« L’une de mes convictions est qu’Ali Bongo ne défend pas les intérêts de la France. Et je pense que tout le monde en est convaincu », a déclaré Jean Ping au journal Le Monde en mars 2016. (Gabon: la France va-t-elle lâcher Ali Bongo ? Mediapart)
Les médias vous ont fait croire que la Françafrique était finie, que Paris entendait dès à présent soutenir la démocratie malgré un soutien à ses dictatures françafricaines pendant plus d'un demi-siècle. En fait la réalité pourrait être plus complexe. Elle rappelle la position de la France en Centrafrique.
Lors du coup d'état contre Bozizé en 2013 par les milices de la Séléka soutenues par le dictateur françafricain Idriss Déby, si la France n'est pas intervenue, c'est tout simplement pour défendre ses intérêts. En effet Bozizé avait commencé à négocier le pétrole centrafricain avec la Chine délaissant la France.
A l'époque la quasi-totalité de la presse française (traditionnelle et celle dite "indépendante") n'avait pas mentionné que si le dictateur Bozizé n'avait plus le soutien de l'actuel gouvernement français c'était en raison du contrat qu'il avait signé avec la Chine lui attribuant l'acquisition du bloc pétrolier A. (Pro-French Central African Republic coup leaders scrap Chinese oil deals ; France, Japan form alliance targeting Chinese influence in Africa).
Ce que son successeur Djotodia porté au pouvoir par la grâce du Tchad et de la France, entendait rétablir (LDC Les Français sécurisent Djotodia). "WSWS a rapporté que le président Bozizé a insinué que la révolte contre lui avait quelque chose à voir "avec l'octroi des contrats d'exploration pétrolière plus tôt cette année qu'il a accordé à des sociétés chinoises et sud-africaines" - Quant au rôle de l'Occident dans cette affaire, l'Humanité (Paris) a noté dans un article publié mardi et traduit ci-dessous dans son intégralité, "il est certain que Paris ne perd pas de vue les intérêts français centraux en RCA. Cette République est une caricature d'une économie d'extraction typique des anciennes-colonies d'Afrique. Le géant français de l'énergie Areva se développe dans Bakouma, à 900 kilomètres (560 miles) au nord-est de Bangui, un projet d'exploitation d'uranium. Le gisement a été découvert dans les années 1960 .. . par le Commissariat à l'énergie atomique". (NEWS: US, French troops heading to Central African Republic as rebels advance on capital).
"Djotodia a déjà annoncé vouloir revoir les contrats miniers et pétroliers conclus entre la RCA et la Chine et signés par le gouvernement Bozizé, pour voir « si les choses ont été mal faites et essayer d'y mettre de l’ordre. » De plus, Djotodia a déclaré qu’il inviterait en RCA la France, son ancienne puissance coloniale, aux côtés des Etats-Unis, afin de former à nouveau l’armée officielle qui a été vaincue par la Séléka le week-end dernier". (WSWS Les dirigeants pro-français du coup d’Etat en Centrafrique jettent au rebut les accords pétroliers avec la Chine, 3 avril 2013)
Et comme le chef de guerre français l'avait déclaré à l'époque, la France est là pour défendre ses intérêts : "D'une manière générale si nous sommes présents ce n'est pas pour protéger un régime mais pour protéger nos ressortissants et nos intérêts" (François Hollande, en mars 2013,"La France n'interviendra pas, mars 2013)
En l'occurrence, elle n'avait pas intérêt à défendre le dictateur françafricain Bozizé qui fut installé par l'Etat français par un coup d'Etat pour chasser son prédécesseur Ange-Félix Patassé.
Lire : - Centrafrique : ce que les médias français ne vous diront pas
Encore une fois après l'intervention de l'armée française pour chasser les milices de la Séléka qui semaient la terreur en Centrafrique soutenues initialement par la France et le Tchad pour renverser le dictateur françafricain Bozizé, c'est Total qui va ramasser le pactole dans une Centrafrique "pacifiée" par les militaires français sous la Présidente Samba-Panza installée par la France en 2014.
"Total après avoir rencontré la présidente lors des différents séjours en Europe, mais surtout le ministre des mines qui a été en mai (2014) invité avec sa famille aux frais de Total, pour un séjour idyllique à Paris, a pu conclure un gentleman agreement soit un accord de principe avec les autorités centrafricaines.Les dits accords prévoient de céder à Total l’exclusivité de l’exploitation du bloc A octroyant à la RCA 10% et 90% à la société française. De même Total rentre dans le capital de l’accord liant la Centrafrique à la Chine en s’octroyant 40% des parts revenant à la RCA ce qui donne lieu à une répartition défavorisant la RCA 10%, et 50% à la Chine." ( Centrafrique:Total fait main basse sur le pétrole centrafricain (Kangbi-Ndara) , juillet 2014)
En somme, la politique étrangère de la France en Afrique répond à une logique françafricaine néocoloniale prédatrice qui est invariante depuis plus d'un demi-siècle en dépit des médiamensonges répandus depuis 50 ans sur la fin présumée de la Françafrique.
Pour l'actuel dictateur françafricain Bongo fils, il pourrait en être de même. Lors de son arrivée au pouvoir en 2009, l'Etat français sous Sarkozy-Fillon l'a pleinement soutenu malgré l'ampleur des fraudes massives (Gabon : la France appelle au calme après 50 ans de soutien au régime Bongo). En fait le candidat de l'opposition, à l'époque, n'était pas très favorable aux intérêts des multinationales françaises et surtout le fils Bongo s'avérait être la poule aux oeufs d'or tout comme le fut feu son père Omar Albert Bongo installé par le diabolique duo De Gaulle-Foccart.
Cette fois-ci la donne a changé car le candidat de l'opposition est le serviable Jean Ping qui fut un ancien ministre du dictateur françafricain Bongo père et a montré à plusieurs reprises qu'il soutenait les intérêts français notamment en Côte d'Ivoire lorsqu'il avait été contre le recompte des voix suite à l'élection frauduleuse de Ouattara soutenu par le sombre duo Sarkozy-Fillon et l'armée française face à Gbagbo.
Lire : Françafrique. Jean Ping doit-il être transféré devant la CPI ?
Quant au fils Bongo, il s'est montré beaucoup moins serviable pour les intérêts français. Cet ingrat s'est tourné vers la Turquie et a pris ses distances avec le monde de la France et de la Françafrique. C'est sans doute pour cela que le parti impérial socialiste français a commencé à le lâcher ouvertement tout comme il avait lâché le démocrate Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire.
"Du temps de Bongo père, tout allait bien : avec l’argent du pétrole, il arrosait tous les partis politiques français qui le lui rendaient une fois au pouvoir, en l’aidant à s’y maintenir. Mais Bongo fils a pris des décisions qui n’ont pas plu aux entreprises françaises, omniprésentes au Gabon. Parmi elles, un redressement fiscal infligé à Total qui n’avait jusque-là jamais payé d’impôts dans le pays. En 2014, un bon connaisseur des relations franco-gabonaises expliquait, alors que des cadres de l’opposition disaient vouloir faire partir Bongo avant même la prochaine présidentielle : « La France officielle évite d’afficher ses préférences, même s’il est évident que tout en ayant besoin du régime gabonais dans ses aventures guerrières dans la sous-région, elle sera la première à se féliciter de sa chute. » En septembre 2015, ABO a aggravé son cas avec une sortie peu diplomatique faite depuis le perron de l’Élysée après une rencontre avec Hollande. Le président gabonais avait déclaré à propos de la brève arrestation de son tout-puissant directeur de cabinet, Maixent Accrombessi, intervenue peu avant en France : « On a voulu humilier le Gabon. » Dans un communiqué publié dans la foulée, la présidence gabonaise avait souligné à propos de l’entretien Hollande-ABO : « Le président gabonais a insisté pour que tout soit mis en œuvre pour décomplexer définitivement les relations entre les deux pays. » Ping semble de son côté avoir à cœur de se montrer plus amical avec la France : « L’une de mes convictions est qu’Ali Bongo ne défend pas les intérêts de la France. Et je pense que tout le monde en est convaincu », a-t-il déclaré au journal Le Monde en mars 2016. Un signe : Robert Bourgi a lâché ABO pour Ping. Samedi, l’avocat était devant l’ambassade du Gabon à Paris pendant le vote de la diaspora gabonaise, expliquant que, sans lui, ABO courait avec certitude à l’échec." (Gabon: la France va-t-elle lâcher Ali Bongo ? Mediapart)