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Les militaires occidentaux, désavoués par l’armée nigérienne (Mondafrique)

par Mondafrique 10 Novembre 2016, 06:04 Niger Américafrique Françafrique France USA Armée française Armée US néocolonialisme Colonialisme Impérialisme Protestation Allemagne Armée allemande

Les militaires occidentaux, désavoués par l’armée nigérienne (Mondafrique)

Alors que l'armée nigérienne est de plus en plus la cible d'attaques terroristes, une note publiée par le Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité (Grip) le 7 novembre dernier montre l'hostilité grandissante des forces de sécurité nigériennes envers la présence militaire occidentale.

France, Etats-Unis et plus récemment Allemagne… Le Niger, pays stratégique au coeur du Sahel, bordé par le Mali à l’ouest, la Libye au nord et le Nigéria au sud, est devenu, ces dernières années, un territoire de prédilection pour le déploiement des forces armées occidentales. Objectifs, sécuriser les sites d’exploitation d’uranium d’Areva, renseigner sur les mouvements terroristes qui sévissent dans la zone, apporter un soutien matériel à l’opération française Serval puis Barkhane au Mali et renforcer les capacités de l’armée nationale nigérienne.

Un présence qui est loin de faire l’unanimité. Selon une note d’analyse rédigée par le chercheur Georges Berghezan pour le Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la Sécurité (GRIP) intitulé « Militaires occidentaux au Niger : présence contestée, utilité à démontrer », la population nigérienne ainsi qu’une grande partie de l’armée y sont en réalité hostiles.

Faisant référence aux travaux d’Antonin Tisseron, spécialiste des questions de sécurité en Afrique qui s’est penché sur l’opinion nigérienne face aux déploiement militaires occidentaux sur le territoire, le rapport GRIP rapporte que « selon nombre de Nigériens, la France ne penserait qu’à ses propres intérêts, au détriment de la souveraineté du pays et sans recherche de réciprocité.

Son intervention militaire au Sahel ne répondrait pas aux causes profondes de la déstabilisation de la région et contribuerait à la maintenir dans le sous-développement. En outre, Français et Américains mentiraient sur les raisons de leur présence, allant jusqu’à entretenir une violence servant leurs intérêts. Le cas de la Libye, devenue source de déstabilisation de toute une région après le changement de régime opéré par les bombardiers de l’OTAN, est bien entendu un argument de poids de cette théorie, d’autant plus que le colonel Kadhafi était très populaire dans le pays. De même, Boko Haram et AQMI serviraient à décourager tout investisseur potentiel non états-unien et non français, notamment dans le domaine de l’exploitation de l’uranium. Enfin, pour les opposants au régime, la récente réélection de Mahamadou Issoufou lors du scrutin contesté de mars 2016 s’expliquerait par le soutien français et, plus généralement, par celui des Occidentaux. »

Membre de l’Internationale socialiste, au mieux avec François Hollande, le président nigérien Mahamadou Issoufou s’est imposé ces dernières années comme un allié privilégié de la France dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. En retour, le soutien systématique du président nigérien à Hollande lui a valu, à plusieurs reprises, des critiques acerbes de la population. Son « Je suis Charlie » prononcé après les attentats de janvier 2015 contre les journalistes de Charlie Hebdo avait notamment suscité un véritable tollé au Niger. La publication de caricatures du prophète Mahomet par le journal satirique français avait alors provoqué des émeutes.

Plus étonnant, d’après le rapport du GRIP, l’armée nigérienne serait également traversée par un sentiment d’hostilité à la présence militaire occidentale. L’étude a été menée à travers des entretiens réalisés sur un échantillon de trente militaires rattachés à des corps d’armée différents. « Les réponses nous ont surpris par leur caractère net et tranché » notent les auteurs du rapport.

« Concernant la présence de militaires français, une forte majorité des répondants ont déclaré lui être « très défavorables » (17) ou « plutôt défavorables » (1). Les autres ont dit avoir un avis « partagé » à ce sujet (2). Parmi les raisons motivant leur opinion, l’« atteinte à la souveraineté nationale » a été de loin la plus souvent citée, devant l’« inefficacité de leur soutien ». En outre, parmi les commentaires émis, nombreux sont ceux qui considèrent que la France ne pense qu’à ses propres intérêts, tandis que quelques-uns la soupçonnent de mentir sur ses intentions, voire d’être complice des « terroristes », de contribuer à l’instabilité ou d’aggraver le conflit (« des pompiers qui viennent arroser le feu avec du kérosène », selon les dires d’un capitaine). Plusieurs répondants ont regretté qu’elle ne partage pas les renseignements collectés avec les forces nigériennes ou qu’elle n’apporte aucun renfort en cas de besoin. Au moins deux répondants ont déclaré, plus ou moins ouvertement, que la France protège ainsi le régime en place. De manière générale, ce sont des sentiments de « désarroi », de « déception » et d’« amertume » qui semblent frapper ces militaires.

Les répondants ont été un peu moins catégoriques à propos de la présence militaire états-unienne au Niger. Néanmoins, une très large majorité y est « très défavorable » (15) ou « plutôt défavorable » (1). Trois ont dit avoir des sentiments « partagés » et un seul y est « plutôt favorable », ce dernier invoquant la « protection de l’intégrité territoriale » pour justifier son soutien. Quant aux autres, ils reprochent aux militaires américains, à parts presque égales, l’«atteinte à la souveraineté nationale» et l’«inefficacité de leur soutien ». Parmi les commentaires émis, nombreux sont ceux à mettre dans le même sac les militaires de France et des États-Unis (« même pipe, même tabac », selon un autre capitaine), invoquant des raisons identiques pour justifier leur opinion. Deux répondants sont d’avis que les seconds ne cessent de lancer de « fausses alertes », tandis qu’un les considère « moins hautains » que les Français. Un des trois répondants ayant un avis « partagé » regrette l’opacité de la présence états-unienne.

Enfin, en grande majorité, les répondants (18) sont d’avis que la défense du territoire nigérien et la lutte contre le terrorisme peuvent être assurés uniquement par les forces nigériennes. Les deux autres considèrent que celles-ci devraient être épaulées par des armées africaines ou une force de la CEDEAO, en tout cas pas par des États occidentaux. »

De quoi nuancer les démonstrations d’enthousiasme des autorités nigériennes vis-à-vis des déploiements militaires occidentaux sur leur territoire.

« Dans un pays qui a connu quatre coups d’Etat militaires depuis son indépendance, ce décalage avec l’opinion apparemment majoritaire au sein des forces armées devrait interpeller la classe politique au pouvoir » conclue le GRIP.

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