Anne Lauvergeon, et plus dure sera la chute Par Jacques Marie Bourget Mondafrique
« Libération » (10/02/2016) publie des preuves accablantes des turpitudes d’Anne Lauvergeon à la tête d’Areva, notamment dans le dossier du rachat de mines en Centrafrique. Portrait
Anne Lauvergeon synthétisait tous les atouts du deuxième sexe, elle avait de jolis diplômes, une silhouette d’actrice et François Mitterrand lui avait tiré l’oreille quand elle était sa conseillère à l’Élysée. On ne peut rêver mieux, être à la fois Marie Curie, Beauvoir et Lauren Bacall.
Dans notre comédie du pouvoir il y a des acteurs qui sont bien plus chanceux que d’autres. Une fois installés devant la rampe, ils deviennent – à vie- estampillés merveilleux, indispensables, uniques. Pour tout dire géniaux. Je pense ici, mais la liste n’est pas limitative, à Alain Minc capable de renaître de toute faillite, à Jacques Attali plus utile qu’un couteau suisse, à Pierre Péan qui occupe seul tout l’espace du vrai journalisme. Ces héros-là sont des icônes indécrochables de nos murs du « hall of fame ».
Anne Méaux à la manoeuvre
Chez les femmes, Anne Lauvergeon synthétise tous les atouts du deuxième sexe. Elle possède de jolis diplômes, une silhouette d’actrice et François Mitterrand lui a tiré l’oreille quand elle était sa conseillère à l’Élysée. On ne peut rêver mieux, être à la fois Marie Curie, Beauvoir et Lauren Bacall. Pour entretenir cette légende, comme les propriétaires de maisons trop grandes, Anne a eu besoin de personnel.
C’est alors que les équipes d’Anne Méaux, la reine d’une communication qui n’est pas synonyme de vérité, a souvent mouillé sa chemise pour maintenir l’auréole d’Anne au niveau de celle de Jeanne d’Arc. A la tête d’Aréva, mastodonte du nucléaire français, Lauvergeon devait aussi affronter les offensives hostiles de quelques monstres comme Proglio, le patron d’EDF, ou Kron, celui d’Alstom. Lance rocket en main, Méaux était toujours présente, liée par un contrat en or pour défendre Anne qui elle même n’avait pas de prix.
La Cour voit rouge
Nos confrères des « Échos » ont obtenu le pré-rapport établi par les grands experts de la rue Cambon où siège la Cour des comptes, au premier coup d’œil sa note apparait salée. Première flèche, le salaire exorbitant d’Atomic Anne : « la rémunération de l’ancienne présidente du directoire a connu une progression très rapide… La découverte tardive de dossiers dont la mauvaise gestion coûte aujourd’hui très cher au groupe amène à critiquer une telle progression… » . Les hommes en noir de la Cour sont des machos.
Passons sur la catastrophe économique de la centrale EPR construite en Finlande qui a déjà fait perdre 3 milliards d’euros à la compagnie de Lauvergeon, pour en venir directement à ce qui est notre tropisme, l’Afrique. Triste tropisme pour Aréva qui, sur la terre de ce continent réputé pauvre, va perdre deux milliards de plus. Alors que justement, à l’heure des guerres africaines de Hollande, le trapéziste Jean-Yves Le Drian s’en va bientôt préciser les deux milliards de coupes claires qui vont tomber sur le dos des armées tricolores…Rappelons qu’Aréva est une société à capitaux d’État.
La Cour des comptes met en lumière ce que les lecteurs qui ont suivi le feuilleton sur « Bakchich » puis sur « Mondafrique » savent déjà : en Namibie et en Centrafrique, comme prise de folie, Aréva a jeté l’argent par des fenêtres qui n’existaient même pas.
Nos lecteurs donc, on déjà eu le temps de se poser cette question : comment, en Centrafrique, autour d’un projet minier où rodaient des personnages aussi exotiques que Patrick Balkany, l’ami de Sarkozy et un certain Robert Forest « facilitateur » d’affaires, Anne Lauvergeon a-t-elle pu engloutir près de deux milliards de dollars dans une illusion ? De l’argent versé à la société Uramin, immatriculée aux Iles Vierges, afin d’extraire du sol des tonnes de minerai d’uranium. Alors, simple détail, qu’Uramin n’avait même pas le permis d’exploiter le vaste site en question ! Ici, dans leur rapport, les sages de la rue Cambon le sont vraiment beaucoup. Peu habitués à la consommation de patates chaudes, mais très entrainés à la litote, les experts écrivent -sur l’aventure d’Atomic Anne en RCA et l’achat d’Uramin- : « Si obscures que soient certaines péripéties de l’affaire Uramin dont les tribunaux ont encore à connaître, celle- ci laisse apparaitre des fautes individuelles ou des manquements, ne serait-ce que des défauts de surveillance, voire de la dissimulation, certes difficiles à apprécier mais que le groupe, selon les documents disponibles , n’a pas cherché à élucider ».
Icone un jour, icone toujours
Tout cela, dit avec des fleurs empoisonnées, a un sens, c’est celui-ci : « Où est vraiment passé tout cet argent ?… ». Question qui pendant des mois, après décembre 2011 date de nos révélations, a pris place dans la capacité d’interrogation de nos lecteurs… Sans obtenir de réponse. Alors que, sur ce sujet, ni nos confrères grands investigateurs des journaux de « validation » et de « référence », ni les juges de la République n’ont jamais songé à bouger le plus petit de leurs doigts. A propos de l’autre marché, comparable à celui signé en RCA mais passé en Namibie, la Cour des comptes un brin espiègle, remarque qu’après l’achat du gisement, 865 millions ont été tout de suite dépensés « avant même que des sondages géologiques sérieux aient été faits »… Une telle insouciance, face à la réalité du trésor supposé, nous fait penser à une « affaire » qui s’est déroulée de 1975 à 1979, celle des « avions renifleurs », farce coûteuse pour les finances d’Elf, c’est-à-dire de l’État.
Icône, Anne Lauvergeon devait rester accrochée à ses cimaises de la bonne renommée. Ainsi, quand Hollande a formé son gouvernement numéro deux la presse n’a eu qu’un mot en bouche annonçant Anne Lauvergeon partante pour une rafale de ministères : Industrie, Économie, Commerce extérieur, Recherche. En oubliant celui de la Culture, qui englobe le spectacle vivant, auquel Atomic Anne pouvait prétendre en tant que magicienne, capable de faire disparaitre des milliards sans qu’on ait le temps de faire « ouf ».