Le silence de la France sur le sort des militaires tchadiens disparus Le Monde 11/05/16
N’Djamena, capitale du Tchad, est devenue une ville très fréquentée par les politiques français. Fin avril, Nathalie Kosciusko-Morizet, la candidate à la primaire de la droite et du centre qui entreprenait un déplacement de quatre jours auprès de l’armée française, est passée par le Tchad pour une « plongée au cœur du dispositif Barkhane », l’opération française chargée de lutter contre les groupes armés djihadistes dans la bande sahélo-saharienne. Quelques jours plus tard, c’était au tour du ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, de faire une halte à N’Djamena au cours d’un voyage de trois jours sur le continent. Il s’est entretenu en tête à tête avec Idriss Déby, le président qui vient d’être réélu au cours d’une élection contestée.
L’ancienne ville-garnison créée au début du XXe siècle par les militaires français qui ont colonisé le Tchad n’a jamais cessé d’être une zone stratégique pour les Français. Les opérations extérieures se sont succédé quasiment sans interruption depuis l’indépendance du pays. Aujourd’hui, le Tchad est le principal allié de la France dans la région et Idriss Déby dispose de soutiens importants à Paris, notamment dans les milieux militaires.
Partis en mission… sans prévenir
L’armée tchadienne est une armée à deux vitesses. D’un côté, des corps d’élite qui se battent au Mali contre Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et ses affidés et dans le bassin du lac Tchad contre Boko Haram. Cette armée bien équipée et bien entraînée bénéficie d’importants financements de la France et des Etats-Unis, qui ferment les yeux sur ses pratiques brutales et sa composition, essentiellement des proches du président Déby. De l’autre, il existe une armée qui dispose de peu de moyens et dont le recrutement est plus divers du point de vue de l’origine ethnique et des positions politiques.
Si les Français estiment les militaires engagés au Mali et au lac Tchad, ils ne se soucient guère du sort des « autres » militaires, ceux qui ont eu le mauvais goût de ne pas voter pour le président Idriss Déby lors de l’élection du 9 avril, et dont on est sans nouvelles depuis.