Le Time et sa croisade anti-Venezuela Par Jean Araud InvestigAction
Quand on lit un magazine aussi prestigieux que le Time, on peut imaginer que ses sources d’informations internationales sont sérieusement vérifiées. Mais lorsqu’on lit un article sur le Venezuela rédigé par leur journaliste Ioan Grillo et que l’on vit au quotidien dans ce pays, on peut sérieusement se demander si ce journaliste est mal informé, s’il se trompe en toute bonne foi, ou si au lieu de nous fournir une information il ne s’agirait pas plutôt d’une désinformation, d’une manipulation ou d’une intoxication de ses lecteurs.
Au début du mois d’août, le 12 plus précisément, une partie de l’opposition a révélé de manière triomphale et en exclusivité la prochaine couverture du Time à paraître le 22 août, ainsi que des extraits d’un article de Ioan Grillo tels que “le Venezuela se meurt”, “La lente chute d’un pays”,”Comment le pays ayant le plus de pétrole au monde s’est écroulé”, ou encore “Il était autrefois le pays le plus riche d’Amérique latine. Aujourd’hui, il s’écroule.”
Elle a également annoncé que la revue Time évoquerait le thème de la pénurie de produits de première nécessité.
Nous ne doutons pas du fait que le Time a pris cet article au sérieux, car tous les journalistes ne voient pas leur article propulsé en couverture. Nous ne doutons pas non plus des liens étroits qui existent entre le magazine et une frange de l’opposition vénézuélienne, car être capable de présenter l’article d’un journal ainsi que la couverture de ce dernier avec dix jours d’avance n’est pas donné à tout le monde.
Nous attendions donc la publication du Time du 22 août afin de pouvoir lire les grandes exclusivités rapportées par cet auteur.
Au fil des jours, nous nous sommes aperçus qu’il n’avait rien écrit d’exclusif.
Le 20 août déjà, le New York Post entrait en scène avec la publication d’une vidéo présentant le Venezuela comme la capitale mondiale de la violence, avec nombre de ses citoyens vivant dans la pauvreté et ayant comme seul moyen de subsistance le trafic de drogue.
Mais avant cela, l’autre journal prestigieux britannique, le Financial Times, avait devancé le Time et le New York Post, en affirmant le 18 août que la “situation que traverse le Venezuela est comparable aux problèmes qui existaient avant la chute du Mur de Berlin”.
Le jour d’après, soit le 19 août, c’était au tour de l’Europe, avec Actu Soirmag via l’AFP, de voler la vedette au Time. Le site publiait un article sur “la pénurie de viande au Venezuela, les prix exorbitants du riz et des haricots, la crise humanitaire et les longues files d’attente pour acheter de quoi se nourrir. Tout cela sous un titre racoleur: “Frappés par la crise, des Vénézuéliens mangent les animaux du zoo”.
Curieux concert que celui réunissant le Time, le New York Post, le Financial Times, Actu Soirmag et l’AFP, sans parler de ceux qui ont entonné le même chant à l’unisson.
Concert fortuit, coïncidence, ou bien y avait-il un chef d’orchestre?
Nous ne leur demanderons pas car nous savons qu’ils ne répondront pas. Au lecteur de tirer ses propres conclusions.
En revanche, ce que nous ne manquerons pas de demander à Ioann Grillo et à ses collègues c’est pour quels motifs ses informations se limitent-elles à des informations “noires”, sans même l’ombre d’une seule information positive.
Ces journalistes présentent-ils des informations ou bien se consacrent-ils en réalité à la désinformation, à la manipulation et à l’intoxication de leurs lecteurs ?
C’est absolument vrai. Mais il vaudrait la peine d’exposer à vos lecteurs quelques informations complémentaires.
Ces journalistes ignorent-ils qu’une véritable guerre économique se déroule actuellement au Venezuela, et que cela implique une pénurie de produits?
Ces journalistes savent-ils que pendant que le peuple n’arrive pas à se procurer du pain, du sucre, de la farine ou du lait, les boulangeries de Caracas sont pleines de délicieux gâteaux et les magasins proposent des yaourts aromatisés à toutes les saveurs possibles et inimaginables?
Ces journalistes savent-ils qu’une Feria Gourmet a récemment eu lieu sur la Place Altamira à Caracas, qu’un nouvel événement gastronomique est en cours de préparation et que les meilleurs restaurants proposent des menus exquis de manière quotidienne ?
Sur le Venezuela comme capitale mondiale de la violence.
Est-ce qu’il y a des problèmes de violence et d’insécurité au Venezuela?
Oui, absolument.
Mais en faire une capitale mondiale est une appréciation curieuse et radicale venant de journalistes étasuniens et européens qui semblent s’inquiéter davantage pour le Venezuela que pour leur propre pays.
Par exemple: à notre connaissance, aucun centre commercial n’a connu de fusillade aboutissant à 9 morts et 27 blessés comme cela s’est passé à Munich le vendredi 22 juillet dernier.
À notre connaissance, le Venezuela n’a pas non plus connu de camion qui fonce sur la foule, provoquant un bilan de 84 morts et 52 blessés graves, comme cela s’est produit à Nice le 14 juillet dernier.
Aucune information n’a rapporté l’histoire d’une discothèque de Caracas où 49 personnes ont été tuées et 53 autres blessées, contrairement à ce qui est arrivé à Orlando en Floride le 12 juin dernier.
Nous n’avons pas non plus d’entreprise vénézuélienne, publique ou privée, qui a connu 60 suicides d’employés en seulement trois années, comme cela a été le cas chez la société française France Télécom.
En approfondissant nos recherches, nous n’avons pas retrouvé la trace du côté de la Garde Nationale Bolivarienne d’une arrestation massive et violente où les fonctionnaires auraient perdu le contrôle des manifestants, comme cela a été le cas en France avec les CRS, face, en plus de cela, à une manifestation pacifique des pompiers.
Puisque nous parlons ces temps-ci d’insécurité pour la population vénézuélienne, nous n’avons connu ni attentat de grande envergure provoquant la mort de 130 personnes comme à Paris en novembre 2015, ni des milliers de morts accumulées provoquées par des fusillades chroniques dans les universités des États-Unis, ni des dizaines de morts, criblés de balles par les forces de police par le simple fait d’être des citoyens noirs.
Qu’il existe des problèmes de violence et de sécurité au Venezuela, nous le savons et nous le vivons au quotidien. Mais si cette situation préoccupe effectivement un journaliste sérieux et honnête, il devrait chercher aussi à s’informer et relayer à ses lecteurs les opérations que réalisent quotidiennement les Forces de Sécurité de l’État afin de lutter contre la pègre, les enlèvements, le sicariat (emploi de tueurs à gage), et le paramilitarisme importé d’un pays voisin.
Cette phrase plutôt modérée nous a surpris et afin de créer un modèle d’opinion, nous sommes habitués à une définition plus tranchée, celle du “Venezuela, narco-État”.
Mais pour ne pas manquer de respect à l’intelligence du journaliste du Time, nous n’allons pas prétendre lui apprendre que c’est son pays qui est le plus gros consommateur de drogues au monde, que son principal fournisseur est la Colombie, que le Venezuela est sur la route du trajet États-Unis-Colombie, et que deux et deux font quatre. Malheureusement, au Venezuela nous subissons les conséquences de ce narco-trafic. C’est pour ces raisons que l’ONA [Bureau National Antidrogues, NdT], doit agir quotidiennement au moyen de contrôles et de programmes préventifs afin de protéger la population. Il est curieux de constater que depuis que Chávez a expulsé la DEA (Drug Enforcement Administration [département fédéral étasunien de lutte contre la drogue, NdT]) les arrestations liées au trafic de drogue ont augmenté de manière significative.
Mais puisque que le New York Post semble s’intéresser à la thématique du trafic de drogue, nous pouvons lui ournir des informations complémentaires, révélées ces derniers jours par le Général Néstor Luis Reverol lui-même, Ministre de l’intérieur du Venezuela.
Le Venezuela occupe actuellement la première place des pays où l’on saisit le plus de quantité de drogue, avec 4% des saisies mondiales.
Les États-Unis ont confisqué les deux radars que possédait le Venezuela en 2002 et l’ont obligé à acheter 24 avions au Brésil afin de pouvoir intercepter les appareils illégaux violant l’espace aérien. Mais grâce aux nouveaux radars chinois et à des avions spécialement équipés, l’activité du Commandement Intégral de Défense Aérospatiale peut affirmer que cet espace aérien est aujourd’hui sevré de tout trafic de drogue.
On compte au total 111 interceptions et immobilisations d’aéronefs, et respectivement 359 et 108 confiscations de pistes et laboratoires clandestins. De leur côté, les rapports des Nations Unis ont officiellement déclaré que le Venezuela était un pays non-producteur de drogue.
Pour conclure sur le thème du narcotrafic, nous aimerions échanger quelques informations avec nos confrères européens.
Nous les informons que la justice vénézuélienne vient de condamner dix personnes à 22 ans et 6 mois de prison, parmi lesquelles trois militaires vénézuéliens, pour leur implication dans un trafic de drogue. Nous nous référons aux 1 382 kilogrammes de cocaïne découverts dans 31 valises sur un vol Air France entre Caracas et Paris, le 10 septembre 2013.
Ainsi, c’est la justice vénézuélienne qui a d’abord jugé ses citoyens responsables d’avoir facilité l’embarquement de cette drogue.
Dans sa publication relative à cette affaire, Associated Press se montre plus timide quand il s’agit de rapporter que les mallettes en question sont sorties de l’aéroport de Paris avec autant de facilité qu’elles y sont entrées dans celui de Caracas, puisque c’est seulement sur une autoroute en direction de la Belgique qu’on a pu intercepter le chargement.
Il serait intéressant qu’ils suivent avec autant d’assiduité le futur des principaux responsables de ce trafic que sont deux Britanniques et trois Italiens, membres avérés du cartel qui a mis en place l’opération en se servant du Venezuela comme un pont entre la Colombie, les États-Unis et l’Europe.
Une vision et une approche différentes de celles d’Associated Press, qui conclut ainsi: “Le Venezuela est désigné comme l’un des principaux points de transit de la drogue à destination des États-Unis et de l’Europe.”
Nous pensons qu’il serait peut-être plus éthique dans ce genre de situation de nommer les véritables responsables que sont les producteurs et les grands trafiquants.
Il est évident que l’information est une chose, à bien distinguer de la désinformation, la manipulation ou l’intoxication des lecteurs utilisées pour créer un modèle d’opinion dans le cadre d’une guerre médiatique aux fins occultes et inavouables et qui ne permet pas de rapporter les véritables réalités.