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La Garde nationale créée par Hollande vise la classe ouvrière (WSWS)

par Anthony Torres 17 Octobre 2016, 06:31 François Hollande Garde nationale Classe ouvrière Etat d'urgence France

En reprenant à son compte la proposition du FN de créer une Garde nationale, officiellement validée par Hollande mercredi en Conseil des ministres, le PS se prépare à des opérations militaires de grande envergure à l'intérieur de la France. Vu le grand nombre de réservistes que regrouperaient cette formation, elle n'est manifestement pas destinée à la répression des petits groupes de terroristes lors d'attentats en France. Elle servirait bien à réprimer les mouvements sociaux.

L'objectif serait de passer de 63.000 hommes de la réserve existante à 84.000 hommes et femmes réservistes. Ceci permettrait à la réserve de déployer 9.250 soldats sur le territoire, au lieu des 5.500 aujourd'hui. La Garde nationale pourrait aussi servir dans des guerres étrangères, comme c'est le cas de la Garde nationale américaine, qui a participé aux occupations d'Irak et d'Afghanistan.

Selon un rapport sénatorial de Gisèle Jourda (PS) et Jean-Marie Bockel (UDI), la Garde nationale a vocation à assister l'armée dans des opérations majeures sur le sol français : « A la condition d'être rendue plus forte, plus structurée, plus nombreuse avec un maillage territorial qui ancre la réserve sur l'ensemble du territoire notamment dans les déserts militaires, la réserve militaire constituerait une garde nationale efficiente. Elle offrirait à l'armée active un appui opérationnel à la hauteur des nouveaux besoins de notre territoire ».

La Garde Nationale sera constituée de volontaires « avec ou sans expérience militaire préalable », ainsi que d'anciens militaires ayant quitté l'armée depuis moins de cinq ans. Le budget de la réserve augmentera de près de 50 pour cent, passant de 211 à 311 millions d'euros.

Hollande forme la Garde nationale après avoir imposé d'état d'urgence suite à une série d'attentats commis par des membres des mêmes milices islamistes mobilisées par les pays de l'OTAN, dont la France, pour mener la guerre en Syrie. Cette guerre, qui menace de dégénérer en conflit ouvert entre la Russie et l'OTAN, ainsi que les mesures d'austérité impopulaires de Hollande dont la loi travail, chauffent à blanc les tensions sociales en France.

Hollande, qui a reçu plusieurs fois la dirigeante du FN Marine Le Pen à l'Elysée afin de promouvoir le FN, s'est encore servi dans le programme du FN pour accélérer la construction de l'Etat policier. Il avait déjà tenté d'inscrire dans la constitution le principe de la déchéance de nationalité, dont les origines remontent au régime de Vichy.

En proposant de créer une Garde nationale en 2014, Le Pen avait non seulement en vue l'ennemi extérieur (augmentation du budget de la défense et restauration du service militaire obligatoire) mais aussi l'ennemi intérieur, c'est-à-dire les travailleurs. Elle a dit : « Nous assurerons en priorité la protection du territoire national… notamment grâce à la mise en place d'une garde nationale de 50.000 réservistes, hommes et femmes, mobilisables dans un bref délai, moins de 24 heures ».

Ce que craignent les dirigeants français ce n'est pas le terrorisme, qui lui sert d'un instrument pour intensifier ses interventions militaires extérieures et de renforcer son appareil répressif, mais bien l'hostilité de la classe ouvrière envers leur politique pro-guerre et pro-austérité.

La création d'une Garde nationale en France intervient sur fond de profondes tensions militaires et sociales à travers toute l'Europe. Dans ce contexte, la bourgeoisie a recours dans de nombreux pays à la construction de milices paramilitaires plus ou moins directement liées à l'extrême droite. En Ukraine, en Pologne, en Tchéquie, et ailleurs, on encourage la création de formations paramilitaires nationalistes voire pronazies.

En Ukraine, la Garde Nationale soutenue par Washington qui recrute des volontaires fascistes et néo-nazis est sortie du putsch de Kiev en 2014 soutenue par l'OTAN. Le bataillon « Azov », qui compte plus d’un millier de soldats, fut fondée et dirigée par le néo-nazi, Andriy Biletsky. Il déploie des bannières arborant une croix gammée modifiée, copiée des unités SS de la Seconde Guerre mondiale, et a servi à écraser l'opposition dans les zones russophones de l'est ukrainien.

La presse s'est gardée d'évoquer les milices ukrainiennes, polonaises, ou tchèques en discutant du caractère de la Garde nationale. Toutefois, les autres gardes nationales qu'elle a citées en exemple démontrent que la répression interne est au centre des préoccupations de la classe dirigeante française. La Garde Nationale aux Etats-Unis intervient contre les émeutes urbaines et les grandes manifestations contre les violences policières.

Dans le contexte de la plus grande crise économique et militaire depuis les années 1930, les formes de la vie politique ressemblent de plus en plus à celles analysées par Trotsky et par la Quatrième internationale à sa fondation en 1938. Ils expliquaient que, dans un contexte de tensions de classes extrême, la police et l'armée n'étaient plus capables à elles seules de mener la répression voulue. Pour cela la bourgeoisie faisait appel à des forces paramilitaires plus ou moins légales.

Sur ce sujet, le programme fondateur de la Quatrième internationale déclarait : « La bourgeoisie ne se contente nulle part de la police et de l'armée officielle. Aux États-Unis, même dans les périodes "calmes", elle entretient des détachements militarisés de jaunes et de bandes armées privées dans les usines. Il faut y ajouter maintenant les bandes de nazis américains. La bourgeoisie française, à la première approche du danger, a mobilisé les détachements fascistes semi-légaux et illégaux jusqu'à l'intérieur de l'armée officielle. ... La bourgeoisie se rend clairement compte qu'à l'époque actuelle, la lutte des classes tend infailliblement à se transformer en guerre civile. Les exemples de l'Italie, de l'Allemagne, de l'Autriche, de l'Espagne et d'autres pays ont appris beaucoup plus aux magnats et aux laquais du capital qu'aux chefs officiels du prolétariat ».

Comme à cette époque, la classe ouvrière est la seule base sociale pour la démocratie en France et à travers le monde. Il existe une profonde opposition parmi les travailleurs à l'installation d'un régime autoritaire. Mais la seule façon de bloquer l'installation d'un tel régime est la mobilisation politique des travailleurs contre la guerre et l'austérité, et pour la défense des droits démocratiques. Aujourd'hui, les divers partis de la bourgeoisie cherchent tous à renforcer l'appareil répressif.

L'état d'urgence prolongé à l'infini par le PS a montré les limites dans les capacités des forces répressives existantes à mater l'opposition des travailleurs et des jeunes. Pendant les grèves contre la loi travail, des manifestations de policiers ont été organisées par le syndicat Alliance proche du FN, avec le soutien de la CGT et du PS, pour exprimer leur « fatigue » et leur mécontentement à l'encontre du « sentiment antiflics » et pour réclamer plus de moyens.

L'instabilité de la situation politique et sociale et l'éventualité d'une guerre civile sont discutées au sein des services de renseignement. Selon le patron de la DGSI, Patrick Calvar, « Nous sommes au bord de la guerre civile. Il nous appartient donc d’anticiper et de bloquer tous ces groupes qui voudraient, à un moment ou à un autre, déclencher des affrontements intercommunautaires ».

Ce sont ces conditions politiques qui poussent le PS à suppléer les forces de l'armée, de la gendarmerie et de police avec une Garde nationale.

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