Terrorisme à Ouaga, un héritage de Blaise ? Par Françoise WASSERVOGEL Maliweb
En octobre 2014, au lendemain de la chute de Blaise Compaoré, certains Burkinabè redoutaient que l’ancien président du Faso ne continue à tirer les ficelles. Ils connaissaient toutes les facettes de celui qui avait régné en maître absolu sur leur pays depuis octobre 1987. Blaise était le bon élève du FMI et de la Banque mondiale. Il hébergeait une base militaire française et savait s’imposer dans la sous-région, car il connaissait les secrets de tous ses homologues. Son rôle dans les guerres au Libéria, en Sierra Leone et en Côte d’Ivoire ou vis-à-vis du Guinéen Dadis Camara, était connu de tous sur le continent et en Occident.
Personne n’ignorait que Blaise connaissait tous les trafiquants, ceux au Nord du Mali et ailleurs. D’une manière ou d’une autre, rien ne pouvait se faire sans passer par le Faso. En juin 2012, lorsque le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) chasse le Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla) de Gao (Mali), le Secrétaire général du groupe indépendantiste, Bilal Ag Achérif, blessé lors des affrontements, est évacué vers la capitale du Burkina.
C’est à l’Hôtel Laïco, à Ouagadougou, que s’installent les leaders du Mnla. Des gens du Mujao viennent y séjourner de temps en temps. C’était un peu comme si Blaise s’était entendu avec eux : «On se connaît bien, je vous héberge, vous ne touchez pas à mon pays». À Ouaga, personne n’y prêtait vraiment attention. Personne ne s’en offusquait, ni le Mali, ni l’armée française, ni les «Communautés internationales». Personne !
Médiateur de la Cédéao dans le dossier malien et épaulé par Djbril Bassolé, son ministre des Affaires étrangères, Blaise Compaoré héberge les négociations qui amènent les protagonistes et l’Etat malien à signer «l’accord préliminaire de Ouagadougou», le 18 juin 2013. Au pays des Hommes intègres, on ne se sentait pas menacé par l’insécurité qui prévalait chez les voisins. Nul ne peut occulter que dans la sous-région, tout s’entremêle.
Alors que Blaise Compaoré est hébergé en Côte d’Ivoire, les membres du Conseil national de transition burkinabè votent, en juillet 2015, la mise en accusation pour haute trahison de l’ancien président du Faso et de plusieurs de ses ministres. En novembre 2015, deux enregistrements sont publiés par la presse, comme étant ceux d’une conversation entre Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale ivoirienne et Djibril Bassolé. On entend deux hommes évoquer un soutien, notamment financier, au putsch que le général Gilbert Diendéré a tenté le 17 septembre au Burkina.
En octobre 2015, le général Diendéré et Djibril Bassolé sont inculpés pour attentat à la sûreté de l’Etat. Le 8 janvier 2016, une semaine après l’investiture de Roch Marc Kaboré, le nouveau président burkinabè, un mandat d’arrêt international est émis contre Guillaume Soro. Huit jours plus tard, la situation bascule au Faso.
Au petit matin du 15 janvier 2016, des individus non identifiés attaquent à la roquette une patrouille de la gendarmerie de Tinakof, dans le Nord du Burkina. Au même moment, un couple d’Australiens, un médecin et son épouse, sont enlevés dans le Nord du Faso où ils vivaient depuis plus de 40 ans. Dans la soirée, à Ouaga, des hommes armés attaquent l’Hôtel Splendid et le restaurant Capuccino. Un responsable d’Ansar Dine, le groupe jihadiste d’Iyad Ag Ghaly, a affirmé que le couple d’Australiens est retenu par «l’Emirat du Sahara», une branche d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). C’est le groupe Al Mourabitoune, lié à Aqmi et à des éléments du Mujao, et dirigé par l’Algérien Mokhtar Belmokhtar dit le Borgne, qui revendique l’attaque meurtrière contre le Splendid et le Capuccino.
Al Mourabitoune, c’est le groupe qui a aussi revendiqué les attentats contre l’Hôtel Radisson Blu de Bamako, en novembre 2015 ; l’Hôtel Byblos à Sévaré (Bamako) en août 2015 ; le Restaurant «La Terrasse» à Bamako, en mars 2015 et le site «In Amenas» (Algérie) en janvier 2013.
Le 16 janvier 2016, au lendemain de l’attaque terroriste à Ouagadougou, qui a provoqué la mort de 29 personnes et blessé des dizaines d’autres, Mossa Ag Attaher, porte-parole du Mnla, est arrêté par les services de sécurité du Burkina Faso. Les raisons de son arrestation sont inconnues et il semble, à l’heure où nous écrivons, qu’il ait été libéré. Iyad Ag Ghaly, Mokhtar Belmokhtar, Ansar Dine, Aqmi, Al Mourabitoune, Mujao, Mnla… les acteurs de la bande sahélo-saharienne n’ont jamais cessé d’agir, mais cette fois-ci, ils surgissent au pays des Hommes intègres. Certains Burkinabè craignaient qu’après la chute de Blaise, des ficelles ne soient actionnées de loin et que des terroristes ne fassent qu’une bouchée du Faso. Ils ne souhaitaient pas être des oiseaux de mauvais augure.
Françoise WASSERVOGEL