Lors de manifestations antimusulmanes les 25 et 26 décembre à Ajaccio, en Corse, des émeutiers ont attaqué une salle de prière musulmane, l'ont saccagée et ont brûlé des livres de prière dont des exemplaires du Coran. Suite aux incidents, les autorités locales ont interdit toute manifestation ou rassemblement jusqu'au 4 janvier.
L’émeute a éclaté après que deux pompiers et un policier ont été attaqués par plusieurs hommes cagoulés la veille de Noël dans le quartier défavorisé des Jardins de l'Empereur à Ajaccio, où vivent quelque 1.700 personnes, la moitié d'origine étrangère. Un pompier a dit à la télévision qu’une vingtaine de personnes armées de barres de fer et de battes de baseball avaient tenté de les attaquer, mais n’avaient pu briser les fenêtres de leur camion.
Le sous-préfet de Corse François Lalanne a déclaré qu'un incendie avait été délibérément allumé dans le quartier dans le but de tendre un « guet-apens » aux services d'urgence.
Avant que l'identité des assaillants n’ait été établie, un groupe de quelque 600 personnes a manifesté dans les rues d’Ajaccio, scandant « les Arabes, dehors » et « on est chez nous! » Une partie d’entre elles ont ensuite attaqué la salle de prière musulmane et vandalisé un restaurant kebab.
On ne sait pas qui est à l’origine de l'attaque des pompiers. Deux hommes d'une vingtaine d'années ont été placés en garde à vue dans le cadre d'une enquête sur les troubles.
«Leur implication dans l'agression des pompiers fait encore l'objet d'investigations», a déclaré le procureur Eric Bouillard, ajoutant que les hommes avaient eu des démêlés avec les autorités dans le passé.
L’émeute anti-musulmane est le produit de l'incitation à des sentiments islamophobes par l'ensemble de l'establishment politique, dont fait partie l'interdiction du foulard islamique et de la burqa. L'événement a surtout eu lieu dans l'atmosphère hystérique créée par l'état d'urgence imposé par le gouvernement PS (Parti socialiste) après les attaques terroristes du 13 novembre.
Sous l'état d'urgence, le gouvernement a interdit les manifestations, réprimé ceux qui ont continué de manifester malgré l'interdiction et procédé à des arrestations massives. Le PS prépare un amendement constitutionnel pour prolonger l'état d'urgence indéfiniment et permettre à la police de fouiller et de détenir toute personne que la police considère comme une menace potentielle à l'ordre public.
En plus de la mesure légitimant l’état d'urgence permanent, le PS a proposé un amendement à la constitution permettant de retirer la nationalité française à tous les binationaux condamnés pour terrorisme.
Cette mesure vise surtout les musulmans vu qu'une grande majorité des binationaux en France ont des origines remontant aux anciennes colonies africaines de la France. En décidant de révoquer la citoyenneté des personnes ayant la double nationalité, le PS se solidarise avec le FN néo-fasciste (Front national), le principal défenseur de la suppression de la nationalité française obtenue par les immigrés.
Les mesures préconisées par le PS rappellent l'occupation nazie des années 1940 où le régime collaborationniste de Vichy avait décrété la privation collective de la nationalité française pour la population juive au moment où on organisait son assassinat en masse.
Par l’emploi de ces mesures anti-démocratiques et réactionnaires le PS cherche, dans une crise sociale qui s’aggrave, à transformer la France en état policier, créant des conditions favorables à l’extrême-droite.
L'émeute anti-musulmane est survenue après que le FN a réalisé des gains électoraux importants aux élections régionales de décembre, triplant le nombre de ses conseillers dans de nombreuses régions. En Corse, les nationalistes corses avaient remporté une victoire inattendue.
Le FN a condamné l'attaque du 24 décembre contre les pompiers, appelé à des mesures sévères et adopté une attitude conciliante à l'égard de l'émeute anti-musulmane. Il écrit: « quand les citoyens ont le sentiment légitime que l'Etat ne fait plus régner l'ordre républicain, quand ils voient des pompiers et des policiers pris en embuscade dans un des innombrables ghettos que compte la France, il y a le risque évident qu'ils veuillent se faire justice eux-mêmes, et que des violences malheureusement s'en suivent. »
Après avoir encouragé la haine anti-musulmane, le gouvernement PS a fait une critique hypocrite de l'émeute. Tout en dénonçant « l'agression intolérable de pompiers », le premier ministre Manuel Valls a critiqué une « profanation inacceptable d’un lieu de prière musulman ».
Quant au ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve il a déclaré que les émeutes étaient des « exactions intolérables aux relents de racisme et de xénophobie ».
Il y a eu du fait de préjugés anti-musulmans un nombre croissant de manifestations antimusulmanes et d'incidents racistes depuis l'attaque terroriste de janvier 2015 sur Charlie Hebdo à Paris.
En juillet l'Observatoire national contre l'islamophobie rapportait que la France, où vivent quelque 5 millions de musulmans, la plus grande communauté musulmane d’Europe, avait connu 274 actes ou menaces anti-musulmans au premier semestre de 2015.
Ce chiffre représentait une augmentation de 281 pour cent par rapport à la même période en 2014, au cours de laquelle 72 actes anti-musulmans ont été répertoriés.