L’État français veut détruire le camp de réfugiés à Calais Par Stéphane Hugues WSWS
Sur ordre du gouvernement PS, Fabienne Buccio, la Préfète du Pas-de-Calais, a lancé une initiative pour raser la moitié du camp de fortune, appelé “la jungle,” bâti près de Calais par les réfugiés qui tentent de passer en Angleterre.
Le 3 février, Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, a reçu le Maire de Calais, Natacha Bouchart, et Xavier Bertrand, président du conseil régional Nord-Pas-de-Calais-Picardie, tous deux du parti Les Républicains (LR), et Yann Capet, député PS du Pas-de-Calais. Les trois ont plaidé pour la destruction de la “jungle” et même pour intervention de l’armée. Bouchart a dit, « il est nécessaire que le message politique soit plus clair : ceux qui ne veulent pas demander l’asile en France n’ont pas vocation à y rester ».
Cazeneuve a répondu favorablement à leur demande et a missionné la Préfète Buccio pour faire le nécessaire. Le but est de démoraliser les réfugiés et de les forcer à partir. Buccio a déjà réalisé la première phase du démantèlement du camp. Elle a fait raser un cordon de 100 mètres de large qui sépare à présent le camp de la rocade portuaire, afin d’arrêter les tentatives des réfugiés de monter sur les poids lourds qui commencent la traversée vers l’Angleterre. Les réfugiés ont été refoulés vers l’intérieur du camp.
Cette semaine, Buccio a dit, « Le temps est venu de passer à une autre étape ». Lors d’une conférence de presse, elle a déclaré : « plus personne ne doit vivre sur [la] partie sud du camp […], tout le monde doit quitter cette partie-là. » Elle estimait que « 800 à 1000 personnes » y vivent aujourd’hui. Les associations et les NGO évaluent cependant à 2000 personnes la population sur cette partie sud du camp, destinée elle aussi à être rasée.
En clair, la préfecture a laissé une semaine aux migrants de ce secteur sud pour partir et « occuper les places mises à leur disposition », soit au « Centre d’accueil provisoire » (CAP) construit avec des conteneurs et ouvert à côté du camp en janvier, capable d’accueillir 1500 personnes si l’on en compte 12 par conteneur, soit dans les différents centres d’accueil et d’orientation (CAO) de France.
Afin de décourager les réfugiés qui seraient tentés de s’installer dans le CAP, les conteneurs ont un dispositif de sécurité basé sur les empreintes digitales, dont les réfugiés sont très méfiants. Les empreintes des réfugiés pourraient être partagées avec l’ensemble des pays de l’Union européenne, dont le Royaume-Uni. Pire, si le système ne voit pas passer un réfugié pendant deux jours il est automatiquement rayé du système et il perd sa place dans le conteneur. Si par contre un réfugié demande à être placé dans un CAO, il peut se retrouver envoyé n’importe où en France.
Les réfugiés ont construit dans leur camp deux églises, deux mosquées, trois écoles, un théâtre, trois bibliothèques, une salle informatique, deux infirmeries, vingt-huit restaurants, quarante-quatre épiceries, un hammam et deux salons de coiffure. Il y a une volonté de démoraliser les réfugiés, de les humilier, et de les faire partir n’importe où, sauf au Royaume-Uni. Même dans le CAP, ils seront entassés dans les conteneurs presque comme du bétail avec interdiction de se regrouper en famille.
Cette nouvelle initiative du gouvernement PS du Président François Hollande et du premier ministre Manuel Valls est dans la lignée d’une série d’attaques du PS contre les droits des réfugiés. Le gouvernement PS de Lionel Jospin a établi un premier camp près de Calais en 1999 à Sangatte, afin de stopper des réfugiés qui tentaient de se rendre au Royaume-uni. C’était un bâtiment de 27 000 m² géré par le Croix rouge. À la réélection du Président Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy est devenu le ministre de l’Intérieur et a fermé Sangatte en 2002.
Les réfugiés ont ensuite établi des petits campements sauvages autour de Calais. Le PS et LR ont lancé régulièrement les descentes de la police et de la gendarmerie pour détruire les camps et arrêter les réfugiés. Chaque fois de nouveaux réfugiés prenaient leurs places, mais petit à petit les interventions ont poussé les réfugiés à se regrouper tous en un seul campement à l’extérieur de Calais, surnommé la « Jungle ».
À présent, pour le PS, c’est le tour de la « Jungle » d’être rasée ; le but étant de dégoûter les réfugiés et leur faire quitter la France. L’État applique la même politique aux Roms, qu’il expulsait auparavant vers la Roumanie. À présent qu’ils sont devenus des ressortissants de l’UE, le PS fait détruire des dizaines de leurs campements chaque année, dans l’espoir qu’ils finiront par partir en Roumanie de leur propre chef.
La France crée une situation quasiment impossible pour les travailleurs immigrés. Les demandeurs d’asile en France ne peuvent travailler qu’une fois que leur demande est acceptée, ce qui prend en moyenne 9 mois. S’ils veulent travailler pendant ce temps, ils doivent le faire au noir. Même s’ils sont ensuite acceptés comme réfugiés ou comme immigrés, le taux de chômage en France étant à 10,5 pour cent, ils se trouvent forcés d’accepter les pires conditions de travail.
Même en termes d’immigration légale en 2011 l’OCDE n’a comptabilisé que 211 300 entrants en France, soit 0,33 pour cent de la population. En nombre la France se trouvait derrière l’Espagne (349 300), le Royaume-Uni (321 200), l’Italie (312 200) et l’Allemagne (290 800). En pourcentage de la population, la France se trouvait au 15e rang sur 16 pays européens : seule la République tchèque était plus bas avec 0,22 pour cent.
La France refuse la plupart des demandeurs d’asile en France. L’année dernière, sur 79 100 demandes de toutes origines, seules 26 700 (31,5 pour cent) ont été acceptées. Les autres demandeurs ont reçu une notification de quitter le territoire.
C’est le résultat de décennies où la classe dirigeante française a encouragé le poison du racisme et de l’islamophobie, se servant parfois du Front national comme épouvantail, afin de miner les droits démocratiques et d’attaquer les réfugiés.
Le Premier ministre Manuel Valls a récemment insisté pour dire que la France n’accepterait pas de recevoir plus de 30 000 réfugiés syriens. En réalité, la France n’a accueilli que 10 000 réfugiés syriens depuis le début du conflit en 2011. Sur ce quota de 30 000 moins de mille sont arrivés sur le sol français. Sur 78 réfugiés syriens arrivés de Munich en France, 18 sont déjà repartis en Allemagne.