Deutsche Bank en bien mauvaise posture quoi qu’en dise son patron Par Elisabeth Studer Blog Finance
Rien en va plus ou presque pour Deutsche Bank. Si John Cryan, le nouveau patron de la première banque allemande a certes tenté de faire croire le contraire, il n’a semble-t-il pas réussi à rassurer les investisseurs sur la solidité financière de l‘établissement financier et sur sa capacité à honorer ses créanciers.
« Deutsche Bank reste solide comme un roc, au vu de notre situation de capital et de risque », a ainsi martelé John Cryan dans une lettre adressée aux employés mais rendue publique par la banque.
Des propos qui n’ont pas eu l’heur de satisfaire les marchés, le titre de la banque chutant ainsi de 4,27 % à 13,23 euros à la Bourse de Francfort mardi à la cloture, conduisant à une dégringolade de l’action de près de 14 % en moins de deux jours, et de plus de 40% depuis début janvier. Lundi soir, après une chute du titre avoisinant 10 % , la banque avait d’ores et déjà tenté d’apaiser les investisseurs en profitant de la « force » d’une communication « pour rassurer le marché » sur sa capacité et son « engagement à payer des obligations aux investisseurs ».
Dans un bref communiqué boursier, la banque a par ailleurs indiqué que sa « capacité de remboursement » sur des obligations hybrides AT1 (Additional Tier 1) était « d’environ un milliard d’euros » cette année. Ce qui, selon elle, devrait amplement lui permettre de rembourser des obligations de 350 millions d’euros à échéance du 30 avril prochain.
Des affirmations se voulant rassurantes alors que les marchés avaient laissé entrevoir leurs inquiétudes quant au remboursement de ce type de dette émise par Deutsche Bank et d’autres établissements en vue de gonfler leurs réserves de liquidités mais à des taux d’intérêts relativement élevés, des craintes de plus en plus fortes conduisant lundi au plongeon de l’action Deutsche Bank. Les investisseurs s’inquiètent en effet de l’évolution, au sein des bilans bancaires européens, des obligations hybrides dites CoCo (contingent convertible), dont les cours ont été tellement sabrés que la situation a engendré des opérations de couverture par le biais de swaps CDS.
Selon les prévisions de l’établissement, Deutsche Bank sera même en mesure de rembourser 4,3 milliards d’euros d’AT1 en 2017, aidée par des gains de cession et des réserves, « à même de compenser de potentielles pertes pouvant survenir à l’avenir ». Des propos qui ont certes permis au titre de se redresser quelque peu mardi matin, le répit n’étant toutefois que de courte durée.
Car la défiance prévaut face à ce qui est devenu en quelques années la brebis galeuse du secteur financier allemand, la banque devant tout de même gérer la bagatelle de 6.000 actions juridiques menées à son encontre et venant de publier une perte de près de 7 milliards d’euros pour 2015.
« Le marché s’inquiète de savoir si nos provisions pour risques juridiques suffisent », a certes reconnu M. Cryan mardi, affirmant que lui-même n’était pas inquiet sur ce point. Il a toutefois ajouté que la banque allait « certainement devoir passer d’autres provisions » mais que ses prévisions financières en tenaient compte.
Précisons que Deutsche Bank a dû faire face à des charges exceptionnelles de 12 milliards d’euros en 2015, entre autre à cause des provisions passées pour ces litiges (5,2 milliards d’euros). L’établissement financier a en effet fait l’objet de nombreux scandales financiers, dont le plus célèbre reste celui du Libor. Lui sont également reprochées des manipulations de taux et des soupçons de blanchiment d’argent.
Sont également inclus dans ces charges exceptionnelles des dépréciations et des frais de restructurations et indemnités de départ. Les dépréciations sont liées essentiellement aux ajustements de la valeur des actifs de la banque de détail Postbank et de la banque d’investissement. Elles ont représenté à elles seules 5,8 milliards d’euros, les charges de restructuration se chiffrant quant à elles à un milliard.
Dorénavant, Deutsche Bank a une capitalisation boursière inférieure à celle de Beiersdorf, le fabricant de la crème Nivea … lequel fait toutefois cinq fois moins de chiffre d’affaires. La faiblesse du cours commence même à alimenter dans la presse allemande de premières spéculations de rachats.
Sources : AFP, Reuters, La Tribune
Elisabeth Studer – 09 février 2016 – www.leblogfinance.com