Haïti-Élections 2016 : Moïse Jean Charles et l’exceptionnalisme Haïtien Par Boaz Anglade Mondialisation.ca
En mars 2014, le sénateur Haïtien Moïse Jean Charles, candidat à la présidence, a été invité par plusieurs missions permanentes à s’adresser à l’ONU sur « l’utilisation du pouvoir de la base et de la technologie pour combattre l’exploitation des femmes et des enfants ». Tout en célébrant cette initiative louable visant à répondre aux objectifs de développement du millénaire, dans son discours, Moïse a fermement rejeté l’idée que l’exploitation des groupes vulnérables soit un problème quasi-technique qui puisse être résolu par le biais des nouvelles technologies et des réunions de base. Il a plutôt mis l’accent sur les vraies causes de l’exploitation: un système économique injuste et une mauvaise distribution des richesses, qui selon lui favorisent l’accroissement de l’exploitation à des fins commerciales. Il a aussi saisi l’occasion pour plaider en faveur des peuples victimes de discrimination et d’exploitation à travers le monde, et réclamer la fin de l’injustice sous toutes ses formes pour un monde plus juste et équitable. Si pour plus d’un, ce discours rebelle a paru peu orthodoxe, pour moi ce fut une manifestation claire de l’exceptionnalisme haïtien. Par le terme «exceptionnalisme haïtien», j’entends non pas l’idée d’une Haïti exceptionnellement bizarre, incompréhensible, et énigmatique; mais plutôt l’idée d’une Haïti occupant une place particulière parmi les nations et doté d’une « destinée manifeste » qui consiste à s’engager aux côtés des plus vulnérables, de dire la vérité aux puissants, et de défendre la liberté des peuples opprimés.
À travers l’histoire, Haïti a toujours assumé un rôle de défenseur de la liberté et repaire pour les affligés. Depuis son indépendance obtenue grâce à la première révolte d’esclaves réussie du monde moderne, Haïti s’est ouvertement établie comme une source d’inspiration et un refuge pour les enchainés du monde. En effet, selon la première constitution datant de 1805, quiconque étant esclave devenait libre ipso facto en foulant le sol Haïtien. Par ailleurs, en 1815, lorsque Simón Bolívar a touché le fond dans sa lutte pour la libération de l’Amérique latine, c’est dans les bras de la jeune république Haïtienne qu’il s’est réfugié. Et, c’est du Président Haïtien Alexandre Pétion qu’il a reçu le soutien nécessaire pour continuer son combat contre les troupes espagnoles. En retour, Pétion n’a eu qu’une seule demande: l’abolition de l’esclavage partout où Bolívar allait commander. De même, en 1822, grâce au président Boyer et sa campagne militaire pour la réunification de l’ile, l’esclavage des noirs était complètement aboli de l’autre côté de la frontière. Au début du vingtième siècle, face à la montée du nazisme, Haïti ne s’est pas contenter de désavouer le régime d’Adolf Hitler, elle a aussi ouvert ses portes pour accueillir les Juifs persécutés de l’Europe. Donc, même quand elle faisait face à ses propres défis, Haïti a toujours assumé sa responsabilité morale en tant que défenseure de justice et protectrice des opprimés, accomplissant ainsi sa destinée manifeste.
Moïse Jean Charles est peut-être le seul homme politique Haïtien de notre temps qui a démontré sa foi en cette «vocation exceptionnelle ». Quand Moïse condamne les injustices sociales et les discriminations systémiques, il ne se soucie pas uniquement d’Haïti, mais aussi de tous les peuples exploités du monde. À l’ONU, devant les ambassades étrangères, et même en correspondance avec le président Américain, il n’a pas peur de cracher la vérité et de plaider en faveur des peuples du sud. L’un de ses plus grands souhaits est de voir un dialogue sincère accompagné d’une coopération sereine entre les pays du tiers monde pour une vraie émergence d’ensemble.
Aujourd’hui, à travers le monde, les discriminations raciales et inégalités sociales continuent de limiter les opportunités pour beaucoup. La pauvreté et les inégalités ont des conséquences néfastes particulièrement sur les groupes les plus défavorisés. Aux États-Unis, plus de cinquante ans après la lutte pour les droits civiques, les Afro-américains se trouvent dans le besoin de rappeler que « les vies noires comptent. » Face à ces situations, Haïti ne peut pas rester indifférente. Elle doit continuer à tout prix de secouer le joug de la servitude et de l’oppression partout où elle peut, et d’exprimer son soutien inconditionnel aux opprimés de ce monde. De ce fait, ce pays « exceptionnel » a besoin de plus d’hommes et de femmes de courage comme Moïse qui croient de toute leur âme en cette « grandeur Haïtienne » et en la mission universelle de ce peuple élu. L’heure est enfin venue pour nous d’être à la hauteur de notre histoire et de réclamer notre place parmi les nations. Il est de notre devoir d’accomplir notre destinée manifeste, d’inspirer les nations, et de porter bien haut le flambeau de la liberté des peuples opprimés de ce monde.
Boaz Anglade
Boaz Anglade est un chercheur postdoctoral en économie appliquée. Ses intérêts de recherche portent sur l’économie du développement et des ressources naturelles. Suivez-le sur Facebook: www.facebook.com/boanglade