Mali. Un traité de coopération de défense pour une nouvelle hégémonie Par Lydia Samarbakhsh PCF
Un traité de coopération de défense entre la France et le Mali vient d’être voté au Sénat. Il s’inscrit dans une démarche hégémonique de long terme. Le texte met en avant un «partenariat» d’égal à égal et «une réciprocité entre les deux pays». Or, il n’en est rien. L’étude d’impact révèle en outre que le traité «inscrit dans la durée l’influence militaire française».
Il s’agit d’un traité passé avec un État «failli», en situation de faiblesse. Seule prévaut une logique de domination militaire et économique. L’utilisation du complexe militaro-industriel vise à sécuriser l’extraction des matières premières dans l’espace sahélo-saharien et à avoir une mainmise sur l’économie officielle ou souterraine. Concernant les ventes d’armes, la démarche est limpide. L’étude d’impact rattachée au projet de loi prévoit qu’il permettra d’offrir «des débouchés aux entreprises françaises dans les domaines de l’armement». Ainsi, la France compte donner aux forces maliennes «des méthodes de travail et d’équipement favorables, sur le long terme, aux exportations». L’armée malienne devra s’équiper français. Voilà pour le volet «coopération». Quant au volet «défense», le traité n’est qu’un leurre car l’essentiel est ailleurs, comme précisé dans l’article 25. Le traité est «sans préjudice de la mise en œuvre d’autres accords»... en particulier l’accord déterminant le statut de la force «Serval». Non seulement il n’abroge ni ne remplace ces accords, mais il permet tout arrangement spécifique laissant le champ libre à l’armée française.
Tout cela s’inscrit dans une logique de militarisation du Sahel incarnée par Barkhane, avec une distribution des tâches entre les troupes françaises et américaines. Quel paradoxe ! L’État français prétend apporter des réponses, alors qu’il a participé à engendrer l’effondrement du Mali. Avec la guerre en Libye, il porte en effet une lourde responsabilité dans la déstabilisation de la sous-région.
Aujourd’hui, le conflit qui se joue est une guerre pour le contrôle des trafics de marchandises, d’armes, de drogue, d’êtres humains. Le recyclage de sommes colossales par le système financier international est en jeu. Cette gangrène s’est développée sur un modèle économique imposé aux forceps. Le cycle infernal de la dette et des plans d’ajustements structurels ont fragilisé les États. Il a produit des économies de rente et conduit au délitement y compris des forces armées. Demain, les Accords de libre-échange intégral, dits «de partenariats économiques» impulsés par l’Union européenne vont profiter aux groupes transnationaux et réduire davantage les rentrées financières des États. A qui vont profiter ces nouveaux déséquilibres ?
C’est sur le terreau de la misère, du chômage et des frustrations que se développent l’obscurantisme et les violences. Le Mali a besoin de reconstituer un État, les jeunes Maliens de retrouver un espoir. Cela nécessite une réelle coopération pour soutenir une démarche endogène, souveraine de développement. Celle-ci passe par l’écoute du peuple malien, pour qu’il décide lui-même de son propre destin. Or, jusqu’ici, on lui refuse toute parole, tout débat en son sein. Je veux rappeler à ce propos les paroles d’Aminata Dramane Traoré : «Si les soldats étaient des enseignants, des médecins, des ingénieurs, et si les milliards d’euros qui vont être dépensés étaient destinés à ceux et celles qui en ont le plus besoin, nos enfants n’auraient pas besoin d’aller se faire tuer en soldats mal payés, en narcotrafiquants ou en fous de Dieu.»
Texte : Lydia Samarbakhsh
Responsable du secteur international du PCF