Vue aérienne d’un dépôt de bois à Sare Bodjo en Gambie, à la frontière avec le Sénégal transmise le 26 mai 2016 par l’association sénégalaise de protection de l’environnement Oceanium © OCEANIUM/AFP Haidar El Ali
Dakar (AFP) – Les forêts risquent de disparaître d’ici deux ans de Casamance, la région la plus boisée du Sénégal, dans le sud du pays, à cause du trafic de bois vers la Chine à partir de la Gambie voisine, a averti jeudi un militant écologiste et ancien ministre sénégalais.
Le pillage de la forêt en Casamance, frontalière de la Gambie et confrontée à une rébellion armée, « a atteint un seuil de non-retour et d’ici deux ans, ce sera trop tard. Nous tirons la sonnette d’alarme », a dit Haidar El Ali, militant écologiste de longue date et ancien ministre de l’Environnement, lors d’une conférence de presse à Dakar.
« Le Sénégal a perdu plus d’un million d’arbres depuis 2010 tandis que les exploitants basés en Gambie ont empoché près de 140 milliards de francs CFA (plus de 213 millions d’euros) en exportant ce bois vers la Chine où la demande de meubles a explosé ces dernières années », a t-il indiqué.
A l’appui de ses dires, il a montré de nombreux documents photo et vidéo, ainsi qu’un graphique illustrant l’explosion des importations de bois de vène provenant d’Afrique, selon les statistiques des douanes chinoises.
Cette contrebande se fait, selon lui, avec la complicité de Gambiens et de Sénégalais mais aussi « d’exploitants et de Chinois mafieux qui installent le désert dans notre pays », a-t-il affirmé, faisant état de l’implication présumée de responsables gambiens.
« Le trafic a pris une telle ampleur que les gens (des émigrés sénégalais, ndlr) reviennent d’Europe pour couper le bois parce que c’est une manne financière », a ajouté M. El Ali, qui dirige l’Océanium, à la fois centre de plongée et association de protection de l’environnement.
« Ce n’est pas un combat facile parce que les intérêts en jeu sont énormes. Le gouvernement sénégalais ne met pas les moyens » pour juguler le phénomène, a ajouté l’ancien ministre, estimant que « c’est une question de volonté politique ».
La destruction des forêts « aura un impact irrémédiable sur la fertilité des sols. Le taux de précipitations chutera dramatiquement et impactera l’agriculture et le tourisme dans l’une des régions les plus pauvres du pays », a prévenu le militant écologiste.
En avril, une équipe du ministère sénégalais de l’Environnement qui réalisait une étude sur les ressources naturelles en Casamance avait été arrêtée en Gambie en train de prendre des images de bois coupé et entreposé, pour être relâchée au bout de 48 heures.
La Casamance est confrontée depuis 1982 à une rébellion armée menée par le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC).
AFP