Le maire du Parti socialiste (PS) de Sisco sur l’île française de Corse en Méditerranée a interdit le « burkini », maillot de bain qui couvre tout le corps pour les femmes musulmanes, après qu’une rixe a éclaté entre les villageois corses et trois familles musulmanes d’origine nord-africaine.
Samedi après-midi, les jeunes du village étaient à la plage avec les familles musulmanes. Le combat aurait éclaté lorsque des hommes musulmans ont accusé un touriste de prendre des photos de sa femme et jeté une pierre au vacancier. Puis, selon des témoins, « un adolescent de Sisco immortalise avec son smartphone la bagarre entre le père et le vacancier. À son tour, il est pris à partie et reçoit un coup au visage. Lui et ses copains appellent alors des adultes du village à la rescousse, qui affluent par dizaines. Insultes, mêlées, jets de pierres et de bouteilles. »
La rixe a laissé cinq personnes blessées, dont au moins deux hommes d’origine nord-africaine couverts d’hématômes. Quatre ont été brièvement hospitalisés. Trois voitures appartenant aux familles d’Afrique du Nord ont été incendiées.
Bien avant que les circonstances de la bagarre aient été établies, l’élite dirigeante française s’est saisie de cet incident pour lancer une campagne provocatrice et réactionnaire pour attiser l’hystérie anti-musulmane. Lundi, le maire de Sisco, Ange-Pierre Vivoni, a publié un décret interdisant le port du burkini sur les plages de sa ville. Le décret suivait deux interdictions similaires, des villes de Cannes et Villeneuve-Loubet sur la Côte d’Azur, récemment approuvées par un tribunal administratif.
Cette interdiction a fait l’objet d’une intervention extraordinaire de la part des autorités nationales et des partis politiques. Le Premier ministre Manuel Valls (PS) a déclaré à La Provence qu’il « soutenait » les maires interdisant les burkinis, qu’il a caractérisé comme n’étant « pas compatible avec les valeurs de la France et de la République », alors que le ministre des droits de la Famille, des enfants et des femmes, Laurence Rossignol (PS) a défendu les interdictions, déclarant sur le but du Burkini : « qu’il s’agit d’enfermer, de dissimuler le corps des femmes pour mieux les contrôler ».
Le vice-président du Front national néo-fasciste (FN), Florian Philippot, a fait écho aux attaques du PS sur les musulmans. « Rien d’étonnant quand l’État laisse agir la racaille et la violence islamiste sans réponse, » a-t-il dit, appelant à « l’interdiction générale et absolue du burkini sur toutes les plages de France. »
Vivoni a imposé son interdiction en s’appuyant sur des allégations infondées que l’incident de samedi a été causé par des femmes portant des burkinis. Il a affirmé que l’interdiction était nécessaire pour protéger la population. En fait, l’interdiction ne vise ni à protéger la population, ni à défendre les droits démocratiques des femmes, mais à attaquer les droits démocratiques et à encourager le racisme, en s’orientant vers des forces nationalistes corses et d’extrême droite.
Vivoni a justifié la mesure en se fondant sur des arguments avancés lors d’une manifestation de droite le dimanche après l’incident. Quelque 500 personnes se sont rassemblées dimanche dans les zones de Bastia qui abritent une importante communauté nord-africaine, en criant « Aux armes, on va monter parce qu’on est chez-nous. » Citant des allégations d’une jeune fille au rassemblement, Vivoni déclaré à l’AFP : « Je confirme qu’il y avait une femme qui se baignait en burkini... [qui est] un effet de mode que l’on voit sur toutes les plages en Corse. »
De même, le mois dernier, le maire de droite de Cannes a signé un décret dénonçant les burkinis comme une incitation à la violence terroriste et une menace pour l’ordre public et l’hygiène. Il a déclaré : « Une tenue de plage manifestant de manière ostentatoire une appartenance religieuse, alors que la France et les lieux de culte religieux sont actuellement la cible d’attaques terroristes, est de nature à créer des risques de troubles à l’ordre public (attroupements, échauffourées, etc.) qu’il est nécessaire de prévenir. » Il a imposé 38 euros d’amende pour le port d’un burkini.
Ces accusations selon lesquelles les femmes musulmanes, qui exercent leur droit démocratique de se vêtir comme elles le veulent, inciteraient à la violence terroriste liée à la milice de l’État islamique en Irak et en Syrie (EI), et seraient donc hostiles à la France, sont des mensonges sans fondement et dangereux. L’incitation implacable du sentiment anti-musulman, comme la bagarre à Sisco le montre, a poussé les tensions ethniques et sectaires en France au point d’ébullition.
Ce sont les élites dirigeantes en France et les autres puissances de l’OTAN qui ont incité les forces terroristes islamistes dans le cadre de leurs guerres pour un changement de régime à travers le Moyen-Orient et en Afrique. Elles fomentent des guerres par procuration, l’armement et le financement des milices islamistes et des groupes terroristes — d’abord pour renverser le régime libyen en 2011, puis pour attiser une guerre civile sectaire en Syrie qui a fait plus de 400 000 morts et a poussé plus de 10 millions de personnes à fuir leurs foyers.
L’hypocrisie de la campagne contre le burkini est stupéfiante. Les médias américains ont rapporté que la CIA est en train d’armer les milices de l’opposition liées à Al-Qaïda autour de la ville syrienne d’Alep avec des missiles antichars et d’autres armes de hautes technologies pour attaquer les forces gouvernementales syriennes soutenues par la Russie. Malgré tout cela, ce les baigneuses musulmanes, et non les actions irresponsables des puissances impérialistes de l’OTAN qui arment les groupes terroristes et menacent de provoquer une guerre avec la Russie, qui sont dénoncées comme des menaces.
Les interdictions du burkini sont fondamentalement opposées aux principes de la laïcité et violent les droits démocratiques fondamentaux. La Convention européenne dans l’article 9 sur la liberté religieuse dispose : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. »
L’interdiction burkini est le résultat de plus d’une décennie de l’escalade des attaques contre les droits démocratiques des musulmans en France. Le gouvernement conservateur du président Jacques Chirac a imposé une interdiction du port du foulard dans les écoles publiques en 2004, suivie d’une interdiction de la burqa introduite par le président de droite, Nicolas Sarkozy. Ces interdictions ont été soutenues par des groupes pseudo-gauches, y compris le Nouveau Parti Anticapitaliste, qui ont ensuite soutenu les guerres impérialistes en Libye et en Syrie ; leurs justifications de ces décisions anti-musulmanes haineuses telle que pour le port du voile et l’interdiction de la burqa avaient trait à des questions de mode de vie et non des questions politiques.
Les allégations actuelles que les maillots de bain musulmans commercialisés par les grands magasins de vêtements en Europe incitent au terrorisme soulignent le caractère absurde et frauduleux de ces atteintes aux droits démocratiques, qui ont attisé les sentiments réactionnaires pro-FN en France.
« Depuis quand le port d’un burkini, dans la plupart des cas, une version de nylon ample d’une combinaison de plongée, est devenu un acte d’allégeance à des mouvements terroristes ? » a demandé Huda Jawad dans The Independent britannique. « Est-ce que les magasins ‘Marks & Spencer’ ou ‘House of Fraser’ savent que leur tentative d’augmenter leurs profits et d’exploiter une lacune dans le marché sursaturé des vêtements vend et fait la promotion de l’allégeance à l’ÉI ? »
L’hystérie anti-burkini vise avant tout la classe ouvrière, et la montée de l’opposition à la politique de guerre et d’austérité sociale imposées par l’Union européenne et le gouvernement PS français.
La bourgeoisie européenne s’empare des atrocités terroristes récentes, comme les attaques de Charlie Hebdo et du 13 novembre l’an dernier à Paris et l’attaque du 22 mars à Bruxelles — toutes réalisées par des forces connues des services de renseignements européens — pour imposer des mesures d’État policier et des formes autoritaires de gouvernement. Le président français François Hollande a imposé un état d’urgence suspendant les droits démocratiques fondamentaux, et la promotion des politiques associées au régime collaborationniste de Vichy, telle que la déchéance de la nationalité française pour ceux prétendument liés au terrorisme.
L’état d’urgence français a été principalement utilisé pour justifier la répression et en essayant d’interdire les manifestations de ce printemps contre les attaques draconiennes sur les conditions sociales contenues dans la loi travail extrêmement impopulaire du gouvernement PS.
La seule voie à suivre pour les travailleurs conscients de leurs intérêts de classe est de s’opposer aux tentatives de la bourgeoisie de diviser la classe ouvrière selon des lignes religieuses et raciales avec des politiques réactionnaires telles que les interdictions du burkini.
(Article paru d’abord en anglais le 18 août 2016)