’intervention était une décision politique courageuse du président Hollande. Malheureusement, la victoire militaire s’est transformée en défaite politique par absence de réflexion sur les causes du terrorisme, doublée d’un déni troublant des réalités politiques maliennes.

Vengeance contre légitime défense

La lutte contre le terrorisme ne peut se limiter à l’élimination de chefs présumés. Exécuter sans aucune forme de procès de présumés terroristes, c’est tuer au nom de nos valeurs, ce que, justement, nous reprochons à nos adversaires. Certains avancent la légitime défense. C’est oublier qu’elle est définie en droit français : la riposte doit intervenir au moment de l’agression, sinon c’est une vengeance. Et c’est ainsi qu’elle est perçue par les populations locales, car exécuter un présumé chef terroriste, c’est avant tout tuer un père, un mari, un fils ou un frère. Je n’oublie pas pour autant les victimes du terrorisme, mais, dans un Etat de droit, il revient à la justice de faire la lumière et de sanctionner. Promouvoir l’Etat de droit de manière crédible comporte une exigence non négociable : l’exemplarité.

Cette stratégie du Talion masque le fond du problème : pourquoi ces mouvements terroristes s’enracinent-ils dans certaines régions et pas dans d’autres ? Pour ce qui est du nord du Mali la réponse est assez simple, même si la solution l’est bien moins. La défaillance de l’Etat dans le Nord et sa présence prédatrice voire meurtrière (l’armée malienne s’est livrée à des exactions à plusieurs reprises depuis l’indépendance y compris récemment) ont laissé un espace à des groupes armés qui remplissent aussi des fonctions sociales au-delà de la terreur qu’ils exercent sur les populations. Les populations du nord du Mali ne goûtent guère à la philosophie de vie imposée par les groupes terroristes, mais elles n’apprécient pas plus la présence de l’Etat malien telle qu’elles l’ont toujours connue...


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